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Citations sur Histoire d'enfant (26)

Et quand il se tenait là, debout, à la maison et répétait pour le jour suivant quelque longueur de fleuve ou hauteur de montagne, l’homme pensait sans cesse qu’il ne faudrait jamais oublier et qu’il faudrait transmettre jusqu’à la fin des temps la façon dont les enfants de cette terre récitaient, les yeux écarquillés, fixes de terreur, le prétendu savoir de l'humanité.
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Ce qui est beau se voit si mal.
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Le désespoir peut-être dissimulé par les grands de bien des manières, mais celui d'un enfant on le remarque de toute façon : et voir un enfant désolé était insupportable.
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Il le sut alors: l'enfant seul consacrait le déroulement de la journée. Sans lui il est abandonné du monde; toute son entreprise lui semble démesurée et vaine (quand il s'imagine mener "sans" enfant la vie la plus dissolue avec la plus belle femme du monde). - Une nuit, en rentrant, il est là, debout dans l'appartement aveuglant et silencieux, appuyé quelque part et il arrive à se figurer comment des gens peuvent tomber raides morts de pure solitude.
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- À la fin de l’hiver, un voyage en bus dans une vallée de montagne ; seuls passagers des enfants, étrangement silencieux, retour de l’école ; ils descendent isolément ou par petits groupes et disparaissent sur la route ou dans les chemins de campagne ; début du crépuscule, giboulées de neige, cascades gelées ; par la portière ouverte, brièvement, le chant alterné de deux oiseaux, dehors, dans le froid, d’une tristesse, d’un effarement incroyables et d’une telle beauté qu’en les entendant il est pris du désir de retenir cette plainte pour toujours et d’écrire de la musique. - Au printemps suivant, au cours d’un voyage en train à travers une vallée mouillée et triste, il voit un enfant marcher avec agilité le long des voies et il peut lui parler en pensée : « Sois loué, enfant inconnu au pas bondissant. » - Et puis un autre trajet en car - encore presque uniquement des enfants, dans le crépuscule, puis c’est l’obscurité -, et cette phrase, presque involontaire : « Peut-on sauver les enfants ? »
Car, au fil du temps, le voyageur crut reconnaître que quelque chose manquait à tous sans exception et qu’ils attendaient tous quelque chose. Les nourrissons qu’il voyait dans les avions, les salles d’attente ou ailleurs n’étaient pas simplement « couinards » ou agités mais leurs cris venaient de très profond. - Des paysages les plus calmes s’élevaient bientôt, en règle générale, les hurlements de détresse d’un être qui, quelque part, appelait les siens. Mais les enfants, c’était visible, avaient aussi besoin des inconnus qui venaient à leur rencontre : les yeux grands ouverts et cillant à peine qui, à mi-hauteur des adultes, percevaient chacun isolément, si grande que pût être la foule, et cherchaient une réponse (et le passant pouvait être sûr qu’à lui aussi ils jetteraient un regard secourable), ces yeux, dans la presse des boulevards, des supermarchés et des métros, étaient chaque fois la seule certitude.
Il en fut sûr alors : les « temps modernes » qu’il avait si souvent maudits et rejetés n’existaient même pas ; la « fin des temps » n’était, elle aussi, que fantasme : avec chaque nouvelle conscience s’ouvraient des possibilités toujours pareilles, et les yeux des enfants dans la foule - regarde-les donc ! - transmettaient l’esprit éternel. Malheur à toi qui manques ce regard.
Un jour, il se trouve au musée devant le tableau légendaire qui représente le massacre des Innocents de Bethléem : un enfant dans la neige lève les bras vers sa mère, le pied replié en arrière, en fichu et en tablier ; le soudard, l’index recourbé, le saisit déjà ; et le spectateur, comme si tout cela arrivait à présent, pense mot pour mot : « Cela n’est pas possible », et pour sa part il en prend la résolution : la tradition sera différente.

(p. 93-95, L’Imaginaire/Gallimard)
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Lorsqu’on montra l’enfant à l’adulte à travers la paroi vitrée, il ne vit pas un nouveau-né mais un être humain déjà parfait. (C’est seulement sur la photo qu’apparut la figure habituelle de nourrisson.) Une fille ? Cela lui convint tout de suite ; dans le cas inverse - cela il le sut plus tard - la joie aurait été la même. Derrière la vitre on lui tendit non pas sa "fille" ni même sa "progéniture" mais un enfant. L’homme eut cette pensée : il est content, il aime bien être au monde. L’enfant, par le seul fait d’être, sans rien qui le distinguât, rayonnait de sérénité - l’innocence était une forme de l’esprit ! - et cela se communiquait presque furtivement à l’adulte à l’extérieur ; eux deux, là-bas, paraissant former une fois pour toutes un groupe de conjurés. Le soleil éclaire la pièce où ils se trouvent, sur le dos d’une colline. À la vue de l’enfant l’homme non seulement se sent responsable mais éprouve l’envie de le défendre et comme une impression sauvage : la sensation d’être debout sur ses deux jambes et d’être fort.

(p. 12-13 de la collection L’Imaginaire/Gallimard)
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Ὄρσο, τέκνον,
δεῦρο πάγκοινον ἐς χώραν
ἴμεν φάμας ὄπισθεν

(p. 104, L’Imaginaire/Gallimard, vers extraits de l’Olympique VI de Pindare)

« Debout, enfant,
par ici, à la terre commune à tous
viens en suivant Ma rumeur. »

(Pindare, "Œuvres complètes" - Traduction de Jean-Paul Savignac, Éditions La Différence, collection Minos, p. 101)
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Par une chaude journée d’octobre l’adulte lit, étendu dans l’herbe d’un maigre parc forestier ; au coin des yeux, l’enfant est une couleur proche : à un moment donné il sort de son champ de vision et ne revient pas. Lorsqu’il lève les yeux, il le voit loin déjà parmi les arbres. Il court aussitôt après lui, ne l’appelle pas mais le suit à quelque distance. L’enfant va tout droit même quand il n’y a pas de chemin. Entre eux surgissent sans cesse des promeneurs avec des chiens. L’un d’eux, en courant, renverse même l’enfant. Il se relève aussitôt et sans un regard pour l’animal continue tout droit. Devant un ruisselet dont l’eau qui coule à peine est noire de feuilles poussées par le vent, deux pintades sont en train de s’accoupler : la partie mâle chancelle, vacille, tombe de côté, fléchit sur ses pattes et s’affaisse sur le sol. L’enfant n’arrête pas de marcher ; il ne va ni plus vite ni plus lentement, ne regarde pas une seule fois derrière lui, ne tourne même pas la tête et ne semble pas non plus se fatiguer, comme si souvent au bout de quelques pas. Tous deux traversent, toujours à la même distance, une petite bande de prairie où l’on sent déjà le vent de la rivière proche. (Beaucoup plus tard l’enfant raconta à l’adulte que « prairie » le faisait penser à « paradis ».) Ici, sous le feuillage, il y a beaucoup de bois mort : l’enfant trébuche de temps à autre mais il ne dévie pas de sa direction. Une foule de gens, dans le parc, paraissent pourtant prendre tous un autre chemin ; des tribunes d’un champ de courses proche proviennent les cris d’encouragement du dernier tournant. Il semble à l’adulte qu’ils sont tous deux devenus des géants : têtes et épaules à hauteur de cime loin au-dessus du sol et invisibles à ceux qui viennent à leur rencontre : ils figurent ces êtres fabuleux que depuis toujours il a pensé être les puissances véritables derrière, au-dessus et entre toutes les réalités des sensations humaines. L’enfant s’arrête à la vue de la rivière et met, l’une sur l’autre, les mains dans son dos. Non loin du talus herbeux sont assis un autre adulte et un autre enfant, comme leurs remplaçants ou leurs doubles. Tous deux mangent une glace ; et l’eau de la rivière qui passe fait étinceler les boules de glace et les contours du cou. À moitié coulée dans le fleuve la rangée de cabines d’une baignade abandonnée. De l’autre côté de l’eau, vers l’ouest, la chaîne de collines au feuillage épais, balayée à mi-hauteur par le passage orange-blanc-violet des trains de banlieue. Le ciel au soleil couchant est argenté, des feuilles isolées, un rameau tout entier tourbillonnent, soulevés très haut dans le vide. Les buissons de la rive, en bas, s’agitent en une merveilleuse concordance avec la chevelure courte de l’enfant au premier plan. Le témoin oculaire implore pour que soit bénie cette image et il reste en même temps impassible. Il sait que chaque instant mystique recèle une loi générale dont il doit faire apparaître la forme, et qui ne vaut que par la forme qui lui est adéquate ; et il sait aussi que délimiter par la pensée la succession de formes d’un tel instant est l’œuvre humaine la plus difficile de toutes. - Alors il appela l’enfant qui s’était retourné vers lui sans surprise comme vers son garde du corps attitré.

(p. 28-30, L’Imaginaire/Gallimard)
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Au printemps, plus tard, l’enfant était assis tout seul sur un cheval de manège. Sur ses bords, la place paraît blanche d’écume comme un récif ; la pluie vient de s’arrêter. Une première secousse parcourt le manège qui démarre et l’enfant, éloigné de l’adulte d’une manière toute nouvelle, lève un instant les yeux, s’oublie aussitôt dans le mouvement circulaire et n’a plus d’yeux pour rien d’autre. L’homme, plus tard, se souvint d’un moment de sa propre enfance où, bien qu’il fût avec sa mère dans la même petite pièce, il la sentit loin de lui, à une distance incommensurable, à en déchirer le cœur : comment cette femme, là-bas, peut-elle être quelqu’un d’autre que moi, ici ?

(p. 27, L’Imaginaire/Gallimard)
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Certes il se sentait responsable d’elle et pourtant, secrètement, il croyait toujours savoir qu’ils n’étaient pas faits l’un pour l’autre, que leur vie en commun était un mensonge, proprement une dérision, comparée aux rêves qu’il avait faits jadis de lui et d’une femme. Parfois même il maudissait en secret cette union comme l’erreur de sa vie. Mais c’est seulement avec l’enfant que cette désunion épisodique devint dissension définitive. De même qu’ils n’avaient jamais vraiment été mari et femme, ils ne furent pas non plus, dès le début, un couple de parents.
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