Il s'était appliqué à être un homme bien, et il n'était pas un mauvais homme.
Elle jeta un dernier regard au jardin.L'air s'était subitement refroidi,mais c'était déjà un froid de printemps un froid vespéral, sans aucune menace.Il faisait presque nuit. 《 Il est des choses qui attendent se dit-elle.Tout ne meurt pas.Vivre prend du temps.》Puis elle se dirigea vers la maison dorée et prit dans la sienne la main qu'il lui tendait.
Ces choses -là arrivent.
Elle aimait l'odeur des livres sur les étagères, les caractères sur les pages, ce sentiment que le monde était un endroit infini mais qu'elle pouvait découvrir.
C'était une histoire banale, où le froid pénétrait dans les os des êtres pour ne plus jamais les quitter, où les souvenirs s'enfonçaient dans leur coeur pour ne plus jamais le laisser en paix.
"Il est des choses qui attendent, se dit-elle. Tout ne meurt pas. Vivre prend du temps." Puis elle se dirigea vers la maison dorée et prit dans la sienne la main qu'il lui tendait.
Ces choses-là arrivent.
"Il est des choses auxquelles on échappe, pensa-t-il. Mais contre la plupart d'entre elles on ne peut rien, et le froid en fait partie. On n'échappe pas à ce qui est écrit pour nous, surtout au pire. La perte de l'amour. La déception. Le fouet aveugle de la tragédie."
Incroyable, tout ce qu'on pouvait apprendre dans une bibliothèque, en se contentant de chercher. Sur les poisons par exemple. Des pages et des pages de poisons. Aussi simple qu'un livre de recettes. Il suffisait de savoir lire pour pouvoir empoisonner quelqu'un au nez et à la barbe du reste du monde.
Sa colère était cette pointe brûlante et immobile sur laquelle était empalée sa vie.
Apprendre lui plaisait. Elle aimait l'odeur des livres sur les étagères, les caractères sur les pages, ce sentiment que le monde était un endroit infini mais qu'elle pouvait découvrir.
C'est dans l'entre-deux que tout devait prendre forme, et elle avait beau se l'être repassé encore et encore en esprit, elle ne faisait pas confiance à ce temps-là. On pouvait se faire prendre. On pouvait perdre l'équilibre, ou sa route, et être démasqué. Dans l'entre-deux, il se produisait toujours des choses que l'on avait pas prévues et c'étaient ces choses, la possibilité de ces choses qui la hantait et la troublait, et cette préoccupation transparaissait dans les tendres cernes mauves qui se creusaient sous ses yeux sombres en amande.