Malheureusement, ce n’était pas tous les jours la fête, car elle me surveillait constamment. Pour voir si je n’allais pas traîner du côté de la bande à Brenton, qu’elle soupçonnait d’être quelqu’un de dangereux. Plus précisément, d’intrigant, et donc à éviter. Elle n’aimait pas trop ce qui sortait du prévisible, du rationnel, comme tout bon scientifique soumis au diktat terrible du concret.
La psychologie m’a paru bien plus intéressante et abordable. Même si les chances de réussite ont toujours été réputées assez minces d’après certains, j’ai décidé de me lancer dans cet univers. Et j’ai appris des choses qui m’ont beaucoup aidé et stimulé. Par exemple, que le fait de faire semblant d’être quelqu’un d’autre vous donne progressivement la même identité, ou plutôt la même façon d’être. En imitant la gestuelle, les paroles, la posture d’une personne, on obtient la capacité de devenir cette personne. Incroyable ! Regardez quelqu’un que vous aimez, que vous admirez, imitez ses faits et gestes, et la magie opérera !
En psychologie, tout était passionnant et attractif, mais ce n’était pourtant pas les cours qui m’avaient fait intégrer cette filière. Ce n’est pas l’inconscient de Freud, ni la psychologie positive, ni les archétypes de Jung qui me clouaient sur mon banc. Ce n’était pas non plus la passionnante aventure de la découverte des synapses, ni les méthodes de traitement des névroses, ou la psychiatrie analytique…
— Les synchronicités de Jung… J’en ai déjà entendu parler. C’est quoi exactement ? dis-je.
— Ce sont des espèces de coïncidences qui arrivent dans nos vies, mais auxquelles on trouve toujours un sens… dit Brenton, une étincelle dans les yeux. Une sorte d’intuition soudaine, qui nous paraît crédible, s’inscrivant dans une série d’évènements logiques.
La médecine a été ma première vocation, mais l’intensité et le rythme des cours a rapidement eu raison de moi. Les nombreuses heures passées dans les bibliothèques à comprendre le fonctionnement du pancréas, les longues journées à disséquer des organes divers… un monde que je n’ai pas su apprivoiser. C’en est même devenu de la répulsion.