Le Curé de Village
De longs cheveux sont blancs. Humble et plein de douceur
Il vit sa vie étroite au milieu de ses frères,
Les paysans, courbés aux durs travaux agraires.
Peu lui suffît ; pour gouvernante, il a sa soeur.
Sa paroisse, à l'abri du Vice envahisseur,
Dans l'amour du terroir et l'horreur des libraires,
Sous ses yeux paternels croît, loin des vents contraires.
II n'a rien du prophète. Il n'a rien du penseur.
Mais son oeil de vieillard, qui sourit et pardonne,
Dit une âme candide, aime, et que rien n'étonne ;
Et pour ce villageois j'éprouve un respect tel
Que mon coeur se réchauffe à sa rude parole,
Et que je pense voir, lorsqu'il monte à l'autel,
Autour de son front blanc frissonner l'auréole.
Avril 1884.
Comme tout grand poète, Baudelaire est un symboliste : il drape ses plus belles conceptions du voile mythique, et derrière ses images les plus hardies, il est de profondes pensées. l'on resterait des heures à songer devant telle de ses pages, également suggestive pour l'esprit y l'imagination et les sens. « Le Rêve d'un curieux » est de celles-là.