Citations sur Lorsque refleuriront les pêchers (69)
Il reconnaissait une vierge quand il en avait une devant lui, mais il savait aussi reconnaître le désir. Sous ses airs prudes et guindés, Olivia Maitland était donc une femme de chair et de sang, capable de sensualité.
Elle défit les épingles fermant le bandage qui maintenait ses côtes et le déroula – ce qui l’obligea à passer les bras autour de sa taille. Sentir sous ses doigts ses muscles, sa force virile, fit naître au creux de son ventre une onde brûlante et douloureuse qui se répandit dans tout son corps. Troublée, elle laissa échapper le bandage qui tomba sur le sol.
Les femmes comme elle n’étaient pas pour les hommes comme lui. Il préférait de loin les rousses aux mœurs légères qui prenaient son argent et lui laissaient sa liberté, celles qui ne lui reprochaient pas de jurer comme un charretier, celles dont il pouvait oublier le nom. Ces femmes-là n’attendaient rien de lui et n’avaient pas de filles en mal de père.
Elle l’observait de ses yeux chocolat qui ne cillaient pas, pareils à ceux d’une biche qui guette le chasseur. Il y avait de la sagacité dans ce regard, de la méfiance et de la crainte.
Il détestait qu’elle lui donne la becquée comme s’il était un tout petit enfant, mais il était trop faible pour lui prendre la cuillère des mains. Aussi, même si son esprit se rebellait, avalait-il sa soupe, dont la chaleur bienfaisante se répandait dans son corps.
Endormi, il n’avait pourtant pas l’air d’un criminel, plutôt d’un homme fourbu qui avait souffert et parcouru le vaste monde, et qui avait finalement trouvé un endroit où se reposer.
Quel dommage qu’il ne soit pas le genre d’homme dont elle avait besoin, pensa-t-elle soudain.
Lui aussi, on l’a mis en prison, pourtant il n’avait rien fait de mal et…
— Ça suffit ! la coupa Olivia, à bout de patience. Nous ne sommes pas dans un roman. Dans la vraie vie, ce sont les criminels qu’on met en prison.
— Mais, maman, tu dis toujours qu’un bon chrétien doit chercher ce qu’il y a de bien chez les gens.
Branigan était grièvement blessé. Quelles que soient ses fautes, elle ne pouvait pas le jeter dehors. Ce serait inhumain.
Elle avait encore devant les yeux ses horribles cicatrices. Inutile d’avoir beaucoup d’imagination pour comprendre qu’il avait terriblement souffert, dans son corps et dans son âme. Que diable lui était-il arrivé en prison ?
Quand elle l’avait trouvé inanimé sur la route, elle avait cru que Dieu répondait enfin à ses prières, qu’il lui envoyait quelqu’un pour l’aider. Un homme robuste, raisonnable et digne de confiance.
Au lieu de quoi, elle avait hérité de Conor Branigan : boxeur, joueur, mécréant. Un criminel.
Cet animal le détestait. On prétendait que les chiens jugeaient un homme en un clin d’œil. Cela donnait à réfléchir, songea-t-il, sarcastique.