Je rassemble mon courage et me retourne sur le dos, les bras en croix, les paumes vers le ciel. Autour de moi les ténèbres rôdent. La nuit a faim. Et les flocons sont carnivores.
La douleur est un oiseau de proie qui me tient dans ses serres.
Le vent s’est levé avec la tombée de la nuit. Les rafales secouent la véranda. Il neige. J’entends les flocons se précipiter contre la vitre comme des oiseaux bernés par les reflets.
Nous sommes dans le ventre de l'hiver, dans ses entrailles. Et, dans cette obscurité chaude, nous savons qu'on ne peut jamais fuir ce qui nous échoit.
Le ciel gris est opaque et sans aucune nuance. Le soleil pourrait être n'importe où. Quelques flocons virevoltent dans l'air en s'accrochant à chaque seconde.
Personne ne peut survivre avec quelqu'un qui refuse de parler.
Regarde le réveil , observe le mouvement des aiguilles, écoute le tic-tac. Ce n'est ni la neige ni le froid, ni l'obscurité ni la faim. C'est le temps qui viendra à bout de nous. (p. 169)
La neige règne sans partage. Elle domine le paysage, elle écrase les montagnes. Les arbres s'inclinent, ploient vers le sol, courbent l'échine. Il n'y a que les grandes épinettes qui refusent de plier. Elles encaissent, droites et noires. Elles marquent la fin du village, le début de la forêt.[...] Le ciel gris est opaque et sans aucune nuance.
Je crois qu'il a neigé un peu durant la nuit, mais ce matin le ciel est bleu et dur. Pendus à la corniche, les glaçons scintillent.
Devant moi, cinq types me fixent comme s'ils venaient d'apercevoir un revenant. Je reconnais certains visages, mais le temps a fait son oeuvre. Avec les années, nous sommes tous redevenus des étrangers.