Qu'étaient donc censés faire les retraités toute la sainte journée ? lire et boire ? s'inscrire aux Alcooliques Anonymes ? apprendre à cuisiner ? - p 145 - C'est ce que demande Sunderson, frais retraité de la police.
Bon, heureusement il y a la bouteille qu'il aime tutoyer, la bouffe bien carnée et bien grasse dont il se goinfre avec délectation, les femmes qu'il adore reluquer, en obsédé du cul qu'il est, et puis surtout la pêche à la truite, son occupation favorite, mais l'ouverture de la saison n'est que dans six mois.
D'ici là, eh bien d'ici là il va chasser le gourou, un représentant de la trilogie : argent, sexe et religion, un "
Grand Maître" dirigeant d'une des nombreuses sectes qui fleurissent dans cette Amérique malade de ses contradictions et de son excès de puritanisme.
Mais ne vous méprenez pas. Il ne s'agit pas ici d'un roman policier classique avec enquête et résolution d'une affaire criminelle.
Non, cette chasse sert de prétexte à une sombre méditation du héros sur l'état débilitant de l'Amérique. Sunderson, tout en enquêtant de façon décousue sur les activités peu reluisantes du
Grand Maître, qui se rebaptise pompeusement "le roi David", se livre au gré de ses déplacements aux divagations d'un homme qui se sait devenir hors course et jette un regard désemparé sur son environnement.
"Je suis un homme minuscule parmi les herbes hautes" dit le héros conscient de sa faiblesse, vivant dans le regret de son mariage rompu et qui n'a que la nature pour se ressourcer, au cours de ses longues promenades, tant dans les paysages enneigés du nord, au bord du lac Supérieur, que dans les grands espaces déserts de l'Arizona.
Il fait le constat désenchanté d'une Amérique sans repères, sans morale, pourrie, utilisant la religion comme moyen de se faire plein de fric. Quant à lui, vivant en partie pour et par les livres, il ressasse la tare originelle de son pays qui est d'avoir exterminé les amérindiens, acte qui constitue le "squelette monstrueux enfermé dans le placard de l'Amérique".
Tout cela est fort intéressant, quoique bien déprimant, si ce n'était que la lubricité exaspérante du héros a fini par réduire singulièrement l'intérêt que j'ai pu prendre à la lecture de cet ouvrage !