Peu d'éléments biographiques sur l'héroïne, pas même son nom. Son mari et son fils sont morts et elle décortique des faits divers. Etablir la culpabilité ou l'innocence d'un suspect n'est pas son but, le sensationnalisme non plus. Elle s'intéresse à des individus ordinaires devenus acteurs d'événements extraordinaires trop grands pour eux. Elle veut comprendre le rôle et la responsabilité de l'individu dans l'histoire humaine, comment placé en situation-limite, il peut basculer. Elle ne prétend pas traquer la vérité, mais seulement les faits car seule la justice ose affirmer qu'établir les faits, c'est établir la vérité, en réalité bien plus complexe. Son thème favori : la mémoire est-elle une source de désinformation ?
Elle rencontre Franck Anger à la Santé. Il y attend son extradition vers les Etats-Unis où il est soupçonné du meurtre de sa première épouse. Ecrivain de polars ultra-violents, né Francis Towne, il a fui en France, adopté un nouveau nom, continue à écrire mollement. Mais voilà, sa seconde femme, Sigrid, a elle aussi disparu... Franck/Francis accepte de collaborer avec l'enquêtrice-journaliste, et de lui raconter sa vie.
Vérité ? Manipulation ? Les trous noirs dans la vie de Franck sont vertigineux, l'enquêtrice file à San Francisco, Los Angeles pour rencontrer ceux qui l'ont connu et se trouve rapidement convaincue que la part d'ombre de Franck repose sur un drame vécu dans son enfance. de révélation en révélation, l'ordre et la cohérence de l'histoire, longtemps invisibles, apparaissent.
Sylvie Granotier propose une belle évocation des années 70, du mouvement hippie peace and love et flowers dans les cheveux, des communautés, de la contre-culture, qui promettaient une vie en forme d'hymne à la joie à de jeunes gens souhaitant faire sauter le couvercle d'une société contrainte et répressive et faire souffler un grand vent de liberté sur un monde nouveau. Elle évoque aussi la libération sexuelle qui a surtout profité aux hommes ou la guerre du Vietnam où de jeunes pacifistes se sont embourbés puis sont morts dans un conflit insensé. Une génération grandement bousillée d'où est issu Franck/Francis.
Style asséché et clinique, imperméable aux affects, proche d'un document journalistique,
le passé n'oublie jamais est une très agréable et intéressante découverte.