Se connaître soi-même, c'est ou bien se connaître comme non sage (c'est à dire non comme sophos, mais comme philo-sophos, comme en marche vers la sagesse), ou bien se connaître en son être essentiel (c'est à dire séparer ce qui n'est pas nous de ce qui est nous-mêmes), ou bien se connaître en son véritable état moral (c'est à dire examiner sa conscience)
La philosophie va donc éduquer l'homme, pour qu'il ne cherche à atteindre que le bien qu'il peut obtenir et qu'il ne cherche à éviter que le mal qu'il peut éviter. Ce bien que l'on peut toujours obtenir, ce mal que l'on peut toujours éviter, doivent, pour être tels, dépendre uniquement de la liberté de l'homme : ce sont donc le bien moral et le mal moral
Remarquons-le, c’est ce qui se passe dans tout exercice spirituel ; il faut se faire changer soi-même de point de vue, d’attitude, de conviction, donc dialoguer avec soi-même, donc, lutter avec soi-même.
Le parallélisme entre exercice physique et exercice spirituel est ici sous-jacent : de même que, par des exercices corporels répétés, l’athlète donne à son corps une forme et une force nouvelles, de même, par les exercices spirituels, le philosophe développe sa force d’âme, modifie son climat intérieur, transforme sa vision du monde et finalement tout son être.
Cette représentation est commune à toutes les écoles philosophiques : l’homme est malheureux parce qu’il est l’esclave des passions, c’est-à-dire parce qu’il désire des choses qui peuvent lui échapper, parce qu’elles lui sont extérieures, étrangères, superflues. Le bonheur consiste donc dans l’indépendance, la liberté, l’autonomie, c’est-à-dire dans le retour à l’essentiel, à ce qui est véritablement « nous-mêmes » et à ce qui dépend de nous.