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Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Chien-Brun en trois mots ? Authentique, extravagant, licencieux.
En un seul mot ? LIBRE.

Libre comme un cabot fou (gentiment corniaud sur les bords), comme un bâtard indomptable allant truffe au vent où son instinct le porte.
Libre comme un métis errant, peut-être moitié-indien (à moins que pas du tout ?), grand amateur de schnaps et de fessiers féminins.
Libre comme un sauvage qui ne possède rien si ce n'est le grand sac poubelle qu'il sort de sa poche en cas d'averse, la vieille peau d'ours sacrée offerte par son oncle Delmore, parfois quelques dollars froissés au fond de sa chaussette et bien vite dépensés en bières fraîches ou en article de pêche à la truite.

Sacré bonhomme que celui-là ! Apparu pour la première fois dans l'oeuvre immense de Jim Harrison en 1990, et retrouvé à cinq autres reprises jusqu'en 2013, il méritait bien cette grandiose intégrale !
Six novellas complètes (le format favori de Jim*), presque 600 pages aussi touffues que truculentes, des personnages récurrents et des connexions subtiles entre chacune des histoires : il n'en fallait pas moins pour reconstituer la chronologie des multiples aventures picaresques vécues par C.B et pour faire véritablement connaissance, en profondeur, avec ce personnage ô combien atypique, sans conteste l'un de mes préférés en littérature !
Sous ses airs de filou lubrique et nonchalant situé "aux antipodes de tout ce que la société juge acceptable", animé de pulsions et mû par un désir insatiable, voilà que se révèle au fil des pages un homme simple et vrai, épicurien à sa manière, infiniment plus sensible et complexe qu'il n'y paraît. Toujours partant pour la gaudriole, proche de défaillir à la moindre vision d'une cuisse dénudée, il n'en oublie pas pour autant ses amis - tous plus ou moins laissés-pour-compte, comme lui - et tout au long de ses pérégrinations dans la vaste péninsule Nord de ce Michigan si cher à Big Jim, il ne manquera jamais de rendre service à l'un ou à l'autre, avec une sincérité et une humilité désarmantes.
Évidemment les similitudes sont nombreuses et frappantes entre l'écrivain et son personnage fétiche : les deux me sont pareillement sympathiques, tant dans leurs excès que dans leur façon d'appréhender le monde.

Et que dire de cette nature âpre et sauvage, peuplée d'ours et d'oiseaux, de chiens et de coyotes, que Jim Harrison nous décrit comme personne ?
Comment résister à la furieuse envie de suivre Chien-Brun sur ses chemins de traverse, lui pour qui la vie ne vaut d'être vécue qu'au grand air, au bord d'un lac ou dans les profondeurs d'une forêt ("Quiconque a un peu de plomb dans la cervelle devrait se promener dans les bois glacés éclairés par la pleine lune. C'est en de telles occasions que j'ai appris presque tous les secrets de la vie que je connais") ?
Comment n'être pas tenté de se laisser porter en marge par les vents, à l'image de ce vagabond superbe en roue libre dans l'existence ("contrairement à la plupart d'entre nous, il n'entretenait pas l'illusion d'être au poste de commande") ?

Inutile d'en dire davantage : en un mot comme en cent je me suis régalé !
Voilà du pur Harrison comme je l'aime, voilà compilées six novellas de grande qualité qui se lisent comme autant de fables à la fois burlesques et tendres, délicieusement scabreuses mais bourrées d'humanité.
Une fois encore, pour reprendre les termes utilisés par Brice Matthieussent en conclusion de sa jolie préface, Jim Harrison s'impose en "merveilleux pourfendeur des idées reçues et défenseur de la vitalité essentielle de toutes les espèces, y compris l'humaine".

Tout ça pour dire que si je me trouve un jour confronté à la traditionnelle question "quel personnage de fiction aimeriez-vous rencontrer ?", je répondrai désormais sans la moindre hésitation : Chien-Brun, évidemment !

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* Novella : Roman habituellement court, où tous les événements sont reliés à un seul événement principal, laissant des périodes de repos au lecteur et dont la chute est normalement lente.
Dans sa préface, Brice Matthieussent parle d'un texte de "longueur moyenne, à mi-chemin entre la brève densité de la nouvelle et l'ampleur parfois torrentielle du roman harissonien", d'une "course de demi-fond, ni sprint ni marathon" et d'une "forme littéraire non pas inventée par J.H mais réactivée par lui, dont il est devenu le champion incontesté aux Etats-Unis".
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Cette intégrale aura été attendue, espérée, rêvée, presque fantasmée. Parue pourtant en 2013 aux Etats-Unis, elle jouait l'arlésienne dans sa version française. La voici enfin, la joie n'en est que plus grande.

Présentation de la bête : Chien Brun – appelé aussi CB - est un type du Michigan né de l'imagination foisonnante de Jim HARRSION en 1990. Il semble qu'à époque l'auteur n'envisage pas de lui donner vie au-delà de la première aventure. D'ailleurs, il utilise la première personne, fait raconter par Chien Bun, style qui ne sera ensuite plus du tout adopté, hormis pour un chapitre de la deuxième aventure.

Des aventures de Chien Brun, Jim HARRISON en a écrit six, toutes sous formes de novelas, c'est-à-dire le point médian entre nouvelle et roman. Ces histoires sont disséminées dans six recueils, seuls les recueils « Légendes d'automne » et « Nageur de rivière » n'incorporent aucune aventure de Chien Brun.

Chien Brun est de ces personnages auxquels on s'attache immédiatement : bon vivant, rebelle par principe, un peu anar, un peu ivrogne, mais surtout d'une tendresse infinie, d'une entièreté immense. S'il est amoureux des femmes, ce n'est pas par machisme mais bien parce qu'il se sent bien avec elle, qu'elles l'éloignent d'un monde viril et sentant les testostérones. Chien Brun est un hyper-sensible, un hyper-émotif, détestant la violence, l'injustice, et vivant sa vie de manière dégagée, marginale, d'apparence insouciante, se contentant d'aimer la bonne bouffe et les tenues des femmes qui le font grimper aux rideaux. Pourtant, les envolées féministes sont nombreuses dans ces pages.

Je dois me contenir, ne rien dévoiler, ne pas faire le portrait robot de ce diable de Chien Brun, car j'en tartinerais des pages, des chapitres, Chien Brun étant l'un de mes personnages fictifs préférés, par sa présence et son attachement et malgré (ou grâce à ?) ses débordements, ses regards appuyés sur les fesses, les poitrines, qui en font une imperfection flagrante mais revendiquée.

Chien Brun est le double fantasmé de Jim HARRISON, peut-être celui qu'il aurait aimé être, qu'il a d'ailleurs été en partie. Je ne dévoilerai rien ici de l'histoire, sauf que pas mal d'aventures, de rebondissements hilarants, surviennent à notre anti-héros à une cadence infernale, peut-être mi-indien, mais peut-être pas (il n'a pas connu ses parents et ne sait pas grand-chose de son passé), car en plus de ne pas être très éclairé sur ses ancêtres, Chien Brun aime mentir, exagérer la réalité, ou simplement lancer une rumeur. Il est un être qui s'est construit de manière boiteuse, instable.

Au début de ses aventures, Chien Brun a 42 ans, il les termine à 52 ans environ. Amoureux éperdu d'une Gretchen représentant pour lui la femme idéale, mais lesbienne, il ne va cesser de la désirer, peut-être d'ailleurs plus « philosophiquement » tellement il la tient en haute estime. Parallèlement il tente de lire, ouvre régulièrement « Cent ans de solitude » de Gabriel GARCÍA MÁRQUEZ tout au long de ses péripéties. L'histoire ne dit pas s'il le finit un jour…

Chien Brun possède un permis de conduire comme unique document d'identité. Ni passeport ni numéro de sécurité sociale, c'est un marginal, pas par conviction, mais par besoin de la simplicité, ce besoin de se tenir éloigné des instances étatiques, de la bureaucratie, qu'il ne comprend pas. Car Chien Brun n'est pas très instruit, il vit plutôt en être instinctif, impulsif, au feeling, provoquant sans le chercher des bagarres mémorables, dans les bars notamment. Il est entouré de maîtresses ponctuelles, celles avec qui il couche mais sans vouloir les posséder, plutôt d'un commun accord, empli d'amour sans lendemain.

Pas mal de personnages un poil cinglés apparaissent dans ces six histoires, tous représentant une frange des Etats-Unis. Ils peuvent être attachants, répugnants, mais toujours excentriques. Ils font partie de cette recette jouissive des aventures de Chien Brun, jubilatoires autant que tendres, où le personnage principal est une sorte de philosophe qui s'ignore.

Les aventures commencent alors qu'il pille une épave au fond du lac Supérieur et y extrait le cadavre d'un vieux chef indien qu'il va transporter à bord d'un fourgon frigorifique volé qu'il a repeint. Tout s'emballe ensuite à un rythme effréné. Car sans doute jamais HARRISON n'a fait autant bouillir la marmite à idées que dans cette saga. Son inventivité est totale, il ne cesse de trouver une nouvelle anecdote, une nouvelle situation grotesque, idiote, jouant de bons mots, débordant de créativité. On se marre franchement (parfois avec une certaine culpabilité).

Chien Brun, cet être improbable ayant par exemple gagné un concours de mangeur de tarte sans les mains alors qu'il n'avait que 13 ans, déclame subitement que « cheval qui chie ne chie pas longtemps », ce chien Brun est une réussite quasi inespérée, il EST ce type que l'on a toujours désiré rencontrer pour rire avec, trinquer jusqu'au bout de la nuit, mais aussi pour se confier ou pour l'épauler lorsqu'il est pris d'un accès mélancolique. Il est ce frangin virtuel qui nous fait nous sentir mieux.

Jim HARRISON crée chien Brun en 1990. Il lui donne vie jusqu'en 2013 (il décède en 2016). Il me paraît évident que si le père Jim avait vécu plus longtemps, il l'aurait fait aux côtés de son comparse Chien Brun. Ironie du calendrier, coïncidence sordide : la toute dernière aventure de Chien Brun est publiée en France alors que son géniteur vient tout juste de s'éteindre. En France, on peut dire que Chien Brun a survécu à son créateur, ce qui aurait fait marrer l'auteur. Ce recueil qui est pourtant une suite logique, faisant de ces six historiettes une seule, bien en place et cohérente, est une grande émotion à tous points de vue. Il permet de lire à la suite les aventures de ce héros décalé, dans la même traduction que les premières publications, celle de Brice MATTHIEUSSENT, traducteur historique de Jim HARRISON, et ici préfacier tendre, respectueux et redevable.

Cette intégrale vient de paraître, elle est sans conteste l'un des événements majeurs de cette année 2022. Il y aurait tant à dire sur ce livre de 600 pages grand format. Mais Chien Brun ne se raconte pas, il se lit, il se vit, aussi je préfère m'éclipser et laisser le dernier mot à celui qui durant 23 ans a accompagné Jim HARRISON : « Je suis né pour ne pas coopérer avec le monde ».

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Ce jugement est 100 % subjectif mais Chien Brun c'est le chef d'oeuvre du grand Jim. Attachant, surprenant, original, J'ai eu un coup de coeur pour cet indien, amateur de loufoqueries, de grands espaces, de jolies filles, observateur critique mais jamais méprisant. Je n'ai pas pu laisser le livre un jour seul. Les frères Coen, s'ils n'ont pas copié le personnage de Jeff Lebowski sur Chien Brun, lui ont fabriqué un jumeau. Quant au style, c'est absolument jouissif, Jim Harrison soupoudre les éléments de son intrigue, et on comprend plutôt tardivement ce qui se passe. Dans l'une des histoires Chien Brun passe des journées à rechercher la peau d'un ours que lui a volé un camarade pour la revendre. Il traverse Los Angeles, candide, en fin observateur de la folie de son époque. Foncez si vous aimez voir un amérindiens obsédé par le sexe déguster la contemplation de notre monde !
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« Signale à droite, Clyde !" Clint Eastwood, dans : Doux, Dur et Dingue


Il y a CB (Chien Brun) : ceux qui ne savent pas, croient qu'il a du sang d'indien, les autres, se moquent de savoir ce qu'il y a dans ses veines. Il aime bien se promener dans ‘'les bois glacés éclairés par la pleine lune'', 'barboter au fond du lac en regardant autour de soi''.
Parfois (enfin, assez souvent, en vrai) avec ses copains, ils s'assoient autour de quelques canettes de bières. Il aime bien les ‘'filles'' aussi.
Il se laisse à inventer des histoires vraies ou fausses.
Pas de toit, pas de numéro de Sécurité sociale. C B ne possède qu'une vieille camionnette et beaucoup d'humanité.
Il y a aussi Shelley, sa petite amie, chargée de sa liberté conditionnelle et sa cousine (bizarre mais vous finirez bien par savoir pourquoi et comment). En réalité, elle cache son jeu, elle fait partie d'un groupe des ‘'têtes chercheuses'' qui voudrait bien que CB lui dévoile l'endroit où se cache un vieux tumulus indien chippewa et devenir une ethnologue célèbre.
Il y a aussi son grand-père qu'il aime bien, qui est mort mais lui donne toujours de bon conseils : « quand on s'attarde trop sur la voie de chemin de fer, un train vous écrase forcément un jour ou l'autre, disait souvent grand père ».
D'autre personnages aussi : qui viennent de Chicago.
L'aventure commence quand CB trouve au fond du Lac Supérieur, un grand sachem aux cheveux longs, mort.
Il finit par l'enterrer !
Il y a du ‘'souffle cosmique'', des pulsions sexuelles, le gout de la liberté sans culpabilité, les joies de l'indécence, de l'hilarité.
Il y a des personnages drôles et pathétiques, proches, sans psychologie de cuisine.
Formules percutantes, situations loufoques, sensations et idées abstraites dans un même paragraphe.
Bien sûr, ceux qui préfèrent les discours technocrates, ceux que les discours aseptisés rassurent, n'apprécieront peut-être pas, ni ceux qui ne connaissent pas la position du mort flottant.
Dommage, car c'est de la grande littérature, de la très grande.


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Un livre incontournable que ce best of des aventures de l'inspecteur Chien Brun.L'ecrityrede Jim Harrison est fluide et bien adaptée aux romans policiers qu'il nous offre Jamais je ne me suis ennuye car les aventures de cet inspecteur se lisent plaisamment et rapidement. Un tres bon page turner a decouvrir.
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Quel plaisir de retrouver le meilleur protagoniste du grand et regretté Jim Harrison en un seul livre. L'histoire d'un homme asocial qui était sortit sur 6 essais au total . Un grand merci aux éditions flammarion d'avoir sorti cet intégrale.
A lire absoluement pour tout les amoureux de la nature, de la vie au grand air et de tout ceux qui aiment les histoires de personnages vivant hors la société
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S'il fallait caractériser Chien Brun en un mot, ce serait "libre"
Libre d'aller où il veut
Libre d'être en communion avec la nature, d'errer en forêt, d'y dormir avec juste la protection d'un sac poubelle
Libre d'habiter temporairement des refuges inoccupés
Ivre de grands espaces, de rivières, de pêche à la truite et de cieux étoilés.
Enfin, libre, mais pas trop tout de même car sacrément tenaillé par sa libido et son goût pour l'alcool.
6 histoires qui nous ouvrent les yeux sur l'essentiel et, c'est clair, pour Chien Brun, l'argent n'en fait pas partie.
On le sent, il y a beaucoup de l'auteur dans ce personnage. Quant au livre, c'est une bouffée de fraîcheur qui nous donne envie de nous allonger en forêt, regarder le ciel et écouter couler la rivière,... bref, de vivre!
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