Tessa Hadley écrit ans la tradition des auteurs britanniques actuels. Elle est dans la lignée des MC Ewan, Lodge, Coe..., c'est à dire en maniant réalisme et humour grinçant distillé avec joie et parcimonie.
D'abord une réflexion sur le titre,
Free Love donc, dont la traduction peut avoir deux sens:
1.” l'amour libre”, ce qui en 1967, année où se déroule cette histoire, est plein de promesses 2.”Libérez l'amour”, ce qui sous entend qu'il ne l'est pas au commencement du livre
Avec ces deux postulats, on résume grossièrement une partie de l'histoire, mais pas que. Car
Tessa Hadley écrit avec brio et nous emmène au coeur de cette société anglaise à l'heure du Flower Power et de sa révolution sexuelle.
Phyllis Fischer, la quarantaine dépassée, est mariée à Roger, haut-fonctionnaire au ministère des Affaires étrangères. Ce n'est pas forcément un homme rigide ultra conservateur, mais il appartient à l'establishment anglais et en 1967, c'est un fameux carcan. Phyllis s'est complètement coulée dans les conventions de ce monde un peu figé. Un dressing bien rempli et accumulé avec goût et patience, une coiffeuse où trône des flacons de l'Air du Temps, une bonne qui surveille la maisonnée et les deux enfants, l'aînée Colette (en hommage à ...) qui a quinze ans et Hugh, le garçon de onze ans qui se prépare à entrer au collège et dont la principale passion est de collectionner insouciamment les papillons.
Vous devinez évidemment que cet univers fait de calme, de certitudes et d'habitudes petites bourgeoises sera bousculé. Et drôlement, car nous sommes au seuil d'une de ces failles sociétales qui marqueront durablement.
Un jeune ami de la famille, Nicholas, est invité à la maison par Roger lors d'un soir de souper.
A la faveur de quelques contacts furtifs, Phyllis en tombe amoureuse, d'abord par affleurement, puis passionnément. Elle finira par quitter le domicile bien douillet pour rejoindre cet amant trop jeune et trop épris par sa propre personne. Nicholas lui ouvrira les yeux sur le monde qui les entoure. Depuis cette garçonnière jonchée de chaussures usées, de draps pas toujours propres et d'effluves diverses, Phyllis connaîtra la contre culture, les drogues et les relations libres, l'absence de pudeur. Elle va condamner et rejeter, avec un mélange de naïveté et de convictions, les codes moraux de l'Angleterre ronronnante de son mari Roger. Tout cela plongé dans un égocentrisme ambiant et généralisé, finalement encore plus marqué que celui des classes anglaises établies. Phénomène dont nous payons le prix encore aujourd'hui avec les réseaux sociaux qui dominent des vies et ces existences étalées sur la place publique ... Rien ne la fera toutefois revenir auprès de Roger. Elle continuera à fuir le cocon et à prendre les risques qui doivent la mener vers un hypothétique épanouissement.
Colette exprimera son désarroi en suivant un chemin tout aussi atypique que sa mère et rejoindra cette communauté libertaire. Plus jeune, elle y sera davantage à sa place que Phyllis. Il reste quelques surprises scénaristiques que je ne dévoilerai pas.
L'intérêt du livre repose sur la façon qu'a l'auteure de sonder cette société anglaise au cours de cette essoreuse sociétale qu'est cette fin des sixties. C'est bien écrit, avec rythme, intelligence et un humour anglais très fin. C'est traité de façon assez manichéenne et par conséquent, un peu simpliste. Mais n'est-ce pas aussi cela qui rend cette lecture si agréable? Cette acuité alliée à ce tableau volontairement gardé simpliste est une volonté de l'auteur et nous permet de traverser l'histoire en gardant une vue d'ensemble sur le déroulement de ce bon roman.
Dans tous les cas,
Tessa Hadley est une auteure que j'ai découvert avec plaisir et que je lirai encore. Elle n'en a pas écrit beaucoup, c'est facile à rattraper.