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4,09

sur 356 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Ce premier roman, le journaliste et auteur d'origines turco-kurdes Mahir Guven le place sous l'égide de _La Vie devant soi_ de Romain Gary (Émile Ajar), par une référence explicite (cf. cit. 1). le titre du roman désigne le narrateur principal, le frère aîné, qui en turc possède une désignation spécifique vis-à-vis des puînés, ainsi qu'un rôle familial particulier à leur égard. La trame a pour objet principal le frère cadet, à qui est parfois donnée la parole dans des chapitres ponctuels. En effet, ce dernier a disparu de France, probablement pour rejoindre les combattants djiadistes en Syrie suite à sa radicalisation islamiste, même s'il soutient avoir agi comme soignant au sein d'une organisation humanitaire musulmane ; il est sans doute rentré en France, et dans les dernières pages le suspense va crescendo sur cette circonstance et ses réelles motivations...
Mais par-delà l'intrigue, un tableau saisissant est brossé d'une famille franco-syrienne contemporaine dans un quartier populaire des environs de Paris : le père réfugié ancien militant de gauche, la mère bretonne décédée prématurément, la grand-mère paternelle aussi attachée aux valeurs traditionnelles musulmanes que la grand-mère maternelle l'était aux chrétiennes, l'aîné ayant eu un parcours chaotique de garçon de banlieue à l'enseigne de la surconsommation de cannabis (tentative échouée de percer dans le football, engagement infructueux dans les opérations étrangères de l'armée, trafic de stupéfiants, puis redressement comme chauffeur de VTC en échange d'une « protection » policière), le cadet, plus brillant dans ses études d'infirmier, toujours sensible au mysticisme et à un certain humanisme altruiste.
Encore plus intéressant que le tableau familial, qui risque par moments de verser dans des caractères un peu stéréotypés, l'on lit un formidable panorama du milieu des banlieues françaises à l'heure du conflit syrien, de Daech et des attentats islamistes sur le sol français. Dans un langage qui reproduit avec grand soin l'argot arabisé et « verlanisé » des banlieues parisiennes, rendu lisible par un indispensable Glossaire (ne pas se laisser décourager surtout par les premières pages!), avec un humour mêlé au sens du tragique et de la formule propres à Gary, dans le réalisme de la voix du narrateur qui donne le ton « vrai », sont traitées au hasard du flux de conscience toutes les problématiques des quartiers populaires et de l'interculturalité, ainsi que certains enjeux politiques contemporains, y compris les conditions de travail des chauffeurs uberisés et leur conflit avec les taxis à licence.
Si les dialogues sont aussi soignés que le reste de la prose, si la technique d'écriture est particulièrement mature pour un premier roman, comme l'indique par exemple le passage entre les adresses au frère à la deuxième personne et la troisième personne du narrateur surplombant, l'on apprécie surtout la précision des références à l'environnement parisien – qui a sans doute requis un gros travail de documentation journalistique à quelqu'un ayant grandi en province – ainsi que celui de la Syrie en guerre. Cette foison de références quotidiennes est tout à fait à même de restituer une culture populaire tout entière, par-delà l'actualité, ainsi que les préoccupation sociales d'une époque et des contextes relatifs, et c'est là sans doute ce qui assurera l'intérêt de cette oeuvre dans la durée.
La chute ouverte, assortie d'une certaine mise en abîme, se place aussi résolument du côté de la modernité.
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J'ai adoré ce livre comme la plupart des lectures qui s'éxpriment ici. Je prends alors la parole pour poser deux questions: 1: Comment interpréter la dernière phrase "Et si ton frère revanait?" Est-ce-que c'est en effet le début du livre qui se présent ici dans la tête de narrateur futur ou une question pour l'avenir, c'est-à-dire s'il revanait encore une fois aprés sa visit explosive en France?
2: Je me demande aussi si le petit frère est une ségrégation du grand frère avec sa diagnose scizophrénie? Je serais heureuse d'entendre vos réflexions.
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Langue qui claque comme un long slam à deux voix. Ou comme une battle de rap, tantôt vener, tantôt posé, tempo imposé par la moula.

Vocabulaire des quartiers et rythme soutenu, on reste scotché dès les premières pages et jusqu'au dénouement de l'intrigue.

Gros coup de coeur
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Ce livre se lit d'une traite sans respirer. Subtil, poétique, puissant, on assiste là à une plongée dans la société française, dans les allers-retours entre Paris et la banlieue, dans les souvenirs d'une famille où papa est Syrien est maman est bretonne. Très juste, ce roman touche et désarçonne. Je le recommande chaudement.
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"Mon frère, c'était un homme qui a trouvé sa voie en s'occupant de la vie des autres. Un coeur tendre, bousculé par la détresse du monde. Hier, il aurait prié pour l'abbé Pierre, aujourd'hui, c'est pour la Syrie et la Palestine, et après-demain, il aurait pu courir vers n'importe quelles larmes. Ainsi était mon frère. (...) Ma moitié. Mort ou vivant, il est avec moi, partout, tout le temps, à chaque instant, dans chaque geste, dans chaque mot.
(...) Il a pris une route. Une simple route. Et il aurait pu en prendre une autre. C'était son choix. (...) Ma plus grande leçon d'humanité, c'est lui. "
Un véritable coup de coeur pour ce premier roman haletant, oppressant et si juste.
Deux voix, deux frères, deux voies.
Une disparition, un retour.
Dans une langue percutante, Mahir Guven raconte l'amour, la colère, un idéal, le doute, la radicalisation si habilement et délicatement amenée.
Le dénouement est juste stupéfiant!
C'est à lire!!!
Merci aux 68 premières fois 😘
Philippe Rey.
Lien : https://blogdelecturelepetit..
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FRATRIE « Avant, on avait jamais été que syriens. Lui syrien, et nous, rebeus, syriens, parfois français, quelquefois bretons, ça dépendait d'avec qui on traînait. Dans la vraie vie, jusqu'à la guerre de Syrie, on était plus banlieusards qu'autre chose. Mais, depuis, tout le monde se dit musulman. »

Dans un style parlé, argotique, mais terriblement maîtrisé, Mahir Guven dépeint ici avec une justesse incroyable un portrait de la société française. Sans jamais basculer dans le misérabilisme ou les clichés, et via les voix alternées de Grand Frère et Petit Frère, il nous fait découvrir l'enfance et le quotidien de cette fratrie franco-syrienne d'une cité parisienne.

Grand Frère joue à cache cache avec la justice, chauffeur de VTC, au grand dam de son père, taxi parisien bientôt à la retraite, immigré syrien des années 80.
Petit Frère est infirmier, sensible au sort des Syriens bombardés et massacrés, curieux des religions depuis son enfance.
Et il y a leur père. Qui se de dit à moitié arabe, à moitié kurde, mais surtout communiste. Profondément opposé à la religion, profondément attaché à l'humain. Profondément attachant, blessé, dépassé par le décès prématuré de sa femme - une bretonne qui apprenait l'arabe, dépassé par ses fils. Un langage cassé, "Quand il s'énerve, son français se fracasse, les Français ne comprennent plus ce qu'il dit. Pour nous ça va, car ce français-là, c'est notre langue maternelle. On a tout fait pour corriger, il faut pas chercher à comprendre, la langue de l'immigré, elle s'intègre toujours moins bien que lui. »

Un grand frère paumé, pas très futé. Extrêmement attachant.
Un petit frère animé de convictions, désenchanté, perdu dans sa quête mystique.
Un père rustre, maladroit, vieillissant.
Un livre d'une sincérité bouleversante.
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Un des meilleurs livres que j'ai lus récemment ! On est complètement happés par cette histoire, rythmée par les chapitres qui passent d'un frère à l'autre. Outre le récit du départ en Syrie, on plonge dans le quotidien d'un chauffeur Uber avec les clients du Marais, les soirées au kebab du quartier... Et des descriptions franchement croustillantes d'un Paris qui change. J'ai rendu le livre qu'on m'avait prêté, mais j'aurais adoré mettre l'extrait dans lequel le personnage principal explique comment Belleville se transforme, pourquoi la police contrôle maintenant les cyclistes sur la base du modèle de vélo et non plus au faciès : les hipsters - de plus en plus nombreux - se plaignaient du nombre de contrôles. Evidemment, avec la barbe longue, pas facile de reconnaître les hipsters des musulmans...
Ce livre nous promène entre des réalités très différentes qui cohabitent, avec tragédie mais avec aussi beaucoup d'humour, c'est vraiment un récit de notre temps. Je le recommande vivement à tout le monde !
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"Dans ce premier roman incisif l'auteur alterne un humour imagé et une gravité qu impose la question du terrorisme." Un roman poignant touchant et qui nous met face à la réalité des 2 univers : ceux qui sont partis faire le djihad en Syrie et ceux qui les attendent...
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C'est le récit introspectif de deux frères qui incarnent chacun leur voie idéologique.

J'apprécie beaucoup ce mode de narration à deux voix, comme dans des livres tel que « des fleurs pour Algernon », cela permet de nous mettre face aux nuances. En cela, on pourrait aussi comparer ce livre au film « les misérables » au cinéma, car il incarne le point de vue de plusieurs parties, qui d'ordinaire ne se parlent pas.
Ce choix de structure désengage également l'auteur de parti-pris idéologique — même si l'on peut remarquer que la préférence est donnée à “Grand frère” qui incarne la voix de raison, par opposition à celle de la radicalisation.

Sous couvert argotique, ce livre aborde des sujets essentiels : la confusion idéologique, la quête de soi, le rapport à la nation, l'amour de la famille, les racines ethniques… Dans le fond, il faut aussi remarquer que d'autres sujets viennent se greffer à celui de la radicalisation ; notamment, la critique de la société du travail et de la consommation débridée.
Dans son taxi VTC, “Grand frère” brosse le portrait d'un monde dépourvu de sens, dont les valeurs morales s'effritent, et où seul vaut le pouvoir de l'argent…

Il s'agit surtout d'un roman à portée politique, dont la vocation est de rendre accessible l'idée de “tout niquer”, en expliquant la confusion idéologique dans laquelle est maintenue la jeunesse Arabe du pays. C'est à dire, l'écartèlement entre l'intégration à l'État Français, l'attachement aux racines du pays, et l'entretien d'une forme de frustration...

Dans la forme : l'expression “langue vivante” prend tout son sens. Car la narration incarne la brutalité du conflit, par un récit décousu et argotique.
Notons d'ailleurs que même s'il s'agit d'une fiction, elle a des accents d'authenticité ; on peut supposer que ce fut des interrogations qui ont déjà harcelés l'auteur.

C'est un excellent livre sur le mal-être qui anime une partie de l'immigration française. Goncourt amplement mérité !

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Une vie un peu à la dérive, enfin ça va, y a pire, il ne peut pas se plaindre. Il est syrien, breton, français, tout ça à la fois, un visage invisible que l'on ne distingue qu'à moitié dans le reflet du rétroviseur, traître à son père, chauffeur Uber.

Un grand frère.

Responsable, perdu, démuni.
Il fait ce qu'il peut.
Tellement d'ennuis, de problèmes à résoudre, et la tête qui ne suit pas toujours, il n'y peut rien, c'est la fumette, avec les années ça a fini par le ralentir, et les pensées douloureuses, ça finit par rendre fou aussi.

D'ici, de nulle part, il erre sur le périph, s'imbibe de la ville et de ses habitants interchangeables. Tout est bon pour oublier son petit frère, infirmier parti en Syrie il y a plusieurs mois, non pas pour tuer, mais pour sauver.
Enrôlé dans une organisation humanitaire musulmane.
Il voulait s'occuper des enfants, des victimes, des prisonniers.
Quel con.
Il a mis tout le monde en danger.

Grand frère s'abîme dans l'oubli, le déni. Jusqu'au jour où Petit frère sonne à la porte. On le traque, on le suit. Quelque chose a dérapé. Et maintenant, il ne reste qu'à tout étouffer. En espérant que le jeune infirmier n'ait rien à cacher.


Le roman est brutal, râpeux, émaillé de blessures que l'on est trop épuisé pour cacher. Grand frère en a beaucoup trop vu, trop compris, trop subi, il a les mots pour le dire mais le coeur lui en manque parfois. Ses loyautés l'écartèlent, sa lassitude menace de l'emporter, ses peurs lui ôtent tout recul. C'est surtout la plume tranchante de Mahir Guven que l'on retient, avec sa langue crue, vernaculaire, émaillée d'arabe, de verlan, d'argots du monde entier, qui donnent au récit une dimension infiniment créative. le rythme en devient survolté, avec une fausse impression de précipitation, à l'image de la confusion de Grand frère, qui témoigne au contraire d'une construction savamment travaillée. On n'a jamais rien lu de pareil, on fait une découverte par page, on est soufflé par l'amour, l'empathie et la bienveillance qui émanent de ce témoignage brut et blessé.

Grand Frère remet les choses en place, donne une grande leçon de narration et d'écriture, navigue entre les tons avec un équilibre impressionnant. On passe de la confession intimiste au thriller implacable en l'espace de quelques dizaines de pages, avec des passages presque épiques, d'autres tristement pragmatiques. Impossible d'échapper à une certaine forme de malaise alors que l'intrigue se déroule : que peut ressentir le lecteur vis-à-vis du malaise profond des jeunes abandonnés, pétris d'ennuis dans leurs cités de béton, des familles prises entre deux identités, des descentes aux enfers qu'on préfère oublier, des découragements, la discrimination, tout le temps.

C'est un roman des réalités qui font mal et des fantasmes qui échouent à réparer, des proches qu'on renie et des liens qu'on veut sauver, des marginaux qu'on exclut et qui se relèvent par des voies parallèles. Avec son inventivité, sa fougue, son amour profond de ses personnages et de leurs ambitions fracassées, Grand Frère vient, à sa façon, poser une pierre nouvelle au grand édifice qu'on appelle "littérature".
Lien : https://mademoisellebouquine..
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