Adrienne Mesurat a 18 ans, vit rue Thiers à La Tour-l'Evêque, en Seine-et-Oise, et ce n'est pas peu dire qu'elle s'ennuie dans sa petite ville de province. On est en 1908, l'été s'annonce chaud et interminable, et Adrienne étouffe déjà, entre son père âgé et tyrannique, et sa soeur malade et aigrie. Elle croise alors le regard du médecin installé près de chez elle, et en tombe aussitôt amoureuse. Désormais, toute son existence ne tend plus que vers lui -qui forcément en ignore tout.
Curieux livre que celui-ci, écrit en 1927 et considéré comme un "roman psychanalytique écrit par quelqu'un n'entendant rien à la psychanalyse", comme le rappelle
Julien Green dans sa préface, où il précise aussi qu'il n'a jamais adhéré aux thèses freudiennes en vogue lors de ses années d'études. Et pourtant, on est bel et bien plongé dans la psyché d'une jeune femme rongée par le vide de son existence, l'étroitesse de la vie provinciale et la médiocrité de la petite-bourgeoisie. Roman suffoquant, donc, sur une femme prisonnière des carcans de son époque, dont elle pense se libérer en se réfugiant dans un fantasme d'adolescente, où apparaîtront également des fantômes.
Histoire futile mais dramatique, dont on pressent qu'elle finira mal, tant le mal-être d'Adrienne est intense. Et pendant 350 pages, on suit les circonvolutions de son esprit égaré et épuisé, et j'avoue que cela ne m'a pas toujours passionnée, attendu qu'il se passe finalement peu de choses -bien que le "peu" qui survient soit mémorable. J'ai donc succombé à l'ennui, moi aussi. Sans doute devrais-je y voir tout le talent de l'auteur à restituer l'immobilisme d'une vie petite-bourgeoise et provinciale du début du XXe siècle, mais j'avais surtout hâte de fuir cette pesanteur. J'ai néanmoins aimé la précision féroce avec laquelle il décrit ce petit monde replié sur lui-même et obsédé par l'argent, où l'amour ne peut qu'être assimilé à la folie.
Ce fut ma première rencontre avec
Julien Green, mais sans doute pas la dernière, tant son style classique nimbé d'étrangeté m'a intriguée malgré ses langueurs. A suivre, donc...