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4,09

sur 350 notes

Critiques filtrées sur 3 étoiles  
Grand frère et Petit frère sont tous les deux nés en France d'un père syrien et d'une mère bretonne, maintenant décédée. le père a fait tout ce qu'il a pu pour les élever le mieux possible, les laissant à l'écart de la religion car son idéal était le communisme. Jeunes adultes, Grand frère se retrouve chauffeur de VTC, faute de mieux, et Petit frère est parti en Syrie avec une ONG humanitaire musulmane, « Islam & Peace », tout en prétendant partir au Mali. Il ne donne plus aucune nouvelle, ce qui angoisse le père et le grand frère. ● le style est ce qu'il y a de mieux dans ce roman inégal aux nombreuses longueurs. En effet, l'écriture, en prise directe avec la réalité de la cité (ou du moins ce que j'imagine qu'elle est), est incisive, savoureuse, dynamique, émaillée de mots arabes (un glossaire figure à la fin du roman). ● Cependant, l'alternance narrative entre Grand frère et Petit frère ne fonctionne pas très bien. Ce procédé, aujourd'hui fréquent, marche beaucoup mieux dans d'autres ouvrages. ● Et surtout, la fin est une véritable catastrophe qui entache rétrospectivement tout le roman.
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Chauffeur de VTC et indic pour la police, Grand frère n'attend pas grand chose de la vie. Il essaie juste de garder son taff, son appart et sa grosse, il évite les conneries pour en pas aller à l'ombre, et passe le reste de son temps à se demander où peut bien être passé son petit frère. Il est partie en Syrie, sur un coup de tête, soi-disant pour aller jouer au toubib. Est-ce qu'il est vivant? Ou est-ce que le bled et la guerre ont eu raison de lui? Et s'il décidait de revenir en France un beau jour?

Difficile pour moi d'entrer dans ce récit, j'en suis restée spectatrice, sans vraiment m'y jeter à corps perdu comme d'autres l'ont fait. Je suis restée admirative de cette plume atypique, tout en pestant dès que je devais aller chercher un mot dans le glossaire en fin d'ouvrage. J'ai aimé relire certains paragraphes en ayant l'impression d'avoir sous les yeux les paroles d'une chanson de rap – incroyable comme le texte peut prendre vie, se transformer en mélodie, juste avec quelques sons récurrents. Je n'avais jamais lu un livre comme celui-ci, sans caricatures, sans fioritures, où se mélangent tous les mots qui font notre langue française de tous les jours. Surprenant.

Pour autant, cet exercice de style m'a séduite de manière assez théorique – j'ai admiré la prouesse mais elle n'a pas su me prendre aux tripes, me mettre à la place du Grand frère, m'immerger dans cette histoire familiale difficile. Plusieurs indices m'ont mise sur la voie du dénouement, je n'ai pas été particulièrement surprise malgré les efforts de l'auteur pour ménager un certain suspense. Tout se passe à la fin, tout le reste n'est que description et contextualisation, et finalement, le plus intéressant n'est pas l'intrigue en soi, mais le portrait que dresse Mahir Guven de cette génération désabusée, ayant grandi en banlieue parisienne, avec un plafond de verre pour tout horizon, le béton pour toute référence et le Cham à porter comme seule identité dans une France en proie au terrorisme.
Lien : https://theunamedbookshelf.c..
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" Grand frère " de Mahir Guven ( 269 p)
Ed. Philippe Rey

Bonjour les fous de lectures

Lecture réalisée pour le défi " je lis tous les Goncourt" .
Ce livre a reçu le Goncourt du premier roman 2018

C'est l'histoire de deux frères issus d'une famille franco-syrienne et qui vivent en banlieue parisienne.
L'ainé est chauffeur Uber, ancienne petite frappe qui essaye de se ranger mais qui subit de plein fouet la crise avec les taximen.
Le cadet est un jeune infirmier qui rêve de se rendre utile et s'engage dans une ONG, direction la Syrie. C'est la découverte de l'horreur.
Il disparait sans laisser de traces.
Après trois ans d'absence, le petit frère est de retour.
Mais qu'est-il devenu ? Que reste-t-il de ses rêves, de ses illusions?
Quoiqu'il arrive , un grand frère reste un grand frère...

Récit a deux voix où les chapitres s'enchainent donnant alternativement la parole à chacun des frères.
Sans tomber dans le misérabilisme social, l'auteur nous brosse un tableau de la vie dans les quartiers de banlieue où l'intégration reste illusoire d'une part et d'autre part, il évoque l'implantation du djihadisme sur le sol français de plus en plus tentaculaire ainsi que la vie de ces français partis "là-bas" quelles que soient leurs raisons.

Narration au langage bien particulier de ces jeunes banlieusards.
Mélange de Verlan, d'anglo-arabe, d'expression rencontrées dans les cités.
Une fois la surprise des premières pages passée, on assimile très vite ce langage "fleuri".
(un glossaire explicatif de certains mots se trouve en fin de livre pour les non initiés).

Une belle histoire sur la fratrie: deux frères que tout oppose mais qui restent soudés comme les doigts de la main.
Mais également un portrait de la vie dans ces cités ou règne l'ennui et le désabusement entrainant le dépassement de la ligne blanche à un moment ou un autre.

Lecture agréable, plume surprenante mais contrairement à beaucoup, je n'ai pas été totalement engloutie par ce récit.
Je suis restée un spectatrice à distance.

Néanmoins, ce livre est atypique ne serait-ce que par son écriture.
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La fin n'est pas à la hauteur du livre. Cette histoire d'éditeur et de fiction, ça vient tout saboter.

On dirait que c'est écrit dans une autre langue. J'ai découvert le lexique à la fin... Quelques longueurs.
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L'écriture est incisive, les phrases sont fluides et le rythme entraînant, mais le vocabulaire des personnages peut irriter.
La narration alternée ne fonctionne pas des masses.
Si le dénouement de l'intrigue n'est pas vraiment une surprise, c'est surtout l'épilogue qui étonne, car totalement dispensable.
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Ex-militaire dont le plus grand fait d'honneur a été une mission au Tchad. le fils aîné de la fratrie est aujourd'hui loser au volant de son taxi Uber et mène concurrence à son paternel qui bosse pour une société de taxis traditionnel. Il l y aussi le cadet qui pratique un job d'infirmier en quête de sens, qui s'engage dans une ONG islamique et s'envole en Syrie. le premier, resté en Fance, évoque une petite vie claquemurée dans la cité, la fumette et son petit boulot d'indic. Quand le deuxième prend la parole, c'est pour expliquer, sans haine, pourquoi. il est parti servir la cause chez les frères et les soeurs en souffrance. Un jour, le deuxième sonne à la porte du premier... C'est la claque. Voilà un roman à hauteur d'épaules qui analyse la société et parle de sujets qui fâchent : le monde du travail, la religion, le pognon, ... avec un ton quasi documentaire. Néanmoins, je n'ai pas raffolé. Pas mes repères, pas ma culture, pas le milieu d'où je viens. Question de décalage !
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"Tu n'as d'existence qu'au travers de ton empreinte sur la mienne. T'écrire, ce n'est rien d'autre que faire le tour de ton absence." - Annie Ernaux, "L'autre fille"

"C'est mon frère, l'homme que je déteste le plus au monde. Il a lu tout ça dans mon regard. Tout ce que je veux lui dire depuis dix ans. Un sourire d'adulte s'est dessiné sur son visage. Les Viêt-Cong cachés derrière ses paupières ont jailli et ont coulé le long du nez, de la bouche. Pour pas que je les voie, il m'a pris dans ses bras, a posé sa tête sur mon épaule, puis m'a soufflé à l'oreille : "Merci, pardon". C'est mon frère et je l'aime plus que tout."

De temps à autre, il arrive que, dans le choeur de louanges, s'élève une voix discordante, celle du lecteur qui a failli passer complètement à côté de sa lecture. Cette voix, je le confesse, c'est aujourd'hui la mienne.
Parfois, c'est affaire de sensibilité personnelle. Je suis persuadée, en effet, qu'il y a des écritures avec lesquelles nous avons quelques affinités et d'autres non. Il se peut qu'on manque un rendez-vous avec un auteur et cela n'augure en rien de nos retrouvailles futures.
Parfois, c'est tout autre chose.
C'est tout autre chose avec "Grand frère", lauréat du prix Goncourt du premier roman, du prix Régine Deforges, du prix Première et du prix ADELF en 2018, sélectionné pour le Médicis 2017 (qui est finalement allé à Yannick Haenel pour "Tiens ferme ta couronne") : plus qu'une entrée fracassante en littérature, la reconnaissance unanime d'un talent !

Alors, pourquoi mon enthousiasme en demi-teinte ? pourquoi fais-je la difficile ?

Un obstacle m'a fait trébucher alors que j'étais encore au seuil du livre.
Un ? un seul ?
Oui. Mais non le moindre, et il a bien failli gâcher le reste de ma lecture, n'étaient les autres atouts, nombreux, de ce 1er roman.
Quels que soient les efforts méritoires de l'auteur pour ménager le suspense jusque dans les toutes dernières pages, j'ai soupçonné, hélas, à des indices lâchés – intentionnellement ? involontairement ? -, où Mahir Guven voulait me mener.

"Tu sais, frérot, je suis comme toi. J'ai deux moi."

Dès lors, le soufflé, refroidi, est assez vite retombé et je n'ai pas eu la même lecture que beaucoup qui vantent un suspense digne d'un thriller psychologique, même si "Grand frère" lorgne, par certains de ses aspects et avec bonheur, du côté du roman policier et du roman noir, très noir.

Par chance, ce 1er roman ne vaut pas que pour cette chute qui rate le coche du spectaculaire et de l'inattendu pour le lecteur assez alerte à repérer les réponses à tous ces "si" qui s'accumulent au fur et à mesure que progressent les récits de Grand frère et de Petit frère.

"La vie est une somme de si."

Fort heureusement, les dernières pages ouvrent sur un merveilleux champ de possibles, sur un message optimiste quant au rôle de la littérature. J'y reviendrai.
"Grand frère" est un roman dont les quelque 300 pages sont a(e)ncrées fermement dans notre époque. Pour autant, la littérature réaliste du XIXe siècle ne l'aurait pas renié. C'est une fiction, certes, qui a valeur de documentaire sur une frange de notre société, celle qui habite les quartiers défavorisés du 9-3 avec leurs petite et grande délinquances, leurs trafics de drogues plus ou moins dures et leurs réseaux de prostitution.
Dans ce roman écrit en double je, Mahir Guven n'esquive ni les questions sociales ni celles politiques d'aujourd'hui : la radicalisation, les attentats de "Charlie Hebdo" et du 13 novembre 2015, le conflit syrien, l'immigration, la difficile intégration de ceux qui ont fui leur pays en guerre et de la génération d'après.

"Pas de colonne vertébrale : ni vraiment français, ni vraiment syriens, ni vraiment autochtones, ni vraiment immigrés, ni chrétiens, ni musulmans. Des métèques sans savoir pourquoi on l'est."

Cette double voix qui s'exprime à la 1re personne est plus souvent celle de Grand frère que celle de Petit frère comme le laisse entendre le titre du roman. Les chapitres à l'intitulé minimaliste - Grand frère, Petit frère - et à la typographie différenciée signalent non seulement qui raconte, mais surtout révèlent combien ces deux hommes ont peu en commun alors qu'ils sont d'un même sang : un petit frère n'existe que parce qu'il y a un grand frère, et inversement, n'est-ce pas ? L'un peut-il vivre amputé de l'autre ?
Alors que le monologue intérieur de Petit frère suit le cours chronologique de qui sait où il va et pourquoi, celui de Grand frère est plus décousu et chaotique à l'image de ses errances dans Paris au volant de son VTC. Grand frère revient sur son passé de petit délinquant qui aurait pu mal tourner et qui d'ailleurs a évité la prison de peu. Il digresse, ressasse, remâche.

Anonymes parce qu'ils possèdent chacun une part d'universalité, il faudra attendre les dernières pages pour connaître leur prénom. Petit frère, c'est Hakim, "le juste, le sage" ; Grand frère s'appelle "Azad. C'est mon prénom. Chez nous, ça veut dire libre. Libre, je le suis. Pas dans la vie. Mais dans ma tête. L'esprit, c'est comme l'univers, il n'a pas de frontières, on peut l'agrandir sans cesse. Suffit d'inventer et de réinventer, et on peut se créer un monde avec pas grand-chose. Un cahier, un stylo et un ordinateur."

Grand frère, la trentaine, sans aucun diplôme en poche, est rentré du Tchad où il s'était engagé avec l'armée française avant qu'un médecin militaire ne lui signifie qu'il ne pouvait plus faire partie des effectifs. Pourquoi ? À vous de lire pour le découvrir ! de retour en France, il se prend à rêver d'une vie rangée et devient chauffeur de VTC avec la panoplie qui va avec : voiture, costume, chemise blanche, cravate...
Petit frère, appliqué et plus doué pour les études, a décroché son diplôme d'infirmier et oeuvre au bien de tous dans un hôpital parisien où on l'apprécie. Tout porte à croire qu'il est parfaitement intégré et il aurait pu faire la fierté de la famille s'il n'avait croisé le chemin de l'organisation humanitaire Islam & Peace, bouclé ses bagages en un tournemain et n'était parti au Cham sans même un regard pour ses proches. Médecin ou assassin ? ne cesse de s'interroger Grand frère. Et nous avec lui.

"La vie ? J'ai appris à la tutoyer en m'approchant de la mort. Je flirte avec l'une, en pensant à l'autre. Tout le temps, depuis que l'autre chien, mon sang, ma chair, mon frère, est parti loin, là-bas, sur la terre des fous et des cinglés. Là où pour une cigarette grillée, on te sabre la tête. En Terre Sainte. Dans le monde des gens normaux, on dit "en Syrie", avec une voix étouffée et le regard grave, comme si on parlait de l'enfer. le départ du petit frère, ça a démoli le daron."

Comme l'auteur né près de Nantes sans nationalité, de mère turque et de père kurde venus se réfugier en France, Grand frère et Petit frère sont deux êtres aux identités confuses : Bretons par leur mère morte prématurément et Syriens par leur père qui, comme son fils aîné, use ses journées sur le ruban d'asphalte au volant de son taxi. Ballotés dans cet entre-deux, difficile pour Grand frère et Petit frère de savoir quelle est leur place dans une société où les perspectives d'avenir manquent cruellement.

"La vie, c'est complexe. Les choix que l'on fait, les routes que l'on emprunte dépendent du boy caché au fond de notre cerveau. de la manière dont il se construit. Dont il s'enrichit jour après jour. Et de l'état d'esprit du moment. Y a des routes où tu peux faire demi-tour et d'autres où, quand tu y mets le pied, c'est fini. Et encore d'autres, où tu sais pas ce qu'il y aura au bout. La peur de rater quelque chose t'attire comme un aimant. Dans le doute, tu y vas."

Le doute. Ce mot colonise le texte comme il gangrène l'esprit de Grand frère.

Si dans ce roman tout sonne juste, c'est parce que la langue familière, orale, alliance de mots d'arabe et de verlan ne trahit pas ce dont elle nous parle. Écrit dans cet argot métissé des banlieues - un glossaire a d'ailleurs été inséré en fin d'ouvrage tant cette langue, "énergique et vivant[e]" nous est étrangère -, Grand frère scrute notre société, s'intéresse aux inégalités, à l'actualité, questionne l'identité, de manière d'autant plus authentique que la langue ne se dérobe pas.

"Sa vie est restée au cachot. Dans une zonz de doutes et de peurs. Il suffit de zoomer sur sa grotte et d'observer le soin qu'il porte à la préparation de la table pour se demander ce qu'il fout dans cet immeuble de chiens, dans ce quartier de crève-la-dalle, avec ces enfants de schlagues, une gueule de Pachtoune, des dents de gitan, et son métier de gadjo qui finira par lui faire pousser le bulletin pour Marine. Les gens pensent qu'on est feuj, wallahlaradim. Parce que tous les vendredis la table est dressée comme à l'Élysée. Mais rien à voir, de toute façon mon vieux dit qu'il est pas musulman, mais communiste. Et selon lui c'est pas une religion... Bref..."

Bref !
Enfin et avant tout – mais je ne pouvais guère commencer par là et vous en dirai le moins possible – "Grand frère" est un éloge à la force rédemptrice de la littérature face à l'absence.

"En trente ans, les rappeurs sont devenus les premiers vendeurs de disques dans ce pays. À une époque où on dit que les jeunes ne lisent plus, ce sont les seuls qui écrivent."

Grand frère écrit. Avec "un cahier, un stylo et un ordinateur". Pour cicatriser.

1er roman, lu pour la session anniversaire 5 ans des #68premieresfois. Il est le choix d'Odile d'Oultremont.
Lien : https://www.calliope-petrich..
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