Citations sur Chien Brun (14)
Au plus profond des feuillages proches du bosquet de bambous, il se demanda si sa propre existence recelait le moindre secret ou si on lisait en lui à livre ouvert comme dans un vieux bouquin de poche tout fripé. Ce doute lui passa rapidement lorsqu'il remarqua que les carpes orange nageaient invariablement dans le sens inverse des aiguilles d'une montre au milieu de leur miniature bassin ombragé. Sans conteste, ces carpes étaient plus intéressantes à observer que les divagations nombriliques d'un type en proie au doute métaphysique. Comme nous tous, C.B. ignorait les tenants et les aboutissants de l'existence. Soudain, la carpe de tête exécuta un demi-tour fort gracieux et entraîna ses congénères dans le sens des aiguilles d'une montre. Là se trouvait sans doute l'une des réponses aux millions de questions que la vie ne posait pas.
Quand j'y pense, la meilleure chose ici, dans ce chalet entouré par la neige, c'est qu'il ne se passe rien. [...] J'ai ce sentiment très personnel qu'il n'est pas censé se passer sans arrêt quelque chose. En tout cas, je ne suis pas fait pour ça. Il devrait y avoir davantage d'espaces ouverts entre les événements. Voilà pour ma pensée lumineuse du jour.
[ à propos des travaux entrepris par le narrateur pour rédiger ses mémoires ]
[...] on ne peut pas frapper comme ça à la porte de son passé, lui tapoter l'épaule et lui commander de se mettre à table. Il a toutes les raisons du monde pour prendre la tangente et refuser de cracher le morceau, lequel chez la plupart d'entre nous se résume à un gros paquet de merde.
Delmore avait beaucoup d'argent, mais comme la plupart des vieux il se faisait un sang d'encre pour son fric. « Pendant la grande Dépression, je pouvais même pas me payer le trou d'un doughnut », disait-il volontiers.
Voilà deux ans qu'il voulait entrer dans une bibliothèque publique et chercher le mot «eau» dans une encyclopédie, mais il doutait que les informations qu'il découvrirait alors incluraient les mystères de l'eau qu'il estimait au plus haut point. Parfois, la vie vous flanquait un coup de pied au cul d'une violence incroyable et il suffisait de passer une journée à pêcher dans un torrent ou une rivière pour oublier ce coup de pied au cul.
Qui dort souvent à la belle étoile sait que ce sommeil est sans commune mesure avec le coma d'animal en hibernation que tant d'humains semble exiger de la nuit.
J'ai passé un vendredi maussade et venteux dans les bois, j'ai bien failli tout laisser en plan, mais à quoi bon tourner en rond au chalet...J'ai fait un grand feu à cause des nuages bas qui filaient très vite vers le sud-est en absorbant presque toute la lumière du jour. J'ai essayé de chanter en travaillant, mais je ne connais aucune chanson en entier, seulement des passages.
Pour finir, Shelley alla consulter psychiatres, thérapeutes et psychologues, et s’initia à leurs méthodes. Voici comment l’on différencie ces trois professions : les premiers ont le droit de vous prescrire des médicaments (qui coûtent la peau des fesses) ; les deuxièmes remontent très loin dans votre passé ; et les troisièmes vous refilent des tuyaux crevés pour vous permettre de tenir le coup jusqu’à la séance suivante. En tout cas, je résume volontiers leurs activités à cela.
« Tout ce mysticisme, je l’avoue, me laissa bouche bée, du moins sur le moment. Il nous fallut rester assis là, dans le silence absolu, pendant une demi-heure, exactement comme à la chasse au chevreuil quand personne ne pipe mot durant une éternité. Tout cela me plaisait bien, car depuis mon enfance je rêvais de me métamorphoser en ours, en faucon aux serres acérées, voire en putois. »
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« C’était un récit des indiens de l’ouest qui expliquait notre arrivée sur terre. Chaque fois qu’un homme baisait, pensaient-ils, il perdait ensuite tout son sang parce que les femmes avaient des dents acérées dans leur chatte. Alors un coyote arriva et arracha les dents du vagin des femmes, si bien que les hommes purent baiser sans mourir, et fonder ainsi la race humaine. Voilà pourquoi l’on considère le coyote comme sacré. »
Lorsque Gretchen se retourna sur le trottoir et vit Chien Brun embrasser la main de Belinda, elle n'eut pas la moindre envie d'acquérir les droits cinématographiques de l'escapade imminente, en oubliant que quatre-vingt-dix-neuf pour cent des gens qui font l'amour sur terre ne sont pas d'une beauté à couper le souffle, et que, si nous devons nous fier à Hollywood, les accouplements d'extraterrestres sont encore moins affriolants.