Ce tome comprend les épisodes 1 à 5, parus en 2011/2012, d'une nouvelle série indépendante créée par
Paul Grist (scénario, dessins et lettrage), avec une mise en couleurs de
Bill Crabtree.
Sur la côte sud-ouest de l'Angleterre, dans la bonne ville de Burnbridge-on-Sea, 2 adolescents (Jack Newton et Owen Craig) s'amusent à graffiter le panneau d'entrée de la ville. Par la suite, Owen Craig s'amuse à pénétrer dans une vieille maison abandonnée en bord de plage, pendant que Jack cherche d'autres surfaces à graffiter. Dans l'une des pièces il tombe sur un étrange costume. Mais la demeure n'est pas aussi inhabitée qu'il le supposait et il se fait courser par 2 individus qui n'hésitent pas à lui tirer dessus. Touché, il s'écroule dans la boue qui recouvre la plage. Owen se retrouve dans son lit le matin suivant, et il est déjà en retard pour se rendre au lycée. Chemin faisant, il butte contre la brute du lycée, en regardant une jeune et jolie nouvelle. Heureusement Jack lui sauve la mise grâce à un syllogisme habile. Alors qu'il traverse, il se fait renverser par une voiture sur le pare-brise de laquelle il laisse une énorme trace de boue. Pendant ce temps là, son père (policier de profession) se fait enlever par 2 bandits qui sont persuadés qu'il les a reconnus comme responsables d'un hold-up qui a mal tourné.
C'est la troisième série que
Paul Grist réalise en solo, après Kane (6 tomes) et Jack Staff (4 tomes). Il utilise un style graphique assez simple au niveau des formes avec une faible densité d'informations par case, pour une lisibilité facilitée et immédiate. Chaque personnage se reconnaît aisément du fait d'un travail abouti de définition visuelle de ses caractéristiques graphiques. Grist évite soigneusement les clichés des comics de superhéros : pas d'individu bodybuildé, pas de premier rôle féminin affligé d'hypertrophie mammaire. Grist a l'art et la manière de créer des personnages issus du quotidien qui restent crédibles. En termes de niveau de simplification, les visages constituent un bon exemple. Régulièrement les yeux sont figurés par deux points, les lèvres ne sont pas représentées. Toutefois il donne des formes de visages différentes à chaque personnage. Il opte pour des tenues vestimentaires différentes pour chacun (sauf en ce qui concerne les uniformes scolaires), tout en restant dans des vêtements simples de type t-shirt et chemisette, avec chaussures génériques. Malgré l'apparence d'économie de moyens, Grist sait donner à chaque endroit un cachet unique, et transmettre une ambiance propre. En évitant de mettre trop de détails (la bâtisse reste une simple silhouette), Grist permet au lecteur de plus facilement projeter ses souvenirs sur les formes simplifiées, et donc investir affectivement chaque lieu.
Sans tomber dans le croquis, ses dessins dépouillés évoquent cette ambiance de bord de mer, ou de quotidien avec des éléments simples tels qu'une cuisine ordinaire, une terrasse avec vue sur la mer, un bus, un lit de cours d'eau envahi de boue, etc. Il a également l'oeil pour trouver la posture la plus parlante pour chaque personnage, l'angle de vue le plus direct pour exposer une situation, la suite de cases qui rendra le mieux compte du mouvement. Son style s'apparente à un discours en termes simples et directs qui ne s'embarrasse pas de fioritures, qui raconte clairement l'histoire avec efficacité, et une forme d'évidence donnant un rythme rapide à la lecture.
S'il s'agit bel et bien de la première apparition de Mudman, il est difficile de parler de récit des origines car les détails sont réduits au minimum. À l'image de son style visuel, la narration est également directe, simple et efficace. D'un certain coté, cette approche évoque une époque où les superhéros n'étaient pas torturés par des doutes existentiels, à laquelle les méchants n'étaient systématiquement sadiques, où la violence n'était pas l'une des composantes principales du récit, les superpouvoirs étaient plus une source de plaisir et d'étonnement que de souffrance physique et mentale. Avec ces 5 épisodes, le lecteur apprécie ce plaisir immédiat et simple sans être naïf. La contrepartie de cette narration légère est que
Paul Grist n'a pas le temps de développer la personnalité de son personnage principal, encore moins celle des personnages secondaires. Il a le temps d'installer plusieurs mystères (tels que la connexion de Mudman avec la génération précédente de superhéros) sans pouvoir les développer au-delà du stade d'accroche. Résultat : le lecteur passe un bon moment à découvrir ces mystères, à coté d'un jeune homme sain et plein d'entrain sans être niais, mais il n'y a rien de plus que ces instants de divertissement immédiat et premier degré.
Il est agréable de constater qu'il existe des créateurs de superhéros capables de raconter une histoire simple procurant un plaisir immédiat, débarrassé de toute continuité, ou de violence excessive. À l'issue de ces 5 épisodes, le lecteur a passé un bon moment aux cotés de Mudman (superhéros vif et allègre, avec un soupçon d'autodérision relative à la nature de son superpouvoir à base de boue). Mais seule la suite permettra de savoir si cette histoire dispose d'un contenu plus substantiel que ces quelques aventures au grand air.