Mon bouquiniste, un authentique siphonné de la collection Gallmeister, m'a conseillé ce livre. La couverture m'a excité des yeux, ses deux femmes qui se baladent main dans la main
dans la forêt, ça prend sec, l'expression de contentement vissée sur ma citrouille, oui, je me réjouis délicieusement car le trouble est jeté, va y avoir des évènements sublimes, ça va gouinasser sous les frondaisons. Les histoires de goudou, moi ça me plaît énormément, je mords dedans avec serviabilité. Vous aussi hein, avouez. Je superpose mes marottes extravagantes et me vautre dans le stupre lesbien.
Alors autant vous dire que j'ai vite fait la grimace, enfarinée dans mes espérances, quand j'ai compris qu'il s'agissait de deux soeurs ado. Car les récits d'ado, c'est sympathique mais l'indocilité vacharde face aux géniteurs quand ça fait pas le mur pour se murger et faire la ronde autour du feu, j'y vois pas d'inconvénient mais tu parles si ça me cueille.
Je me serais bien absentée la première moitié du livre. Je me suis laissée distancer par ce style pas mauvais mais plutôt adroit pour une jeunesse. Hegland a une certaine agilité à poser des mots sur l'exploration sexuelle d'une adolescente, de la découverte des papillons entre ses jambes. C'est chou, tout doux. Pas ma tasse de thé mais, bon, ça c'est une affaire de goût personnel, je suis plutôt lubrique, le stupre lesbien, on l'aura compris.
J'ai tout particulièrement calé sur le personnage d'Eli à la constitution très friable. Ses extérieurs de décontraction, du ténébreux insaisissable qui fait soufflette dans son harmonica m'ont couru sur le haricot.
Dès le départ, on sent le godelureau voûté dans sa crédibilité de perturbateur, la volonté de l'autrice se devine avec une aisance trop équivoque. Son égoïsme affiché le rend inconsistant, son engagement sonne creux, bref l'affaire semble invraisemblable. Si l'écrivaine pensait nous empapaouter avec cette idylle à la manque, fallait-il qu'elle prenne le lecteur pour une cloche. Même le plus naïf d'entre nous voit la chose venir.
Je souffle quand ce bouffon de service fout le camp, je me déride, mes régurgitations se stabilisent, inutile de les ravaler, et me voilà enfin réconfortée dans ma lecture comme par une gamelle de patates rissolées après un régime de soupe aux choux. Alors la saignée des deux soeurs redouble, elles trinquent hardos, kermesse rance où il s'agit de survivre dans une nature implacable. C'est rigoureusement déprimant, mes envies de futur béat sont curetées avec énergie mais j'agrée avec plaisir, ça me colmate mes envies d'aller prendre des bains et de tirer 3 fois la chasse quand je fais la grosse commission.
J'ai goûté avec une indolence pas désagréable le destin de Nell, cette baroudeuse pugnace qui se donne du souci pour sauver la baraque munie d'un attirail dérisoire et de connaissances limitées. En vérité, elle se saisit de son destin avec tant de mérite, doublant ses craintes et son découragement qu'elle m'a épinglée à ses basques, le compagnonnage sous les talons, pianotant dans mon cerveau de pas douée une certaine sympathie.
Elle m'a même mis un peu minable, la petite druidesse démerdarde, moi qui ne sais pas faire la différence entre un chou rave et un navet et dont l'objectif de vie est de se planquer sous la couette pour regarder un film navrant. Alors, ma foi, je chipote un peu par vengeance facile mais le bouquin se lit bien.