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Citations sur La recherche de l'authentique (5)

En mai dernier, je me suis surpris à déclarer, lors d’une interview en France, que nous devenions un Disneyland fasciste. Cela infuse notre fiction et notre poésie sous la forme d’un nouveau style victorien où une sincérité mièvre constitue la valeur suprême.
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Si un poète utilisa jamais toutes les facettes de son talent , ce fut bien Neruda .
Il eut une vie bien remplie , tant dans la sphère publique que privée .

Il est stupéfiant de lire ses Mémoires en essayant de reconstituer ses voyages intérieurs et dans le monde , depuis les dangers les plus effrayants jusqu'à la cérémonie de Stockholm , qui lui rappela bizarrement une remise de prix au lycée , et son " slam poétique " de Buenos Aires avec Federico Garcia Lorca , qui hérissera tous les poils de votre corps comme s'ils lançaient des éclairs infinitésimaux .
Ce soir là , les deux poètes se dressaient sur le troisième rail de la poésie .
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Quand j'y pense, le monde s'est emparé de moi sans crier gare - physiquement, mentalement, spirituellement. L'idée qu'au quotidien le New York Times et All Things Considered nous disent tout ce qui arrive dans le monde, mais négligent d'inclure comment nous devons supporter ce flot d'informations révèle une fracture qui ne prête pas vraiment à rire. Si je n'avais pas appris à me consoler grâce à des activités on ne peut plus banales - la cuisine, la forêt, le désert -, mes perceptions et mes vices m'auraient très vite conduit à la folie ou à la mort. En fait, c'est ce qui a bien failli arriver.


Il faut comprendre d'emblée que le travail du poète ( comme celui de l'analyste) parodie souvent ses meilleures intentions. Les lignes qui suivent sont résolument " créationnistes" plutôt qu'éclairées, supportant comme elles le font le fardeau d'un esprit qui crée et prospère grâce à une surcharge de perceptions plutôt que grâce à un supposé talent pour tirer des conclusions. Par exemple, le souvenir d'une gifle furieuse sur la paume de sa main :


Elle préparait du pain et j'avais huit ans. j'ai dit que ce n'était pas moi qui avait mangé les sept barres chocolatées du garde-manger, même si les emballages étaient sous mon lit, , et que ce n'était pas moi qui avais fait exploser les œufs de poule contre le mur du silo. Expédié dans ma chambre, je suis sorti par la fenêtre en me jurant bien de ne jamais revenir, puis j'ai retrouvé Lila. On s'est allongés sur le pont de bois pour essayer de compter les poissons, mais ils bougeaient sans arrêt dans l'eau verte. Ma joue me brûlait là où ma mère m'avait giflé. Je me suis assis et j'ai regardé l'arrière du genou de Lila. Elle a dit "trente-trois" quand j'ai regardé sous l'ourlet de sa jupe bleue, là où sa petite culotte était coincée dans la raie des fesses. Lila se fichait que je sois borgne, car son père était mort à la guerre et peut-être qu'il avait pris une balle pile dans l’œil, me disait-elle. La fille qui m'avait crevé l’œil avait déménagé. Je suis rentré par la fenêtre juste avant d'être appelé pour dîner, une poche pleine de violettes destinées à ma mère, qui m'a demandé comment j'avais fait pour les cueillir dans ma chambre.


Autrement dit, quelle pagaille, mais il y a une dizaine d'années je ne me rappelais pas "tout", et mes nœuds mémoriels étaient d'infimes mines antipersonnel qui explosaient au moindre contact ou, plus exactement, à chaque rencontre, car ces menues déflagrations étaient souvent accidentelles et provoquaient toutes sortes de dégâts intimes.

C'est seulement peu à peu que j'ai compris que nos blessures sont beaucoup moins originales que nos guérisons. Il existe une grande similitude de nature dans le spectre des angoisses qui se manifestent et grandissent en nous et qui nous pousse à chercher de l'aide, que ce soit celle d'un analyste, d'un gourou, d'un roshi, d'un chaman, d'un pasteur, même d'un barman, ces experts en atténuation des symptômes. Dans la campagne septentrionale de ma jeunesse, la souffrance mentale était implicitement tautologique - omniprésente et passée sous silence -, un épreuve à supporter avec une virilité tranquille, l'un de ces aléas de la vie qui permettent de tester la force mythique des gens de la campagne ( voir Wisconsin Death Trip de Michel Lesy )


Le fond de l'affaire, comme on dit aujourd'hui, c'est que nous ne nous sentons plus à l'aise ni dans notre peau ni en dehors. il y a mille manières de déguiser cette évidence. Elle nourrit presque toute la littérature et l'art du modernisme et du post-modernisme, sans parler de ce verbiage incessant des manuels de bien-être et des rubriques des journaux. Rilke, ce grand maître du nomadisme ( il déménagea des centaines de fois ), a dit :


Chaque lente rotation de ce monde entraîne ses enfants déshérités

à qui ni ce qui a été, ni ce qui vient n'appartient.


L'aliénation, si omniprésente qu'elle en devient banale, infuse nos nuits et nos jours, nos glandes hyperactives productrices d'adrénaline hébétées de fatigue. Où, et comment puis-je me sentir chez moi ?...
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C'était l'une de ces journées de galère. Nous avons remonté en bateau l'estuaire d'un grand lac sur une petite dizaine de kilomètres, mais la pêche était si mauvaise que nous somme allés à terre, avant de gravir une haute crête délicieusement sauvage. Le problème, c'est que depuis cette crête nous avons vu une énorme ligne de nuages très noirs arriver de l'ouest avec la pluie. Et lorsque nous somme retournés au bateau, Uncas a dit : "On a même les couilles trempées."

Les sandwichs aussi - capicola, provolone, mortadelle - étaient trempés, mais les deux bouteilles de côtes-du-rhône n'avaient pas souffert. Debout sous un arbre, nous les avons vidées toutes les deux avant de retourner vers le bateau échoué sur la rive, dans un vent violent et par une température qui avait brusquement chuté de 21 à 4°C



Il est lassant d'entendre rabâcher que peu importe de rentrer bredouille, c'est l'expérience qui compte. Bon, d'accord, l'expérience compte et nous jouissons spirituellement de ce contact intime avec la terre, mais c'est quand même vachement mieux d'attraper de la poiscaille que de ne rien rapporter du tout. On ne peut pas faire frire une rêverie, et comme mes grands-parents, mon père et mes oncles avant moi j'adore faire frire du poisson dans un chalet. Je pense même que parfois on atteint une palette d'émotions que l'on partage intimement avec nos ancêtres encore plus éloignés.



J'ai sans doute remis à l'eau quatre-vingt-dix-neuf pour cent des poissons que j'ai attrapés dans ma vie d'adulte. Je ne dis pas "remis à l'eau sans avoir souffert", car la lutte d'un être vivant pour ne pas mourir le fait inévitablement souffrir. Sur ce sujet, nous devrions éviter de nous prendre pour des parangons de vertu. Car l'affaire est entendue : pour la survie de l'espèce, la torture est moins nocive que le meurtre. Un vieil adage veut que le prédateur ménage sa proie. "Attraper et relâcher" est raisonnable, un adjectif qu'il ne faut pas confondre avec vertueux. "Je t'ai salement dérouillé, mais je t'ai pas tué ", voilà une formule que le poisson ne comprend pas pleinement. C'est un sport sanglant : si vous tenez à faire un sport politiquement correct, et bien, remettez-vous au golf. Le fait de déguster parfois quelques truites sauvages vous rappellera utilement que ce ne sont pas des jouets mis dans la rivière pour vous permettre d'utiliser votre luxueux équipement
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Nous avons enfin une maison où vivre et j’ai survécu à ma crise tout à fait banale grâce à la pêche à la truite. La seule fois de ma vie où cette panacée n’a pas marché, ç’a été au début de nos vacances de l’automne passé, le 11 septembre pour être exact, quand je me suis réveillé paniqué par le ton de la voix de mon épouse. Elle m’a montré l’écran de télévision et je l’ai regardé pendant une heure avant de me dire que je n’avais pas besoin de voir plus de cent fois ces avions percutant les Twin Towers. Une seule fois durerait toujours. Je suis allé pêcher malgré tout avec une boule dans la gorge qui ne m’a pas lâché de la journée. En fin d’après-midi, je n’ai vraiment eu aucune envie de retourner dans le monde réel.
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