Mathias grommelle en s'affairant au repas.On dirait un vieux cervidé,têtu et renfrogné,qui frappe du sabot à la moindre occasion.En l’observant du coin de l’œil,j'ai l'intime conviction que cette pièce sera bientôt trop petite pour nous deux.
C'est un décor sans issue.Les montagnes découpent l’horizon,la forêt nous cerne de toute part et la neige crève les yeux.
Avec l’âge et la fatigue, la chronologie des choses s’embrouille. Et on se méfie davantage de nos souvenirs que de l’oubli.
Il neige depuis deux jours. On ne voit plus les montagnes qui ondulent au-dessus du village ni la ligne tracée par la forêt. Les flocons se pressent vers le sol et l’immensité du décor se restreint aux murs de la pièce.
Dehors la pluie s'est reconvertie en neige et le vent s'empresse de souffler des flocons à l'intérieur, sur le plancher, sur le lit, autour de poêle. Les poutres émettent des grincements inquiétants. Matthias tourne la tête ver moi. On dirait que l'hiver marche sur nos têtes. Puis, une partie du plafond s'affaisse et projette violemment Mathias au sol sous une tonne de décombres, de morceaux de tôle et de blocs de glace.
La neige règne sans partage.
Nous vivons dans une véranda cousue de courants d'air et, plusieurs fois par nuit, Matthias se réveille pour alimenter le poêle. Quand le vent se lève, on sent que le froid nous tient dans le creux de sa main.
Après un moment, Matthias s'adresse à moi en disant qu'il aurait bien aimé jouer une partie d'échecs. Je le mets en garde en précisant que je l'aurais battu. Nous rions.