Mexique, années 2000: nous sommes à Ciudad Juarez, la soeur siamoise d'El Paso, «la ville qui tue les femmes» et l'épicentre de la guerre des cartels de narcotrafiquants.
Dans
Les disparues de Juarez,
Sam Hawken construit une intrigue pour évoquer cette zone frontière où les féminicides sont légions depuis 1993 et servir la cause de ces femmes assassinées et oubliées.
J'avoue que j'ai regardé longtemps sa première de couverture avant de le commencer car ce sujet rencontré dans une de mes précédentes lectures, 2666 de Roberto Bolaño me faisait un peu peur. Au final une appréhension non méritée car ce roman noir très réaliste éclaire davantage les faits que les actes, les assassinats et leurs barbaries rappelant que pour beaucoup de victimes la justice n'a pas été rendue.
Mais revenons en à la fiction. Kelly Courter, un gringo texan, vivote depuis déjà quatre ans dans cette ville vénéneuse entre combats de boxe illicites et petit trafic de drogue. Une seule lueur d'espoir dans ce terrain miné, l'amour porté à Paloma, la soeur de son pote Esteban (son compagnon de business), une jeune femme qui se bat contre l'injustice, soit le silence des institutions sur
les disparues de Juarez. Hélas ce bonheur partagé va être de courte durée et s'écrouler lorsque la disparition de Paloma va se révéler être une réalité et non un cauchemar. L'occasion de pénétrer dans les arcanes des différents pouvoirs où la corruption règne.
De fil en aiguille à travers le quotidien, le vécu de petites gens et d' incessants va et vient entre les maqualidoras, usines sous-traitantes frontalières et les colonias, bidonvilles, tout un univers et une ambiance prennent vie sous les yeux du lecteur dans la chaleur étouffante des journées qui défilent et le froid glacial des dangereuses nuits de Juarez.
Au final une lecture documentée agréable grâce aux nombreux dialogues et l'écriture sobre de l'auteur qui nous fait ressentir l'inhumanité de ces drames, le machisme d'une partie de la société patriarcale mexicaine véhiculé par des hors la loi ayant pignon sur rue, et surtout évaluer la douleur des proches face à ces disparitions.
Né au Texas en 1970,
Sam Hawken, historien de formation, dénonce dans ce premier roman cette série d' assassinats de femmes, le plus souvent ouvrières dans des maquiladoras et dont les corps suppliciés ont pour la plus part été retrouvés dans le désert de l'État de Chihuaha et plus récemment dans des fosses clandestines, les narcofosses.
En conclusion, je laisse la parole à
Elena Poniatowska pour mieux appréhender le contexte de ces féminicides qui s'exprime ainsi: «A la frontière entre le Mexique et les Etats-Unis il y a peu de blessures qui cicatrisent ; au contraire, la plupart s'infectent et contaminent l'organisme. Là, dans ces zones de contagion, on voit bouillir à la plus haute température pouvoir politique, trafic de drogue, violence et avidité. C'est une zone gangrenée ».
Sur le sujet deux films, celui de Gregory Nava, cinéaste militant, Les oubliées de Juarez et le documentaire de Lourdes Portillo, Señorita extraviada.