il ne faut pas arrêter un souvenir en marche.
Tu étais mort et le rire ne collait pas avec le drame. Quand meurt un humoriste, de quoi sont faites les larmes de ceux qui restent ?
Tu vois, papa, l’œuvre de Brassens est comme la tienne : d'abord on écoute une histoire, plus tard on en entend une autre, un jour on s'émeut de ce qu'on n'avait pas saisi. Alors on remet la chanson et c'est un autre texte qui surgit.
Papa, il faut que je te dise que je t'ai remplacé. Le vide, l'absence, le silence. Toutes les marques de ta mort étaient insupportables. Alors je me suis attachée à des hommes. J'ai grandi sans toi et avec eux.
J'ai vite trouvé le moyen le plus sûr de grandir sans trop souffrir : t'inventer. Te créer chaque jour. Te faire vivre en m'éloignant de toi. Toi l'homme réel, mort.
Déjà j'ai habillé mon chagrin d'une tenue de camouflage.
je comprends [...]. Que l'absence ne s'en laissera pas conter. Que la mort me dira : "Remballe tes artifices, personne n'échappe à la douleur du deuil."
Elle venait d'enterrer l'homme de sa vie, et moi je voulais qu'elle mette son pull Mickey.
Aux morts on offre des fleurs. Des fleurs qui se fanent dès que s'éloignent les sanglots.
Je ne sais pas très bien où. Mais je sais qu'il est là. Dévasté sans éclat. Démoli sans tapage. Pas de sanglots, pas de douleur bruyante. Le désespoir sec. Le vrai. Celui qui impressionne.