Cet ouvrage est un recueil de textes, augmenté au fil des trois éditions (1981, 1987 et 2002). Par conséquent, les répétitions y sont inévitables et les articulations entre les différentes parties du livre superficielles. Pour ces raisons, les lecteurs qui souhaitent découvrir
P. HADOT,
Qu'est-ce que la philosophie antique ? est plus approprié.
Toutefois, cet ouvrage présente beaucoup de points d'intérêts : l'influence de WITTGENSTEIN sur la pensée de l'auteur, ses divergences avec
M. FOUCAULT sur les pratiques de soi et l'esthétisation de soi… Mais, le point central en est l'exposé de la conception de la philosophie de l'auteur.
Ce dernier, en prenant appui sur les courants majeurs (stoïcisme, épicurisme, sceptique) de la philosophie antique, considère la philosophie comme une pratique, une « thérapeutique de l'âme »et plus seulement comme un discours théorique. La philosophie est ici conçue comme un mode de vie qui a comme Nord magnétique : la sagesse. En effet, la sagesse, comme le rappelle
P. HADOT, n'est pas un état, une qualité possible pour l'homme. Elle appartient aux dieux. de ce fait, l'homme doit se contenter de « l'amour de la sagesse » (philo-sophos). Mais, la philosophie, reprenant la distinction stoïcienne, se différencie du discours philosophique, qui lui ait théorie, spéculations venant nourrir la pratique (la philosophie). Ce discours se décompose en trois domaines (voir le texte sur les pensées de
Marc-Aurèle) : la physique – les événements tels qu'ils se déroulent objectivement sans l'altération de nos jugements moraux ou désirs (pour le stoïcisme l'événement n'est pas bon ou mauvais, il n'y a de bien et de mal que sur un plan moral), l'éthique – les actions dans la perspective de la communauté humaine et la logique – le jugement doit être discipliné, juste. Ils sont alors mis en pratique, en oeuvre à travers des exercices spirituels (qui seront repris, pour partie, par le monachisme) - « tout exercice spirituel est donc, fondamentalement, un retour à soi-même qui libère le moi de l'aliénation où l'avaient entrainé les soucis, les passions, les désirs » (p.63) - tels que l'examen de conscience, la représentation de la mort (le premier texte du livre est ici tout à fait éclairant). Exercices qui visent à transformer, à entreprendre une conversion du moi pour être « indifférent aux choses indifférentes », c'est-à-dire accueillir dans le même état d'esprit chaque événement qui ne dépend pas de nous et relève d'un ordre naturel, rationnel (encore une fois d'après la doctrine stoïcienne).
Comme toujours l'écriture de
P. HADOT est fluide et agréable. La perspective de cet ouvrage est philosophique et spirituelle. Il n'y a pas ici de prétention à fournir un manuel de développement personnel, de recettes-miracles pour un mieux-être. Au contraire, il est plusieurs fois rappelé que ces exercices sont des efforts fréquemment renouvelés. Néanmoins, cela peut être une source d'inspiration, de réflexion pour un grand nombre dans le quotidien personnel ou professionnel.