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Citations sur Un balcon en forêt (84)

La lune s'était dégagée : au fond de la trouée des arbres, la pente de la clairière se givrait d'une lumière froide, minérale, toute ocellée par l'ombre d'encre des jeunes sapins assis sur l'herbe. Jamais Grange n'avait eu comme ce soir le sentiment d'habiter une forêt perdue : toute l'immensité de l'Ardenne respirait dans cette clairière de fantômes, comme le cœur d'une forêt magique palpite autour de sa fontaine. Ce vide de la futaie, cette garde sommeillante le troublaient. Il songeait au mot bizarre qui était venu à Hervouët ; "On n'est pas soutenus". Ce qu'on avait laissé derrière soi, ce qu'on était censé défendre, n'importait plus très réellement ; le lien était coupé ; dans cette obscurité pleine de pressentiments les raisons d'être avaient perdu leurs dents. Pour la première fois peut-être, se disait Grange, me voici mobilisé dans une armée rêveuse.
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Jamais Grange n’avait eu comme ce soir le sentiment d’habiter une forêt perdue : toute l’immensité de l’Ardenne respirait dans cette clairière de fantômes, comme le cœur d’une forêt magique palpite autour de sa fontaine.
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Ce fut vers la fin de décembre que la première neige tomba sur l’Ardenne. Quand Grange se réveilla, un jour blanc et sans âge qui suintait de la terre cotonnait sur le plafond l’ombre des croisées; mais sa première impression fut moins celle de l’éclairage insolite que d’un suspens anormal du temps : il crut d’abord que son réveil s’était arrêté; la chambre, la maison entière semblaient planer sur une longue glissade de silence -- un silence douillet et sapide de cloître, qui ne s’arrêtait plus Il se leva, vit par la fenêtre la forêt blanche à perte de vue, et se recoucha dans la chambre quiète avec un contentement qui lui faisait cligner les yeux. Le silence respirait autour de lui plus subtil sous cette lumière luxueuse. Le temps faisait halte : pour les habitants du Toit, cette neige un peu fée qui allait fermer les routes ouvrait le temps des grandes vacances.
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Grange s'amusait quelques instants parfois à fermer les yeux, et à vérifier combien la guerre, même dans ses instants les plus endormis, alertait toujours plus intimement l'ouïe que la vue, par cette espèce de brinquebalement de herse géante promenée sur la terre remuée.
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La laideur en était celle des corons ouvriers ou des maisonnettes de garde-barrière; les hivers mouillés du sous-bois avaient rongé l'appareillage mesquin, arraché le crépi par plaques, charbonné à l'aplomb des fenêtres et des marches de l'escalier de longs pleurs de rouille qui descendaient jusque sur le béton.
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(...) au-dessus de leur tête, le châtaignier découpait dans le ciel un lourd nuage d'encre aux bords frisés qui jetait sur la terrasse une ombre plus noire, mais à travers sa frange de feuilles et jusque dans ses déchirures, on voyait briller un fouillis d'étoiles (...)
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Trois ou quatre souches équarries servaient de sièges : sur l'un d'eux étaient posés, presque emblématiques, un jeu de cartes et deux bouteilles vides, comme une nature morte de cette guerre qui hivernait maintenant en plein soleil.
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(...) un avion de reconnaissance allemand, à l'heure du déjeuner, remonta la vallée de la Meuse. Ce n'était qu'une minuscule paillette argentée, très ralentie par la distance, qui brillait par instants dans le soleil; une traînée languide de flocons globuleux le suivant à bonne distance, qui venaient éclore l'un après l'autre dans son sillage avec un « plop » cotonneux et mou. Le spectacle ne parut à Grange nullement guerrier, plutôt ornemental et gracieux : si régulièrement les éclatements s'espaçaient l'un derrière l'autre, on eût dit que le bleu de la matinée claire était fleuri à petits coups par un plantoir céleste.
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(...) à vrai dire, on n'attendait rien, sinon, déjà vaguement pressentie, cette sensation finale de chute libre qui fauche le ventre dans les mauvais rêves et qui, si on eût cherché à la préciser - mais on ne s'en sentait pas l'envie - se fût appelée peut-être le bout du rouleau (...)
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Tous les signes de l'hiver approchant lui plaisaient; il aimait ce temps protégé où il abordait des longs sommeils et des journées courtes; c'était un temps volé qui dormait mal, mais meilleur à prendre que tout autre, pareil à ces vacances magiques qu'ouvre aux collégiens un incendie ou une épidémie.
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