Chocolat

J’aime bien ces gens. Je sais lire leurs yeux, leurs bouches tellement facilement celle-ci avec son soupçon d’amertume, va raffoler de mes zestes d’orange confits; celle-ci, avec son doux sourire, mes abricots fourrés au cœur si moelleux; cette petite fille aux cheveux ébouriffés par le vent va aimer les mendiants; cette femme vive et joyeuse, les noix du Brésil au chocolat. Pour Guillaume les florentins dégustés avec délicatesse au-dessus d’une soucoupe dans sa maison bien rangée de célibataire. Le goût de Narcisse pour les truffes aux deux chocolatsְ révèle sa bonté de cœur sous son extérieur bourru. … Je vends des rêves, de menues consolations, d’exquises tentations inoffensives pour qu’une multitude de saints dégringolent de leur piédestal et viennent se fracasser au milieu des noisettes et des nougatines.

« Lariflette », dit Armande. Je mis un moment à me rendre compte que c’était le nom de la chatte. « Ça fait dix-neuf ans que je l’ai . Ce qui est presque l’équivalent de mon âge, pour un chat. Elle émit un petit gloussement à l’intention de la chatte, qui ronronna plus fort.
« Je suis censée être allergique. De l’asthme ou je ne sais quoi. Je leur ai dit que je préférerais étouffer plutôt que me débarrasser de mes chats. Alors qu’il y a certains humains dont je pourrais me privé sans hésiter une seconde ! »

..."Au milieu, elle a édifié une superbe pièce centrale. Une maison en pain d'épice, des murs en gâteau recouverts de chocolat et rehaussés de glaçage argenté et doré, des tuiles en florentins parsemés de fruits confits, d'étranges vignes vierges en glaçage en chocolat grimpant le long des murs, des oiseaux en pâte d'amandes chantant dans des arbres en chocolat..."

Je choisis une pépite noire sur un plateau indiquant Voyage en Orient. Du gingembre confit dans une coque de sucre, libérant une giclée de liqueur comme une concentration d'épices, une sorte de cocktail aromatique où le santal, la cannelle et le citron vert le disputent au cèdre et au myrte piment.

Je retourne à mes fourneaux et, pendant quelque temps, je n'entends plus rien. C'est un talent d'autodidacte, la cuisine, le résultat d'une obsession. Personne ne m'a appris à faire la cuisine. Ma mère confectionnait des potions et des philtres, j'ai sublimé le tout pour en faire une plus douce alchimie.

Je vends des rêves, de menues consolations, d’exquises tentations inoffensives pour qu’une multitude de saints dégringolent de leur piédestal et viennent se fracasser au milieu des noisettes et des nougatines.

...."La Céleste Praline, chocolaterie artisanale"
..."Sur une étagère de marbre blanc sont alignés d'innombrables boites, paquets, cornets en papier argenté et doré, mais aussi des rosettes, des cloches, des fleurs, des cœurs et de longues spirales de ruban multicolore. Sous les cloches en verre, dans des plats, reposent les chocolats, les pralines, les tétons de vénus, les truffes, les mendiants, les fruits confits, les rochers pralinés, les coquillages en chocolat, les pétales de rose et les violettes en sucre..."

"La mort devrait être une fête. Comme un anniversaire. Quand mon heure viendra, je veux m'élever dans le ciel comme une fusée, puis retomber en une nuée d'étoiles, et entendre tout le monde faire: Ahhhh !"

Des dessous de soie rouge ! m'annonça-t-elle avec un grand sourire, en voyant mon regard. Vous pensez sans doute que je suis une vieille folle, mais je les adore. Je porte le deuil depuis tellement d'années - chaque fois que je pourrais en toute décence remettre des couleurs, quelqu’un semble s'arranger pour casser sa pipe... - que j'ai quasiment renoncé à porter autre chose que du noir. " Elle me regarda d'un air goguenard. "Mais les dessous... ça, ce n'est pas le même chose." Elle baissa la voix pour adopter un ton de conspiration. "Commandées à Paris, précisa-t-elle. Une fortune..." Sur son perchoir, elle fut secouée d'un rire silencieux. "Bon alors, et ce chocolat ?"

"Les vieux réflexes ont la vie dure, et quand votre activité a un jour consisté à exaucer les vœux des autres, la manie ne vous en quitte jamais vraiment. (p. 17)