Citations sur Désobéir (88)
Entre la collaboration franche et la résistance armée, une troisième voie existe, une conduite intermédiaire, une « accommodation » certes à la situation de soumission, mais une accommodation revêche. L’obéissance devient rétive, désengagée -on met le moins de cœur possible à l’exécution des ordres-, et résistante.
Ce livre pose la question de la désobéissance à partir de celle de l'obéissance, parce que la désobéissance, face à l'absurdité, à l'irrationalité du monde comme il va, c'est l'évidence.
Les raisons de ne plus accepter l'état actuel du monde sont presque trop nombreuses. Et pourtant rien n'arrive, personne ou presque ne se lève.
[Avec la soumission ascétique] il ne s’agit pas de désobéir « activement », mais d’obéir le plus mal possible ; on parle de soumission « ascétique » pour dire qu’il ne s’agit pas d’une simple négligence passive ou d’une inertie -même si cette inertie peut représenter une force de résistance explosive, comme on voit avec le personnage de Bartleby chez Melville qui, sans jamais désobéir, « préfèrerait ne pas… »-, mais plutôt d’un travail d’épuration par lequel je m’efforce d’éliminer tout ce qui, dans mon obéissance, pourrait signifier un commencement d’adhésion.
Les monstres existent, mais ils sont trop peu nombreux pour être vraiment dangereux; ceux qui sont plus dangereux, ce sont les hommes ordinaires, les fonctionnaires prêts à croire et à obéir sans discuter.
Primo Levi
Être libre, c’est essentiellement vouloir être libre. Ce qui effraie, c’est que la liberté soit à ce point à la verticale de notre responsabilité. Elle n’est rien d’autre que cette verticale. Nous ne sommes pas responsables parce que libres, mais libres parce que responsables. C’est pourquoi ce que nous désirons spontanément, ce sont les formes de notre servitude et nous nous en accommodons […].
Face à lui [le consentement au pacte républicain] -et même à l’obéissance respectueuse (reconnaissance de l’autorité) -, le concept de soumission, dans sa dureté et son tranchant, a toujours joué le rôle de démystificateur politique. Ce que les grands démystificateurs politiques (du Thrasymaque de Platon à Marx, en passant par Machiavel) dénoncent, c’est la volonté de systématiquement dissimuler ce rapport de soumission.
On aimerait bien faire croire que l’obéissance politique est une adhésion libre, volontaire, ou qu’elle repose sur un fond de reconnaissance muette et admirative.
Rébellion, Re-bellum : la guerre reprend, l’ancien vaincu se redresse.
Formule paradoxale de la soumission : rendre compossibles, en un seul individu, la passivité et l’activité.
Le Christ refuse de se constituer en Maître de Justice dans le partage des biens, en Maître d’une Vérité garantie pour tous et objectivement vérifiée, en Maître de puissance subjuguante et rassemblante. Bref, le Christ ne veut pas produire de l’obéissance, il exige de chacun cette liberté où il croit voir tenir la dignité humaine.