Citations sur Lorsque refleuriront les pêchers (69)
Aborder ces sujets n’était pas facile. Comment expliquer la vie à une adolescente quand on était une oie blanche de vingt-neuf ans ? Comment la mettre en garde contre des choses dont elle-même n’avait qu’une très vague idée ? Sa mère avait quitté ce monde sans avoir eu le temps de lui parler des garçons et des baisers.
Quand elle fut dans son lit, son oreiller serré contre sa poitrine, elle posa les doigts sur ses lèvres, essayant de revivre le moment où il l’avait touchée.
Aucun homme ne l’avait touchée de cette manière. Vernon lui-même n’avait pas osé. Elle se remémora les discussions qu’elle avait avec Sarah, lorsqu’elles étaient encore adolescentes et se perdaient en conjectures au sujet de l’amour physique. Ensuite, Joe avait commencé à courtiser Sarah, et celle-ci avait confié à sa meilleure amie que son soupirant l’avait embrassée. Mais, comme Olivia lui demandait de décrire ce qu’elle avait ressenti, Sarah avait répondu en rougissant, avec un sourire rêveur :
— Tu le sauras quand ça t’arrivera.
Conor scruta son ravissant visage. Douce Mary qui s’inquiétait pour le salut de son âme. Il enroula autour de son doigt une boucle qui lui frôlait la joue, frappé par le contraste entre sa main meurtrie et cette mèche soyeuse. Les cheveux d’un ange, d’un blond ardent, qui éblouissaient Conor comme un soleil.
Mary était une bonne catholique, mais Conor lui avait déjà fait oublier les interdits édictés par les curés. Plus d’une fois. Ils jouaient un jeu dangereux, et le feu de la passion se déchaînait sans qu’ils puissent désormais l’arrêter.
Elle fixait sur lui ses grands yeux d’un brun si chaud et doux. Elle avait un regard à la fois fier et suppliant, un regard propre à émouvoir le cœur d’un homme – à supposer qu’il en ait un. Ce qui n’était évidemment pas le cas de Conor.
De l’avis de Conor, la plupart des gens l’auraient abandonné agonisant sur la route. Mais il découvrait peu à peu que, sous ses airs guindés et tellement convenables, Olivia dissimulait un cœur tendre. Sa gentillesse le déconcertait, il s’en méfiait, sachant par expérience que, sur cette terre, on récoltait plus de coups que de caresses.
À vingt-neuf ans, elle n’était toujours pas mariée. Une vieille fille. Elle en avait d’ailleurs l’allure, et elle avait depuis longtemps renoncé aux rêves romantiques de son adolescence.
Parfois, cependant, elle se demandait…
L’image de Conor Branigan surgit dans son esprit. Parfois, elle se demandait avec mélancolie s’il était vraiment trop tard pour vivre une histoire d’amour…
Olivia contempla son reflet dans le miroir, et le ressentiment qu’elle avait éprouvé autrefois revint subitement. Elle pensa aux soupirants qu’elle n’avait pas eus, aux soirées et aux bals qu’elle avait manqués, parce que son père se soûlait et qu’il était excessivement possessif. Aucun jeune homme de la région, fût-il d’une famille respectée, n’avait été autorisé à la courtiser. Mais rares étaient ceux qui en avaient exprimé le désir.
C’était un homme rude, certes, et qui menait une vie rude. Son langage manquait singulièrement de délicatesse. Mais aujourd’hui, avec les filles, il n’avait pas prononcé un seul gros mot. Il avait joué aux charades, aux dames, et avait même laissé Carrie lui faire la lecture.
On peut être les meilleures amies du monde et se jalouser parfois. Dis-moi, ma chérie…, enchaîna Olivia pour changer de sujet. Pour le bal de la fête des récoltes, je n’ai pas les moyens de t’offrir une robe neuve, mais j’ai pensé que nous pourrions retailler une de mes anciennes toilettes.