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Dans ce recueil, composé de voyages vers les confins de la Russie accomplis par l'auteur sur plusieurs années, on ressent une évolution de l'écriture et de la forme mais l'ensemble se trouve homogénéisé par ce Nord qui n'est pas un « Nord cardinal » mais un Nord que chacun définit selon son ressenti, selon les difficultés de vie que l'administration traduit dans ses textes législatifs par « zone de disconfort ».

« Une foi aveugle dans les points cardinaux est une mauvaise lecture de ce pays. Il faudrait toujours le voir à la verticale, la Volga au midi et l'Amour au septentrion. Car de la Sibérie à l'Extrême-Orient, ce n'est qu'un immense Nord. La machine étatique russe a du génie quand elle parle de territoires assimilés. C'est bien ainsi que les slaves se représentent la chose. Lorsqu'ils vont de Moscou sur le 50e parallèle à Khabarovsk sur le 48e, ils affirment le plus naturellement du monde qu'ils vont au nord. »

Cédric Gras n'essaie pas de séduire, il n'y a pas de nombreuses envolées lyriques ni de belles métaphores qui viennent embellir son récit et se prêteraient mal à la rudesse des régions traversées et des êtres croisés, vivant souvent dans un total dénuement, désoeuvrés, isolés dans des villages sans communication routière même pas une de ces pistes en terre qui peuvent parfois apparaître comme un luxe.
Il nous le dit « La simplicité et la rusticité me rassurent »
Le Nord c'est aussi le souvenir des camps, du Goulag, la baie de Magadan où débarquaient les prisonniers :
p 45 « La Kolyma est une jolie rivière qui coule dans les montagnes de la région et qui donna par la suite son nom à une route « construite sur des os », comme disent les locaux. Des millions de condamnés aux travaux forcés périrent pendant sa construction, conférant une dramatique notoriété à travers toute l'URSS à ces trois syllabes. »

Mais la poésie est là, dans la géographie, les étonnements et les éblouissements que réserve la nature.
« p 85 Ma balade reprit par les grèves avant de plonger dans l'intérieur des forêts, car les rives s'étaient changées en falaises. L'immensité dégagée du Baïkal disparut pour un univers d'arbres morts et de broussailles. Les sous-bois étaient d'un vert tendre et je voyais partout le tableau de Shiskin — qui est à la taïga ce qu'Aïzavovski est à la mer — « Un matin dans une forêt de pins »  où trois oursons jouent sur un tronc couché.
dans une chanson de Vysotski ou un poème de l'ukrainien Boris Smolenski qui surgit alors que le train s'éloigne et que s'estompent les camarades de Skovorodino venus l'accompagner à la gare :
La solitude tombe d'un coup
Avec les derniers cris d'adieu
Les dernières poignées de main
Une secousse et le quai s'efface en arrière…

Quand on aime, il faut partir nous dirait Cendrars : « En nous retournant pour un ultime adieu, nous vîmes les chaudes couleurs des feuillages sur fond de crêtes nacrées de flocons. L'automne est d'or et l'hiver est d'argent. C'est dans ce rare décor que nous continuâmes jusqu'aux rivages de la mer du Japon, retrouvant progressivement « le siècle », ainsi que s'expriment les vieux croyants.»

Un livre qui se mérite, où je me suis sentie un peu perdue mais ce n'est pas un reproche, au contraire. J'aime bien être « déboussolée » et là, quand le Nord devient l'est, ce ne pouvait être que le cas.
Mais il y a plus « Si le Nord, c'est l'Est, alors le Sud, c'est l'Ouest… » nous démontre l'auteur avec humour dans le dernier chapitre du volume « La guerre de Crimée » qui voit les Sibériens rejoindre la mer Noire pour leurs congés estivaux. Pendant cinq jours de train ce ne sont plus les latitudes qui défilent mais les longitudes : « La Russie est immense et ses confins paraissent souvent inaccessibles. Mais ils étaient tous réunis sur le panneau d'affichage des destinations de la gare de Simféropol. Comme si ce terminus était devenu la capitale de l'Eurasie le temps d'un été. »

Merci à Babelio et aux éditions Phébus qui m'ont offert un curieux voyage et permis une belle découverte.
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Ceux qui connaissent mes goûts savent que la Russie, bien que je n'y aie jamais mis les pieds, est l'un de mes territoires d'exploration littéraire favoris. Et dans ce pays, je me sens de plus en plus attiré par la mystérieuse Sibérie, cette région vaste comme un continent, dont la toponymie nous est si peu familière qu'elle semble tirée d'un monde imaginaire : les régions de Touva, de Daourie, de Primorié, les villes de Soussouman, de Vanino, de Tchita, les Monts Saïan et Sikhote-Aline... Sauf qu'à la différence de Cédric Gras, je me contenterai de rêver à ces endroits, que lui a réellement parcourus et dont il a tiré ce récit de voyage.

Premier point qu'il est nécessaire d'éclaircir : le titre. "Le Nord, c'est l'Est", cela apparaît limpide quand on découvre que pour les Russes le Nord est moins une notion purement géographique qu'une affaire administrative. "Sever", le Nord, ce sont ces terres encore sauvages où l'on peut voyager des jours durant sans rencontrer âme qui vive (hormis des ours et des tigres), là où le quotidien des hommes est si rude que le pouvoir central est contraint d'y favoriser l'émigration par des primes et des salaires avantageux, en bref : le Nord, il s'agit grosso modo de la Sibérie, quand bien même celle-ci se trouverait à l'est du pays.

De l'immense masse sibérienne, Cédric Gras s'est surtout intéressé à la frontière méridionale, autrement dit le "Nord" qui se trouve au Sud-Est de la Russie. A pied, en train, en avion, en auto-stop, le voilà donc parti dans ces confins de la Fédération où se mélangent les peuples slaves, mongols, chinois, et une multitude d'ethnies autochtones telles que les Bouriates ou les Toungouses.

Je n'ai encore jamais lu un livre sur cette région qui ne soit pas passionnant, et celui-ci l'est, assurément. le seul reproche que je lui adresserais, c'est d'être trop court. A peine plus de 200 pages pour une telle expédition, ce n'est pas assez. On en voudrait le double, voire le triple ! Il faut dire que l'auteur n'est pas de ceux qui s'étendent, qui s'étalent, qui s'écoutent parler : il y a dans son écriture de la concision, parfois une sorte de retenue, et ce n'est pas forcément un défaut. Mais on aimerait passer plus de temps avec ces amis d'un jour rencontrés au hasard d'un chemin, on aimerait déambuler plus longuement dans les rues de ces villes du bout du monde ; hélas ! les présentations sont à peine faites qu'il faut déjà rejoindre une gare pour aller voir ailleurs. Ceci étant, lorsque l'on regrette qu'un voyage ne fût pas plus long, n'est-ce pas le signe qu'il fut agréable ? J'avais déjà repéré "Vladivostok", le précédent ouvrage de Cédric Gras ; cette courte virée en sa compagnie m'aura donné envie d'y retourner.

Merci aux éditions Libretto et à Babelio de m'avoir permis de lire cet ouvrage dans le cadre de l'opération Masse Critique.
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Chaque année, je m'offre un petit voyage en Sibérie. J'aime ces grands espaces sauvages qui me nlavent des fatigues et des angoisses. J'aime l'air pur et les horizons sans fin où une vigilance de tout instant est essentielle, au risque de se perdre ou de se faire attaquer par un ours. J'aime confronter la petitesse de ma vie et de mes préoccupations au silence de ces steppes, de ces taïgas, des berges des fleuves megamétriques. Et j'aime cette solitude, si chère et si rare. Peut-être aussi est-ce l'éloignement de toute forme de pouvoir – Moscou est si loin, comme sur un autre continent - qui me séduit …

Cette année j'ai choisi la compagnie de Cédric Gras et ce fut un réel plaisir. Déjà on a beaucoup moins bu qu'avec Sylvain Tesson, mais surtout j'ai appris mille choses sur ces territoires éloignés du centre économique et politique de la Russie, abandonnés par Moscou – on ne compte plus les villes dépeuplées où les ours et les dangereux gloutons s'approchent des habitations sans crainte - tandis que le voisin chinois lorgne sur ces étendues vierges et ces immenses réserves d'eau douce et construit de nouvelles villes de millions d'habitants le long de la frontière. Ailleurs ce sont les entreprises coréennes et malaisiennes qui investissent dans des concessions et exploitent les cèdres et autres conifères (dont des essences précieuses déclarées comme du vulgaire conifère pour éviter taxes et interdictions), et exportent les troncs vers leur pays d'origine pour que la main d'oeuvre locale, moins chère que la main d'oeuvre russe, la transforme.

On est bien loin de ma vision romantique de la Sibérie…

Cerise sur le gâteau : au fur et à mesure de notre périple, Gras nous donne d'autres livres sur La Sibérie. Ce sont autant d'invitations pour de futurs voyages vers « la toundra. Tu verras qu'on a tort d'appeler cela le bout du monde, car il est sans fin » (Paroles de Kolda Beldi, traduites par l'auteur).
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A la découverte des gens du nord, de la  Baltique à la mer du Japon, et aussi du moins nord oú le froid est pire qu'au nord.

Contrées disputées avec la Chine et le Japon, colonnisées à coups de goulags puis de primes. Jeunes filles rêvant de marier le 'Français, babouchkas et vieux ivrognes nostalgiques trouvant une oreille attentive.

Et puis les vacances, l'exode annuel vers les plages de Crimée, le soleil, le paradis!
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Ce récit du voyage que Cédric Gras a entrepris dans le vaste orient russe permet au lecteur de visiter des contrées et des confins que les aventuriers et les explorateurs ont aujourd'hui délaissées.
On y trouve les vestiges de l'immense empire soviétique qui avait entamé l'exploration, la colonisation et l'exploitation effrénée de ces terres lointaines, d'abord par l'incitation, ensuite par la déportation massive qu'entreprit Staline.
Cédric Gras nous présente chacune de ses étapes à travers les coefficients salariaux appliqués aux travailleurs qui acceptent de rejoindre ces archipels isolés du monde et d'y travailler une partie de l'année.
Au fil de la visite, on a rendez-vous avec l'Histoire de la grande Russie et de l'union soviétique qui ont façonné ces paysages et souvent dilué les populations locales dans un peuplement slave qui tend aujourd'hui à s'étioler au profit de migrations extrême orientales.
On apprend beaucoup sur la géographie de lieux aussi lointains qu'ils nous sont inconnus, mais aussi sur la culture russe et slave et, malheureusement, sur les ravages que continue de faire l'alcoolisme dans ce monde qui vit à l'écart du nôtre.
Une lecture dépaysante et intéressante, même si certaines étapes, notamment pédestres, ne font l'objet que d'une description succincte.
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Comme Sylvain Tesson ou Astrid Wendlandt, Cédric Gras est un amoureux de la Russie. Après une première immersion à Vladivostok en 2011, il nous emmène cette fois-ci dans le grand Nord Russe. Sauf que le Nord est ici une histoire de ressenti. Ne le cherchez pas en haut de la carte. Pour les russes, le Nord, c'est l'Est. L'Est et ses territoires assimilés au Nord selon une géographie toute personnelle de l'état russe et de ses habitants.

L'état, à l'époque soviétique, a mis en place une politique d'incitation à s'installer dans des territoires reculés et hostiles du territoire. Une prime était alors versé aux courageux volontaires en partance pour le Grand Nord, mais aussi vers d'autres territoires assimilés, selon des coefficients de nordicité (!) et d'inconfort. Allant du vrai nord cardinal jusqu'aux confins de la Sibérie ou aux portes de l'Altaï, ces territoires offrent une diversité incroyable que l'auteur nous invite à découvrir.

Se basant sur plusieurs voyages et séjours au long cours, Cédric Gras nous emmène dans un voyage non pas chronologique mais géographique. Écumant tout cette partie Est de la Russie assimilé au Nord sur plusieurs années, il donne à voir région par région ce paradoxe que même les habitants continuent de perpétuer, annonçant « aller dans le Nord » pour évoquer un voyage aux frontières de la Chine.
Kamtchatka, République de Touva, Iakoutie, Carélie,… : ces parties du monde dont peu se soucient sont pourtant aujourd'hui un enjeu majeur de géopolitique. En 20 ans, la population est passée de 8 à 6 millions d'habitants et l'exode se poursuit encore, tant les conditions de vie sont difficiles. Ce sont des zones désertiques de steppes, de montagnes peuplés de multiples groupes ethniques. Territoires abandonnés, villages désertés où la nature se fait rude mais où l'âme russe se trouve sans fard, même si parfois elle se perd dans les vapeurs de vodka.
Rien n'échappe aux pas de notre géographe infatigable et d'une curiosité érudite qu'il partage avec beaucoup de modestie.
Cédric Gras nous conte une Russie, exempt de clichés. Il s'attache à la décrire telle qu'elle est, avec ses qualités et ses défauts et sa tendresse sans équivoque pour les russes, n'empêche pas un regard parfois négatif sur le pays.

Il convie dans ces pages les fantômes de Ossendowski, nous emmène sur les traces de Dersou Ouzoula, évoque son ami Sylvain Tesson qui l'accompagna un temps. Surtout, il nous rappelle, à travers la perdurance forcée d'un mode de vie chiche et sans superficialité que la richesse est surtout humaine, faite d'attentions et de solidarité entre les êtres.

L'émotion ne manque pas dans ces récits rugueux où on visualise sans problème les rides profondes qui creusent les visages, les plaies béantes qui saccagent la terre russe ou les cicatrices des âmes.
Qu'importe, acceptons d'être déboussolé, de plonger dans un Nord qui ne l'est pas et de s'imposer la découverte de terres hostiles. Peut-être y trouverez-vous, comme l'auteur, des raisons de continuer à avancer.
Lien : http://grenieralivres.fr/201..
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Cédric Gras est un géographe aventurier empli de nostalgie qui nous livre ici un récit de la Russie - ou pour être plus exact des confins de la Russie - très loin et différent de la vision des médias. Au gré de ses divagations aux 4 coins de la la confédération aux 9 fuseaux horaires, il nous fait découvrir les peuples qui y habitent. Ami de Sylvain Tesson, il est lui aussi un très bon écrivain, souvent méconnu du grand public, qui n'a rien a envié à son comparse de terrain.
Lien : http://alalettrethe.blogspot..
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Bonjour,
Je suis étonné en lisant les critique de ce livre. Il y a un fantasme du grand Nord qui s'y exprime vivement. Mais ce n'est pas cela le grand nord russe. le grand nord est beaucoup plus sévère on ne peut rien cultiver, il a 2000 personnes sur une surface grande comme la France, toutes de la même ethnie. Il fait nuit ou jour pendant des mois. Il n'y a pas du tout d'infrastructures, pas de camps du goulag.
A Yakoutsk (62°) la température atteint +35° chaque été et pousse à -50°en hiver, mais on cultive en plein air des pommes de terres, des carottes, des fraises, des choux, des radis (il faut même les couvrir car il y a trop de soleil et ils montent en fleur !). Et les habitants ne se sentent toujours pas du grand Nord, qui n'est toutefois plus bien loin. Vers le sud, les vallées restent parsemées de villages.
A Irkoutsk (52°) près du Baïkal, pour les habitants il fait globalement "doux" ("tieplo" en russe). L'auteur semble en fait avoir voyagé dans le sud de la Sibérie, plus méridional que Moscou (qui est à 56° et non 50°) comme l'écrit Nadejda.
Il me semble que ce qui est ici relevé et appelé grand nord, c'est la faiblesse des infrastructures, la misère du logement et des hommes, la nature qui prend tout l'espace. C'est un grand nord de parisien parce qu'il fait froid. C'est aussi le cas en bien pire dans le grand nord, mais il y en plus une désertification impressionnante, un climat beaucoup plus terrible, une absence de moyens de communication et des cultures spécifiques.

Un des intervenants évoque la dépopulation du Nord citant notamment la Yakoutie. Il ne faut pas oublier que ce phénomène est exclusivement le fait des russes et ukrainiens qui étaient là-bas compte tenu de mesures politiques. Ils représentaient la moitié de la population et on décru de 40% depuis 1990 et continuent à partir. Ils ne sont d'ailleurs pas vraiment appréciés par les autochtones qui les considèrent comme des colons. Par contre la natalité locale est forte, comme d'ailleurs en république de Touva plus forte qu'en république de Russie.
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Les territoires du Nord, ce sont des divisions administratives issu de l'ex URSS. Des territoires aux conditions climatiques si hostiles qu'ils n'attirent pas grand monde en tout cas pas assez pour le régime soviétique qui, pour redonner un peu de dynamisme à ses régions décida outre l'installation de goulags d'allouer une prime pour les ouvriers qui choisiraient de si installer. L'ironie de la chose est que certains de ses territoires du «Nord» sont bien plus au Sud que Moscou...

Cédric Gras est un amoureux des grands espaces et un inconditionnel de la Russie, pas celle des cartes postales (si il en reste) mais celle de la Sibérie et de l'extrême orient.
Proche dans l'écriture et de l'esprit d'un Sylvain Tesson, il est un peu moins lyrique mais en revanche il fournit plus d'informations historiques et culturels sur les lieux visités. L'écriture est fluide et maîtrisé d'une grande érudition et à l'amour communicatif sur les peuples et régions traversés.
Les "évènements" qui se succèdent sont un peu répétitif tout comme les personnages avinés ou plutôt vodkaïsés qui finissent par ennuyer un peu. Dommage.
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Excellent livre, intemporel et actuel. Les méandres de l'âme russe, perdue dans le Grand Nord qui s'avère êtrer à l'Est sont passionnants.
Seul regret: une bonne carte par section.. j'ai eu beaucoup de mal à repérer et retrouver certains lieux "dits"
Livre à lire pour préparer son (premier) voyage en Russie ou pour errer avec Tchekov!
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