En vérité, je n’aime pas vraiment le café noir, mais c’est toujours ce qu’il y a de moins cher dans un bar, alors c’est devenu une habitude.
Il y a longtemps qu’on ne m’a pas regardée avec l’air de s’inquiéter pour ma personne, et ça me paraît presque plus séduisant que les belles fringues, la belle voiture et l’ossature parfaite.
Une voiture de ce modèle vaut plus que ce que gagnent la plupart des gens en une année entière. Il me faudrait travailler une éternité au café pour disposer ne serait-ce que de l’acompte, et me voilà dans la panade, tout ça parce que je reluquais la maison de ce type, plantée au milieu de la rue.
Ici, l’herbe est verte en toute saison, et chaque maison a ses pots de fleurs ou ses jardinières aux fenêtres, ainsi que d’énormes parterres de fleurs colorées. Les volets sont jaune vif, bleu marine, rouge profond, vert émeraude. S’il y a du gris, il est doux et élégant : gris tourterelle, comme dit Mme Reed. Les villas du quartier bourdonnent d’activité : les toiletteurs, les nettoyeurs de moquette, les techniciennes de surface vont et viennent dans les allées, même par une journée pluvieuse comme aujourd’hui.
Les galas de charité, c’est un truc important, dans le quartier, j’ai remarqué ça, même si je n’arrive jamais à deviner pour quelle cause ils récoltent des dons, en fait. Les invitations, que je vois au bout des tables ou aimantées aux portes des réfrigérateurs sous un magnet, sont toutes rédigées dans un style pompeux. Les enfants, les femmes battues, les sans-abri, les défavorisés – autant d’euphémismes qui désignent une seule et même chose : les pauvres.