Mais lorsqu'il la regarda - et qu'elle le regarda -, ils surent tous les deux qu'il existait quelque chose de pire que d'embrasser la mauvaise personne.
C'était d'en avoir envie.
En général, Madame, quand un élève ne parvient pas à apprendre, c'est que le professeur n'est pas parvenu à enseigner.
9 avril 1995 Côte de l’Oregon
Si j’ai appris une chose dans cette longue vie qui a été la mienne, c’est ceci : dans l’amour, nous découvrons qui nous voulons être ; dans la guerre, nous découvrons qui nous sommes. Les jeunes d’aujourd’hui veulent tout savoir sur tout. Ils pensent qu’il suffit de parler d’un problème pour le résoudre. Mais je suis issue d’une génération plus sobre. Nous comprenons la valeur de l’oubli, l’attrait de la réinvention. Ces derniers temps, pourtant, je m’étonne de repenser à la guerre et à mon passé, aux gens que j’ai perdus. Perdus. Ce mot donne l’impression que j’ai égaré les êtres qui me sont chers ; comme si je les avais laissés à un endroit qui leur était étranger avant de m’éloigner, trop troublée pour retrouver mon chemin. Ils ne sont pas perdus. Ils ne sont pas non plus dans un monde meilleur. Ils sont partis. Maintenant que la fin de mes jours approche, je sais que le chagrin, tout comme le regret, s’inscrit dans notre ADN et fait à tout jamais partie de nous.
(...)je sais que le chagrin, tout comme le regret, s'inscrit dans notre ADN;
"Sa ville bien - aimée était comme une courtisane autrefois belle mais devenue vieille, maigre, lasse, délaissée par ses amants......
En moins d'une année, cette ville magnifique avait été dépouillée de son essence par le martèlement incessant des bottes allemandes sur le pavé et défigurée par les croix gammées qui flottaient sur chaque monument ..."
– Ils étaient cruels parce qu’on était en guerre contre eux, Isabelle. Pétain nous a évité de revivre ça. Il nous a protégés. Il a mis fin à la guerre. À présent, Antoine et tous nos hommes vont rentrer.
– Dans un monde où on doit dire Heil Hitler ? répliqua Isabelle d’un ton méprisant. « La flamme de la résistance française ne doit pas s’éteindre et ne s’éteindra pas. » C’est ce que de Gaulle a dit. Nous devons nous battre par tous les moyens possibles. Pour la France, V. Pour que la France reste la France.
Vianne avait été terrassée par tout cela : le chagrin dû à la mort de sa mère, la douleur causée par l’abandon de son père, leur soudain changement de vie, et la tristesse et le besoin d’attention démesuré d’Isabelle.
C’était Antoine qui avait sauvé Vianne. Lors de ce premier été après le décès de Maman, ils étaient devenus inséparables. Avec lui, Vianne avait trouvé une échappatoire. À seize ans, elle était enceinte ; à dix-sept, elle était mariée et devenait la maîtresse de maison du « Jardin ».
La capitulation était une pilule dure à avaler, mais le maréchal Pétain était un homme honorable. Un héros de la dernière guerre contre l’Allemagne. Certes, il était vieux, mais Vianne était d’avis que cela ne faisait que lui offrir un meilleur point de vue pour juger la situation. Il avait trouvé un moyen pour que leurs hommes rentrent chez eux et que la Grande Guerre ne se répète pas.
Si j'ai appris une chose dans cette longue vie qui a été la mienne, c'est ceci : dans l'amour, nous découvrons qui nous voulons être ; dans la guerre, nous découvrons qui nous sommes.
– Ils ont instauré une nouvelle loi, dit-elle enfin.
Lentement, elle ouvrit sa main gauche pour révéler des morceaux de tissu jaune froissés qui avaient été découpés en forme d’étoiles. Sur chacun d’eux était inscrit en noir le mot JUIF.
– Nous devons porter ça. Nous devons les coudre sur nos vêtements – sur les trois vêtements d’extérieur qui nous sont autorisés – et les porter tout le temps en public. J’ai dû les acheter avec mes tickets de rationnement.