L'envie est traîtresse. Bien des fois elle est absente au début de ce qui s'avère plus tard le meilleur de notre existence.
Cette solitude là-bas, à la tombée du jour, dans les forêts, sur les cimes ou dans les mers des steppes, vous aspire comme un marais, un trou noir. Les immensités et votre détachement font de vous un bouddhiste parvenu au nirvana, vide dedans, vide dehors. Qu'approfondir sinon le puits sans fond de la désolation ?
J'ai la patience du froid et des désagréments, et un souffle qui m'épargne les rictus répétés. C'est une chance mais aussi un devoir. Marcher est ma dette. Le spectacle qui n'évolue qu'à mes pas est éblouissant.
Je déambule dans la ville qui s'organise le long d'une rue butant sur la mer. Les arrêts de bus sont romantiquement nommés du nombre de kilomètres qui les sépare de la plage.
Moi qui voyage toujours sous les auspices de sainte Improvisation, et qui à cause de cela passe souvent à côté de choses exceptionnelles, je me console avec l'ordinaire.
Confins : promenade dans l'inconnu et belvédère sur l'Univers.
Mon voisin continue de me parler pour tuer le temps. Bavarder doit chasser les démons tapis dans le silence. La preuve, un autre qui sirotait sans un mot sa flasque s'est fait rosser par un bras invisible. L'alcool l'a assommé.
La taïga semble parfois un territoire sans drapeau.
Que dire de ces journées de solitude heureuse dans le silence et l’effort ? Quelques flocons, le vent qui saoule, deux ou trois faux pas au-dessus des abîmes. Je suis là parce que régulièrement une voix intérieure m’oblige à aller vérifier la maîtrise que j’ai de ma lâcheté et de mes peurs. […] Sait-on jamais si l’on est son propre ami ?
Je t’emporterai dans la toundra.
Tu verras qu’on a tort
d’appeler cela le bout du monde,
car il est sans fin …