Citations sur La Communauté du Sud, Tome 3 : Mortel corps à corps (44)
Quand je suis rentrée, Bill était devant son ordinateur (scène de plus en plus courante, ces derniers mois). Il y avait à peine quinze jours de ça, il réussissait encore à s'arracher à son PC. Mais aujourd'hui, entre sa bécane et moi, son choix était vite fait.
Quand on a été battu, on prend brusquement conscience de ce qu’on est, en réalité : une simple enveloppe de peau, une enveloppe fragile qui retient tout un tas de liquides, d’amas mous et de structures rigides susceptibles d’êtres brisées.
Le lendemain, en allant au boulot, j’ai fait un détour. Mauvaise idée. Vous savez, j’étais dans cet état d’esprit où on se repasse le disque en boucle : «Tout va mal, tout va mal, tout va mal... » Je broyais du noir. Je ruminais mon infortune. Je me roulais dedans. Après une nuit blanche durant laquelle je m’étais passablement morfondue, une perfide petite voix tout au fond de moi m’avait suggéré que je pourrais encore améliorer mon humeur en passant par Magnolia Creek Road. Alors, forcément, c’est ce que j’ai fait.
— Mais... pourquoi as-tu besoin de protection ? Et ton vampire, il ne peut pas tout bonnement s’asseoir au bar, comme tout le monde ? Ce n’est pas le PurSang qui manque dans le frigo. De toutes les marques de sang synthétique qui se disputaient le marché à l’échelle internationale, PurSang tenait assurément le haut du pavé. «La vie en bouteille », promettait son premier slogan. Les vampires avaient mordu à l’hameçon en masse.
Ou peut-être bien que le seul homme que j’aie jamais aimé me manquait. Je me sentais vide, trahie. Je souffrais encore plus que lorsque ma grand-mère était morte, plus que quand mes parents s’étaient noyés. J’étais très jeune lorsque j’avais perdu mes parents : je n’avais sans doute pas vraiment compris qu’ils étaient partis pour de bon, que je ne les reverrais jamais. Quand ma grand-mère était morte, quelques mois auparavant, j’avais au moins trouvé un peu de réconfort dans les rituels qui entourent la disparition d’un être cher, dans le Sud. Et puis, je savais qu’aucun d’eux ne m’avait volontairement abandonnée.
Tout en l’observant du coin de l’œil, je ne pouvais m’empêcher de me demander s’il lui arrivait de se sentir complètement nu, avec tous ses tatouages. Je me voyais mal lui poser la question. Chow ne semblait pas précisément le genre de personne à raconter les détails de sa vie privée : plutôt fermé, comme mec. Ce qui ne l’empêchait pourtant pas d’être en grande conversation avec Pam (dans un langage que je ne comprenais pas).
Nous avons déjà pensé à un moyen de te mettre en contact avec eux. Je ne parle pas seulement des gens que j’ai achetés pour qu’ils me révèlent ce qui s’est passé, mais de toutes les personnes qui sont, de près ou de loin, en contact avec Edgington. C’est risqué. On a déjà essayé de te neutraliser. Apparemment, pour l’heure, ceux qui retiennent Bill ne savent pas grand-chose sur toi. Mais, tôt ou tard, Bill parlera. Et si tu te trouves dans les parages à ce moment-là... cette fois, ils ne te rateront pas.
Il a mangé en silence, proprement, et il n’en a pas laissé une miette. Je me suis mise à faire la vaisselle. Ça sentait le café frais, le pain grillé et l’eau savonneuse. Un moment paisible, chaleureux, presque intime.
Après tout, ce n’était sans doute pas une si mauvaise idée de révéler à quelqu’un, qui semblait avoir mon bien-être et ma sécurité à cœur, l’identité de la personne avec laquelle je partais. Les premières impressions sont parfois trompeuses, et ça ne ferait pas de mal à Léonard de savoir que, le cas échéant, quelqu’un lui demanderait des comptes.
Mais j’ai sans doute cru qu’avec elle, ce serait différent. L’attirance entre les lycanthropes et les changelings est très forte. C’est ce qu’on appelle le magnétisme animal, j’imagine