Comme le présente l'auteur, cette biographie est un récit unique en Occident. Unique parce qu'elle raconte la vie de deux alpinistes Russes, deux frères, qui avaient 20 ans en 1920, dont les exploits se sont déroulés « derrière le rideau de fer » et parce qu'elle est racontée en 2020 par un occidental,
Cédric Gras, un Français, qui a non seulement voyagé dans les montagnes perdues des anciennes républiques soviétiques (Tadjikistant, Kirghizistan…) mais qui a également eu accès aux différentes archives concernant les frères Abalakov.
J'ai trouvé ce livre passionnant, bien écrit, et véritablement unique. Il nous parle de montagnes, mais contrairement à l'histoire des Alpes, qui a été racontée par maints alpinistes de toutes nationalités, peu de gens connaissent l'histoire du pic Staline (actuel pic Ismail Samani au Tadjikistan) du pic
Lénine, du pic de la Victoire ou encore de celui qui a failli se faire appeler le pic Mao suite à une expédition sino-soviétique (appellation que les Chinois ont refusé à l'époque car le pic en question était plus bas que le pic
Lénine !). A noter, depuis la chute de l'URSS ces noms ont changé ou ont été traduits.
En nous racontant la vie de ces deux frères, Vitali et Evgueni,
Cédric Gras nous plonge dans
L Histoire soviétique. La révolution, Staline, puis la descente aux enfers avec les purges, les arrestations et les condamnations arbitraires. Vitali passera deux ans en prison et en sortira miraculeusement.
Ce qui m'a le plus intéressé, mis à part le côté découverte des montagnes d'un coin du monde que je ne connais pas, c'est la comparaison de l'alpinisme version Soviet et l'alpinisme vu côté occidental. En URSS, on grimpe « utile », l'auteur intitule un des chapitres « les conquérants de l'utile » (en contrepoint du livre «
Les conquérants de l'inutile » de
Lionel Terray). Il y a des groupes créés dans ce but et Vitali et Evgueni s'y distinguent ; chaque ascension a d'office un but scientifique, l'URSS doit faire avancer le progrès et faire advenir le paradis communiste, et un petit buste de
Lénine ou autre souvenir à planter au sommet ! Plus tard viennent aussi les excursions pour la recherche de minerai. Les écoles d'escalade passent rapidement sous contrôle militaire et des « alpiniades » sont régulièrement lancées (grandes excursions de groupes).
A leur palmarès, les frères Abalakov auront plusieurs sommets de plus de 7000 mais n'auront pas l'occasion de partir pour l'Himalaya. Leurs destins seront différents, mais je ne vous raconte pas les détails, pour vous donner envie de lire la suite dans le livre lui-même !