Ce qui m'a convaincu c'est l'auteur, j'ai tellement aimé son
Quattrocento que j'ai acheté ce livre presque les yeux fermés.
On le sait les traces de
Shakespeare sont peu nombreuses, pas de lettres, pas de journaux intimes, des années sans signe aucun.
Ce que l'on sait de lui, en dehors de ses pièces, on le doit aux registres de naissances, de mariage, aux registres des propriétés, des impôts.
Mais heureusement on a l'auteur qui est comme le dit
Henry James
« le caractère humain le plus magnifiquement doué de tous les temps. »
C'est ce que nous révèle cette biographie. L'auteur ne promet pas de révélations extraordinaires car dit-il
« il y a d'énormes lacunes dans les connaissances qui font de toute étude biographique de
Shakespeare un exercice de spéculation.»
Il a étudié bien des sources pour tenter de comprendre les influences, les événements, qui nous disent aujourd'hui « Comment
Shakespeare est devenu
Shakespeare »
Il nous fait entendre la voix de
Shakespeare au travers d'anecdotes multiples et sait rendre parfaitement cette « soif des mots » qui tenaille le fils d'un gantier.
Ainsi le penchant supposé pour la bouteille de son père qui rend Falstaff si vivant, le procès fait au médecin juif de la reine qui inspire sans doute en partie
le Marchand de Venise. Les tourments engendrés par les dettes contractées par ses personnages comme ils le furent chez son père.
A chaque période de la vie de
Will le magnifique, Greenblatt juxtapose les événements historiques du moment, la littérature de l'époque et les passages de ses pièces et nous montre ainsi où et comment
Shakespeare a puisé son inspiration.
On y voit un
Shakespeare effrayé devant le mariage et certain que l'amour ne dure pas toujours.
On y voit un Londres bouillonnant, une époque où les individus sont hantés par la peur d'être considérés comme papistes, la peur de la peste le fléau récurent.
On trépigne un peu devant l'aventure fabuleuse que fut celle du Globe avec ses amitiés et ses rivalités. On croise bien sûr Marlowe l'ami et rival.
L'art de
Shakespeare pour utiliser le monologue qui permet d'entrer dans l'intime d'un personnage. La création des
Sonnets, les querelles qui parfois font naître des personnages de théâtre, la période dernière où vont éclosent
Othello,
le Roi Lear,
La Tempête....en un temps très court. Génie créateur que l'on retrouve par exemple chez
Dostoïevski et les années miraculeuses de ses grands
romans.
Ce que j'ai le plus apprécié c'est le travail littéraire sur les oeuvres. Comme je ne les connais qu'assez mal j'ai emprunté une série de DVD, Greenblatt se révèle là un passeur formidable, ses analyses sont fouillées sans jamais ennuyer, on lit des tirades que l'on replace dans un ensemble, on s'amuse de voir comment
Shakespeare parodiait parfois d'autres pièces, bref une fois lancé on ne s'arrête pas, après les DVD j'ai emprunté les volumes de la collection Bouquins pour combler mes manques et j'ai ainsi vécu au temps de shakespeare pendant deux semaines.
La prose de
Stephen Greenblatt est d'un belle clarté, élégante, précise. L'ouvrage est riche, c'est en même temps une belle ouverture sur l'époque élisabéthaine ce qui en fait bien plus qu'une biographie.
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