Grâce aux éditions Picquier, il est possible de prendre le pouls de la littérature japonaise actuelle, avec un assez faible décalage temporel par rapport à la date de publication au Japon. Et nous découvrons peu à peu les lauréats de prix littéraire, à commencer par l'Akutagawa, l'équivalent nippon du Goncourt. Comme pour notre célèbre prix, la qualité est fluctuante...
Keisuke Hada est un Akutagawa moyen à mon goût. Pour résumer brièvement le sujet, nous suivons le quotidien d'un curieux "couple", un grand-père de 88 ans et son petit-fils de 30 ans, qui vivent sous le même toit, la mère étant la seule à travailler et n'étant pas là en journée. Le grand-père est un vieux finalement assez classique. Souvent, il se plaint d'avoir des douleurs partout, a du mal à décoller du canapé, devient gâteux, et gâteaux (comme les gamins, il préfère les aliments mous et sucrés). Mais comme par miracle, il a des moments d'étonnante lucidité, peut retrouver la forme en moins de deux, peut faire preuve de mauvaise foi, frétiller d'un reste de désir sexuel. Il est aussi un poil menteur et comédien, lui qui se la raconte sur son soi-disant passé d'aviateur kamikaze pendant la guerre. Le petit-fils Kento n'a plus de boulot depuis un an, n'assure pas sexuellement avec sa copine (qui n'est certes pas un canon de beauté)...Bref, il file un mauvais coton de glandeur...
Le vieux dans ses moments bas répète inlassablement qu'il ferait mieux de mourir. Kento, va, à l'observer et l'entendre, chercher à exaucer son voeu d'une mort douce, mais aussi, tel un Mishima, acquérir l'obsession d'optimiser sa condition physique (parachutages, pompes, musculation) et sexuelle (séances d'onanisme soutenues) pour rester en bonne santé et ne pas suivre l'exemple de l'aïeul. Il doit aussi tâcher de retrouver un travail. Il trouve aussi qu'on ne devrait pas s'acharner à maintenir en vie contre leur gré de vieux légumes qui n'espèrent plus que la libération de la mort, d'autant plus qu'ils coûtent ainsi bien cher aux jeunes actifs...
Le grand-père passe plusieurs fois très près de la mort, mais à la grande surprise de Kento, il subsiste en lui un fort instinct de vie...Contre toute attente, ces deux-là vont créer du lien jour après jour, et se tirer vers le haut, plus ou moins sans s'en rendre compte.
L'action est comme souvent dans la littérature japonaise assez ténue dans ce court roman de 130 pages, et le style de l'écrivain assez banal, sans pour autant être indigent (avec les réserves habituelles liées à la traduction). Il se lit néanmoins assez agréablement, et a le mérite de poser avec une légèreté apparente la question des relations intergénérationnelles, de la gestion de la fin de vie par une société frappée de plein fouet par le vieillissement, les coûts et délais d'attente prohibitifs de l'accueil en maisons de retraite et une perte de confiance en elle de la jeunesse, les inégalités sociales, phénomènes qui risquent à terme de lézarder l'édifice de cette société si performante.
Ce roman est une sympathique histoire d'entraide et de tolérance entre des générations qui vivent trop souvent aujourd'hui sur des planètes différentes. L'intrigue est certes un peu mince, on reste un peu sur sa faim, mais c'est assez bien mené. Keisuke Hada est un jeune écrivain à suivre.
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Un petit fils et son grand père sous un même toit. C'est un travail de fiction qui s'appuie sur un phénomène de société bien connu, le vieillissement de la population japonaise, avec tout ce que cela veut dire pour les jeunes et les relations intergénérationnelles.
Soins médicaux onéreux, centres de gardes pour vieux, longues listes d'attentes pour entrer en maison de retraite, prévenances parfois excessives aux effets pervers,… l'auteur aborde avec une certaine ironie la fin de vie, nos conflits internes nourris par le besoin et le désir de prendre soin des autres mais aussi de vivre pleinement sa vie à soi.
Une belle critique de la société contemporaine.
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Il s'agit d'un court roman dont le thème principal est le vieillissement. En dépit de cette thématique chargée physiologiquement, socialement et économiquement, l'auteur parvient avec une écriture simple et légère à raconter l'histoire d'une famille ordinaire.
Nous sommes dans un arrondissement de Tokyo. Kento, le narrateur a 28 ans, est actuellement au chômage et vit chez sa mère. Depuis quelques années, son grand-père, 88 ans, vit avec eux. La cohabitation est difficile entre le vieil homme et sa belle-fille. Son leitmotiv : "Je ferais mieux de mourir".
Entre recherche d'emploi, sport et rendez-vous dans une chambre d'hôtel avec sa petite amie, Kento assiste son grand-père dans son besoin de mort. Mais tout ne se passe pas comme prévu. Chaque protagoniste retrouve un équilibre au sein de la cellule familiale et une autonomie qui permet de redécouvrir la liberté.
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