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sur 5289 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Enfin ! Enfin un roman réaliste et saisissant sur la fin de notre civilisation de consommation où l'essence, l'électricité viennent à manquer… Enfin un roman ne nous proposant pas une fin du monde suite à une invasion extra-terrestre, une infection, une attaque de mutants, une météorite (ou que sais-je encore) le tout dans une époque lointaine et futuriste où le personnage central aurait pour mission de sauver le monde. Bref, une fin du monde souvent décrite comme un aléa venant de l'extérieur où l'homme serait une victime et non un acteur. Non, rien de tout cela. Un roman simple, reprenant le vécu de Nell à travers son journal. Cela parle immédiatement au lecteur qui peut de suite s'identifier à cette jeune fille et sa soeur qui au départ restent dans l'expectative en espérant un retour à la « normale » puis qui prennent leur destin en main lorsqu'elles comprennent que ce qu'elles ont connu est du passé et qu'une nouvelle ère plus proche de la nature, moins dépendante de tout ce qui est matériel s'ouvre devant elles.


Un roman magnifique qui au départ peu dérouter par sa simplicité. Effectivement, les raisons du changement sont évoquées brièvement, aucune information n'est donnée au lecteur qui se retrouve plongé dans une sorte de huis clos au milieu d'une forêt avec deux jeunes filles loin de tout, attendant et vivotant. le lecteur a envie d'en savoir plus sur les raisons, les conséquences d'un point de vue terrestre mais les seules informations sont celles que donne Nell. Très rapidement, le lecteur comprend justement que dans une situation identique, le commun des mortels serait dans la même situation ; à savoir peu informé, dépendant des rumeurs, des on-dit qui courent et se préoccupant surtout de survivre en attendant des jours meilleurs.


Un roman réaliste puisque l'auteur ne se permet pas d'édulcorer la situation et le récit ne tombe à aucun moment dans le pathos. Les deux jeunes filles se retrouvent livrées à elle-même sans mère, puis sans père. La société qu'elles ont connue se désagrège à vue d'oeil, l'homme devient égocentrique, cherchant à survivre au détriment des autres, et ce par le vol, le viol. Voir les espérances futiles (entrée à Harvard, devenir danseuse) de Nell et Eva petit à petit disparaître au profit d'une prise de conscience de la réalité et de problèmes essentiels (faim, soin, danger) et les voir réagir en faisant appel à leur instinct primal (inné) et non à leurs acquis scolaires est passionnant. Leur découverte que la forêt n'est pas seulement un lieu mais une source de richesse et pourvoyeuse de besoin est magnifiquement décrite dans ce livre.


Un roman écrit il y a plus de vingt ans et qui pourtant reste d'actualité, abordant des problématiques réalistes comme la fin des énergies fossiles, une société basée et dépendante de l'électricité, des machines, des ordinateurs où l'homme n'a qu'une place de consommateur. La perte de cet acquis permet à l'homme de se retrouver avec lui-même mais également de redécouvrir la nature qui l'entoure. Cela redonne sa véritable place à l'homme qui a tendance à se croire supérieur, invulnérable et autonome. Comme l'auteur le dit si bien dans son récit au travers d'un échange entre les deux soeurs, notre civilisation « électricité » n'existe que depuis à peine deux cents ans alors que l'homme, lui était là bien avant et sans en avoir besoin.


Comme le démontre l'histoire, des civilisations se sont créées et ont été détruites… pour permettre à l'homme à chaque fois de rebondir. Ce livre n'est pas seulement un roman « apocalyptique » mais un beau message d'espoir concernant l'homme et un retour à l'humilité de celui-ci. Un livre qui ne laissera pas indifférent dans tous les cas. 👍
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Sous des airs de science fiction, c'est plutôt une robinsonade que nous propose avec beaucoup de talent Jean Hegland. Certes, il n'y a pas la mer, mais l'environnement hostile et l'isolement total du reste des humains (s'il en reste) recrée les conditions d'une vie insulaire.

On sait que des événements graves se sont produits peu à peu, (épidémies ?, catastrophe économique, on en sait trop rien et ce n'est pas le sujet) , ruinant l'organisation, qui après coup apparaît bien précaire, de nos institutions. Fin de la distribution d'électricité, fin des communications, des sources d'énergies fossiles, fin de toute activité commerciale, Nell, Eva et leurs parents sont contraints de vivre en autarcie à l'orée d'une forêt. Quatre, trois puis deux, c'est bientôt seules qu'Eva et Nell vont gérer leur existence, pour assurer leur survie.

Frugalité, utilisation des moindres objets qu'avait amassés leur père (au cas où….), jardinage, les deux jeunes filles ne renoncent cependant pas à leurs rêves, la danse ou Harvard. Malgré les contrainte de plus en plus exigeantes, l'une étudie et l'autre s'exerce à la barre.

Le moindre objet récupéré devient une ressource, et c'est grâce à un carnet vierge que Nell utilise pour noter ses états d'âme et ses projets , autant que ses souvenirs que nous sommes conviés à partager son intimité.

C'est avec beaucoup de pudeur que l'auteur analyse la relation fusionnelle et sensuelle qui se construit entre les deux soeurs. le désir a ses exigences et s'accommode avec la réalité.

La qualité de la narration est excellente, le ton est juste, et permet une communion sans réserve avec les propos de la jeune narratrice.

Un petit bémol pour la fin (que je tais, bien sûr). Certes il n'est pas simple de se sortir de se genre de récit mais ici on sombre un peu trop dans la métaphore

Enfin, ce roman aux allures post-apocalyptique ne doit pas rebuter les anti-science-fiction. Les circonstances qui sont à l'origine de ce huis-clos tragique ne constituent qu'un prétexte, pour un magnifique récit, qui ne tombe pas dans le piège d'un message moralisateur, tout en pointant bien du doigt la précarité des artifices qui nous permettent aujourd'hui de profiter d'un environnement confortable sans effort.
Lien : http://kittylamouette.blogsp..
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C'est un bien curieux Noël que s'apprêtent à fêter Nell et Eva puisque aujourd'hui le monde a changé. Il n'y a plus d'électricité, plus de téléphone, plus une goutte d'essence. Aucun avion dans le ciel. Les écoles, les bibliothèques et les banques sont fermées. Et c'est à quelques dizaines de kilomètres de Redwood, à l'orée de la forêt, que les deux soeurs, orphelines depuis peu, tenteront de marquer le coup. Nell recevra un cahier, retrouvé par hasard derrière une commode. Pour Eva, ce sera sa paire de chaussons de danse que sa soeur lui aura réparée. Un Noël bien loin de ce qu'elles ont connu. Une vie bien loin de ce qu'elles se sont imaginées, la danse pour l'aînée, Harvard pour la benjamine. Aujourd'hui, il faut apprendre à survivre dans ce monde, se battre, s'adapter...

Dans ce récit post-apocalyptique, le monde n'est plus ce qu'il était. Ni eau, ni électricité, ni essence, réduisant toute activité commerciale et économique presque à néant. Les gens fuient vers un ailleurs, tentent de comprendre ce qui s'est passé. Épidémie ? Guerre? Attaque chimique ? Personne ne le sait. C'est dans ce contexte de désolation que tentent de survivre Eva et Nell, deux soeurs âgées respectivement de 18 et 17 ans. Apprenant à se servir du moindre objet, cultivant chaque parcelle de leur potager, minimisant les repas, économisant sur ce qu'il leur reste d'essentiel tel que la farine ou le sucre, inventant une nouvelle vie, elles survivent tant bien que mal dans cette maison, désormais seules, leurs parents étant décédés. Nell, la narratrice, rapporte jour après jour, son quotidien qu'elle note dans le cahier offert par sa soeur. le lecteur partage avec elle ses doutes, ses angoisses, ses espoirs. Deux soeurs pour lesquelles on éprouve compassion et attachement. Jean Hegland dépeint à merveille d'une part la relation entre les deux soeurs, quasi fusionnelles, et d'autre part, cette nature environnante, foisonnante et parfois hostile, cette forêt imposante, personnage à part entière de ce roman. Elle décrit avec moult détails le quotidien d'Eva et Nell, leur vie dans cette clairière. Ce huis-clos, paru il y a 20 ans aux États-Unis, fait preuve d'une originalité et d'une richesse incomparables, d'une narration vivante et vivifiante. Un temps suspendu troublant, sensuel et puissant...
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Nell et Eva s'apprêtent à célébrer noël, mais cette année la fête de la nativité a un gout amer. le premier noël sans les parents et surtout sans électricité.
Elles vivent dan la forêt depuis toujours. le désir de Nell était d'entrer à Harvard mais c'était avant le grand chamboulement.
Eva c'est la danse sa raison de vivre comme jadis sa mère, mais danser sans musique c'est comme peindre sans couleurs.
Une autre vie s'offre à elles, pas facile, cruelle, au rythme des saisons elles apprennent à survivre avec le petit espoir du retour de la fée électricité.
" Dans la forêt" de Jean Hegland est un petit bijou, ce roman écrit en 1996 n'a pas pris une ride.
" Dans la forêt" nous rappelle que l'espèce humaine est en équilibre instable, que la nature est plus forte, que nous ne pouvons lutter face à elle.
Nous, qui sommes habitués au confort , qui polluons, détruisons les ressources, la vie animale, ce roman a de quoi nous faire réfléchir. Nous entrons dans cette forêt inquiétante, l'odeur des mousses et champignons est omniprésente, les feuilles qui craquent sous les pas, le murmure d'un ruisseau qui trace son chemin, les séquoias, arbres majestueux et immortels....
Tout cela Nell et Eva vont le découvrir. Et pour finir je voulais parler de la tension psychologique palpable entre deux soeurs que tout sépare.
Un magnifique roman qui nous remet à notre place.
bonne lecture et n'oubliez pas d'éteindre la lumière en sortant.
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Me voilà de retour après quelques heures d'immertion totale auprès de Nell et Eva, dans la forêt, où le monde s'est quelque peu arrêté, loin de toute cette frénésie actuelle de la surconsommation.
Seules les étoiles viennent éclairer l'obscurité.
Seule la nature remplit les ventres.
Seuls l'amour et l'envie de vivre viennent envelopper nos douces héroïnes dans ce roman hyptonisant à souhait.
Dans la forêt, il y a de l'entraide, de l'amour, des peurs, des disputes, mais il y a surtout le vent de la vie.

« Pourquoi les hommes cherchent-ils à marcher sur l'eau quand il est possible de danser sur la terre ? »

Magnifique roman, bien écrit, bien traduit, bien construit. le roman débute dans la brume des souvenirs de la cohésion familiale où le pire est à craindre. La société s'effondre et emporte avec elle ces êtres au ciel en avance. Puis il y a l'après, la vie n'est pas un long fleuve tranquille, même en pleine forêt, dans une maison prête à s'effondrer elle aussi. Les deux soeurs vivront ces tumultes au gré des saisons, en autarcie. Les rêves les tiennent debout un moment, finissent par s'éteindre, la survie comme seul bagage.

Brillamment servi, Dans la forêt est un roman époustouflant sur fond apocalyptique, un portrait de deux soeurs tenaillées par la vie. Une force incroyable se dégage de ce roman. C'est certes un peu lent mais on se sent vite happé dans cet univers clos. Car les mots sont justes, les personnages sont là, on les voit, on les sent, on les devine.
Quel voyage mes amis!
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Essayons de nous orienter, d'accord ?
Nous nous rendons en Californie, plus précisément à Redwood City, située sur la péninsule de San Francisco.
Au loin, une forêt de séquoias, et au milieu coule une rivière (elle était facile, celle-là).
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C'est dans cette luxuriante forêt que se trouve, très à l'écart des plus proches voisins, la maison de la famille dont nous parle Jean Hegland.
L'époque, on n'en sait rien, hormis que c'est dans le futur.
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La mère, danseuse professionnelle qui a bien malgré elle transmis sa passion à sa fille aînée, Eva, succombe à un cancer. Quelque temps plus tard, le père qui ne s'est jamais remis de la disparition de sa femme, est victime d'un accident.
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Les deux gamines, sortant à peine de l'adolescence, se retrouvent seules et doivent apprendre à se débrouiller.
L'apocalypse a eu lieu, on n'en connaît pas la raison.
Tout a commencé par des coupures d'électricité, de temps en temps et de courte durée au début, puis de plus en plus fréquentes et plus longues.
Jusqu'à ce qu'il n'y ait plus d'électricité du tout.
Nul besoin de vous faire un dessin de toutes les répercussions qu'entraîne cette pénurie.
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Nell, 17 ans, soeur cadette d'Eva la danseuse, grande amoureuse de littérature, cherche des solutions dans les livres et encyclopédies.
C'est elle la narratrice du roman et tout nous est transmis par son journal, dans lequel elle rapporte tous les détails de son quotidien.
Il doit être grassouillet, le cahier...
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Ce qui m'a frappée dans ce roman, c'est la beauté de la plume.
Je ne vous cacherai pas que sans elle, j'aurais peut-être baissé les bras à un moment parce qu'il ne se passe pas grand-chose et l'abondance de détails m'a un peu ennuyée.
Juste un peu, parce que l'autrice a le don de nous embarquer pour aller plus loin et encore plus loin dans notre lecture.
Et d'une histoire lisse, elle arrive à nous immerger dans un merveilleux voyage, où les émotions se bousculent.
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Les liens entre les deux soeurs sont extrêmement forts. Bien sûr qu'elles sont différentes et se disputent, ne sont pas forcément d'accord sur tout.
Mais c'est le profond amour qu'elles éprouvent l'une pour l'autre qui domine, même quand elles ne se parlent pas.
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J'ai beaucoup aimé ce roman, inspiré de l'histoire de Lone woman, Amérindienne dernière survivante de sa tribu, les Nicoleño, qui vécut dans un isolement total sur l'île San Nicolas, dans les Channel Islands de l'actuelle Californie de 1835 jusqu'à sa découverte en 1853. (merci Wiki.)
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Je finirai ma bafouille en remerciant chaleureusement ma Sandrinette.
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Cela faisait un moment que j'avais envie de lire ce livre. Je ne vais pas parler d'un coup de coeur mais plutôt d'un coup au coeur. L'écriture est belle, intense et magnifique. L'histoire, elle, est terrifiante. Ce roman a été écrit il y a 21 ans et il faut regarder la vérité en face : cela pourrait très bien être la réalité de demain. Mieux vaut ne pas lire ce livre si on n'a pas le moral... quoi que de toute façon on l'aura perdu en le refermant.

Quelques passages m'ont vraiment perturbée pour ne citer qu'un exemple. Bref, impossible de ressortir indemne de cette lecture.

Quoi qu'il en soit, merci à Neneve de l'avoir choisi pour la pioche d'août.
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Un nouveau trésor que nous offre l'excellente maison d'édition Gallmeister après My Absolute darling, quel cadeau, merci !!!

Comment rendre l'Apocalypse intimiste, la faire vibrer d'une émotion ardente et laisser le lecteur pantelant de reconnaissance ?

1- Faire la part belle à l'imagination. Tout est suggéré dans ce roman d'une grande finesse. Pas de zombies, de combats, de surenchère d'action. A peine nous suggère-t-on que les Etats-Unis ( le monde peut-être ) est dévasté par une catastrophe politique non identifiée qui a plongé le pays dans le chaos, sans électricité, sans essence. le rythme du récit oscille entre lenteurs hypnotiques et accélérations emplies de suspense.

2- Recentrer l'action sur deux héroïnes adolescentes, deux soeurs qui depuis « que c'est arrivé », vivent celles, isolées en bordure d'une forêt, seul espace lieu qui traverse le récit de A à Z. Un roman du repli, de l'enfouissement, de la résistance. Ce qui est magnifique dans ce roman de la résistance, c'est la puissance émotionnelle qui se dégage de chaque victoire du quotidien, de chaque acceptation de la perte du monde d'antan. L'éveil vers une autre vie est possible uniquement à ce prix.


3- Insuffler de la poésie dans chaque page. La magie naît d'un rien, d'un sachet de thé décoloré, du souvenir d'une musique qui vous a fait dansé et que vous entendez toujours dans la tête, de l'évocation d'une belle chose du passé. Toutes les incursions de Nell et Eva dans la forêt sont d'une rare beauté. Cette forêt qui est toujours là, immuable, alors que la civilisation et la modernité disparaissent, cette nature qui nourrit, protège et sauve. La fin est bouleversante, là, la forêt prend toute sa place. L'écriture est puissante.

4- Faire confiance aux lecteurs. Jean Hegland nous livre une réflexion très subtile sur notre rapport à la nature et notre société déconnectée d'elle avec ses actes irréfléchis aux conséquences dramatiques, mais jamais cela ne passe par une dénonciation frontale lourdaude. Les survivants post-Apocalypse seront ceux qui sauront renouer avec la sagesse humble des Amérindiens du passé .

" Je n'ai jamais vraiment su combien nous consommions. C'est comme si nous ne sommes tous qu'un ventre affamé, comme si l'être humain n'est qu'un paquet de besoins qui épuisent le monde. Pas étonnant qu'il y ait des guerres, que la terre est l'eau et l'air soient pollués. Pas étonnant que l'économie se soit effondrée, s'il nous en faut autant à Eva et à moi pour rester tout bonnement en vie. je me dis, parfois, que ce serait tellement mieux si l'on devait taire nos désirs, nous débarrasser de notre besoin d'eau, d'abri et de nourriture."

5- Célébrer la force que l'on peut puiser dans la lecture. Tout au long du récit, le cheminement intérieur de la narratrice vers l'acceptation de cette nouvelle vie se fait grâce à sa précieuse encyclopédie, d'abord lue solennellement pour ne pas sombrer puis comme ressource pour survivre. Magnifique message quand la fin de la civilisation semble inéluctable.
Cela m'a fait penser au court roman de Jack London, La Peste écarlate, lu il y a peu. Là aussi, un monde post-apocalypse mais plus de 70 ans après la catastrophe, là aussi les livres comme trésor par le biais d'une grotte-bibliothèque laissée en héritage aux survivants pour leur transmettre le savoir du passé.
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« C'est incroyable comme l'espoir plane tout près du désespoir ».

Dans la forêt de Jean Hegland vous trouverez, vous lecteurs cueilleurs de belles histoires, une magie sylvestre, qui enveloppe de ses nuances de verts, de la douceur de ses feuilles et du piquant de ses épines, les épreuves de vie de Nell et de sa soeur Eva, ces deux nymphes des bois. Cette forêt qui de repère austère et isolé, va devenir au fil de ce roman initiatique, une nature nourricière et généreuse, un nid sauvage. Pour peu qu'on prenne le temps de connaitre sa logique et de percevoir son mystère. de la respecter. En cela ce livre est avant tout à mes yeux une merveilleuse fable écologique.

Dans la forêt, craquent des étincelles de poésie à chaque feuille tournée, à chaque page retournée. Une poésie aromatique. Mélancolique. Bucolique. Magique. Cosmique. Animiste.

« Quand nous avons fait l'amour, l'obscurité était si totale que je n'arrivais pas à distinguer son visage, bien qu'il ne soit qu'à un souffle du mien. Aussi ai-je regardé les étoiles, et je les ai vues se parer d'un nouvel éclat et descendre sur nous au point qu'elles semblaient juste au-dessus de nos têtes, au point que, si je le voulais, il me suffisait d'ôter mes mains des épaules d'Eli pour les disposer autrement d'un geste ample. Mais brusquement, ce qui se passait sur terre a nécessité toute mon attention. J'ai fermé les yeux, j'ai senti une nouvelle galaxie d'étoiles s'épanouir en moi ».

Dans la forêt bruisse un amour fou, celui de ces deux soeurs, inséparables même pour l'amour d'un autre, inséparables même quand la mort rôde, inséparables pour accueillir la vie. L'amour indescriptible pour leurs parents décédés desquels elles ont hérité tant de choses, du recul et de la légèreté grave de cette mère énigmatique, du pragmatisme de ce père bon comme le pain. Ce livre est une ode à la famille, à ses multiples ramifications, son écosystème, son instinct, ses racines qui fondent la granularité, la force, unique et singulière, de tout individu. Les souvenirs de leur vie de famille d'avant les événements se nichent dans les tiroirs, dans tous les lieux et les odeurs. Partout se cache pour mieux surgir la vie d'antan, souvenirs qui sont tout autant douleurs que devoirs de mémoire.

« Chaque fois que nous avons ouvert un placard ou un tiroir, je me suis arc-boutée, prête à reculer et à me sauver alors que les souvenirs attaquaient, crotales au bruit de crécelle et aux crochets s'enfonçant dans ma chair. Mais curieusement, même quand ils mordaient, ces souvenirs n'étaient pas venimeux. Cet après-midi, ce qui m'a rendue triste, c'est le peu de choses qu'il reste quand une personne est partie. Quelques photos, un foulard en soie, un carnet de chèques – et où sont-ils, les gens qui possédaient autrefois ces objets ? Dans quelle pince à cheveux ou chemise de travail notre mère et notre père résident-ils ? ».

Dans la forêt se noircissent les feuilles du journal de Nell qui relate jour après jour le quotidien dans cet après, dont nous ne comprenons pas très bien les tenants et les aboutissants. Les événements qui ont plongé les humains dans ce qui semble bien être une situation « post-apocalyptique », arrivent comme floutés et filtrés par la densité des arbres et des buissons, et semblent multifactoriels : épidémies, finitude des ressources notamment des ressources pétrolières, guerre civile, crises économiques, chômage de masse et misère galopante, trou dans la couche d'ozone, tout est mentionné pêle-mêle au gré des rumeurs, nous ne savons pas exactement et cela donne beaucoup de réalisme au récit car à la place de Nell et de sa soeur Eva, nous n'en saurions pas plus nous non plus, tous les canaux de communication étant devenus caduques. le fait est qu'il n'y a plus d'essence, plus d'électricité, plus d'eau, que tous les magasins sont fermés, tout comme les écoles, les bibliothèques, les mairies, que les habitations ont été pour la plupart abandonnées. Alors ces deux soeurs, jeunes filles désormais orphelines, âgées respectivement de 17 et 18 ans, se contentent d'essayer de survivre dans cette maison isolée en pleine forêt, près de Redwood, espérant des jours meilleurs, pour Eva le retour de la musique et des ballets de danse, pour Nell les études à l'université. Seule compte la survie.

La survie, dans la forêt, c'est apprendre à se servir du moindre objet, réutiliser la moindre chose, cultiver le potager, entretenir le verger, faire des bocaux de tomates, de haricots verts, de prunes, de betteraves, de pêches d'abricots, préparer des fruits et des légumes séchés, ramasser et manger des glands pillés en farine, calculer pour savoir combien de temps pouvoir tenir, couper du bois…La survie c'est tenir, saine de corps et d'esprit dans ce huit-clos oppressant, dans une incertitude totale, une solitude vertigineuse. La survie c'est faire osmose avec la forêt et ses cycles, avec ses animaux sauvages, apprendre d'elle et la laisser nous cueillir.

« Je n'avais jamais réalisé à quel point un potager peut être un jardin d'agrément aussi joli. Les courges arborent de larges fleurs dorées, les fleurs des tomates font comme des étoiles jaunes çà et là parmi les feuilles vertes, et les haricots sont décorés de bourgeons couleur lavande ».

J'ai été envoutée par ce lieu. Je crois que j'aurais pu vous partager des centaines de citations tant l'écriture de Jean Hegland est magnifique. Que ce soit le lien qui unit les deux soeurs, leurs jeux dans la forêt, la description des parents, la tragédie de leur mort et la douleur sans nom qui s'en suit, les espoirs des deux soeurs, la découverte de l'amour physique, tout est narré avec subtilité, délicatesse. Cette robinsonnade est tout simplement belle, désespérément belle.

« Nous aurions pu développer des racines, tellement nous sommes restés là longtemps. Développer des ailes et nous élever tels des anges à travers le tunnel de la souche jusqu'au ciel, sans cesser de communiquer par ce langage muet que nous venions de nous découvrir en commun, le langage fluide et précis des langues. Parfois la forêt donnait l'impression de mener sa vie dans son coin, parfois elle donnait l'impression de se rapprocher, de planer au-dessus de nous ».

Dans la forêt, des effluves sensuels, des réminiscences gourmandes sont des baumes salvateurs, des parenthèses enchantées, des odes aux sens et aux plaisirs simples que la vie, même dans ces conditions extrêmes de survie, peut procurer. le hot-dog rêvé se fait fantasme, le vieux chocolat retrouvé par hasard trésor inestimable. L'orgasme nécessaire.

« Je me demande si je serai toujours comme ça, seule, toujours obligée de me satisfaire moi-même avec moi-même, ma main enfoncée entre mes jambes si bien que mon corps forme une espèce de cercle, un zéro, enfermant le vide limpide du néant, un ruban de Möbius ou un ouroboros – le serpent qui avale sa propre queue ».

Les livres post-apocalyptiques ont décidément quelque chose de fascinant, aimés ou non, difficile d'y être totalement indifférent. Ce futur inquiétant à la fois si lointain et si proche semble inconcevable mais probable, dissonance cognitive, angoissante parfois terrifiante. Et il existe autant de styles post-apo qu'il y a de lecteurs : en version SF « pure » avec l'exploration et la colonisation de planètes lointaines plus clémentes et explications scientifiques pointues des phénomènes, ou en version plus romancée et plus ancrée dans le monde tel que nous le connaissons et dans laquelle l'explication importe moins que les émotions et les réactions humaines ; en sombre versant dystopique ou en lumineux scénario utopique.
« Dans la forêt » de l'américaine Jean Hegland est une dystopie étonnamment lumineuse, très réaliste, ancrée dans un monde proche du nôtre. Ce qui fonde sa belle singularité est son extraordinaire humanisme, sa poésie renversante et sa dimension profondément écologique.



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À quoi bon une critique de plus ? Tant pis, je le tente quand même.
Ce roman extraordinaire, dense et prenant conte l'isolement et la survie d'une famille américaine, dans un pays soufflé, disloqué, emporté, dévasté par une catastrophe politique pas identifiée sans essence , ni électricité, sans âme qui vive, ni ravitaillement possible, les avions et les trains ne circulent plus......Des rumeurs courent et les gens s'enfuient ...
Il débute un soir de noël et réunit deux soeurs, Nell et Eva, 17 et 18 ans, autour d'un grand vide....
Pas de dinde ni de sapin, pas même la certitude que l'on soit le 25 décembre et surtout pas de parents à embrasser.
Leur mère a disparu en premier, victime d'un cancer, après avoir acheté les derniers bulbes flamboyants de tulipes rouges disponibles....
Leur Père ne tarde pas à la suivre, la cuisse méchamment pulvérisée par sa tronçonneuse , lors d'une sortie malencontreuse en forêt .

L'auteur dresse un tableau de désolation apocalyptique et pourtant que de lumière au sein de cet effondrement : le souvenir d'une musique, un vieux chausson de danse ou un sachet de thé décoloré!

Nell et Eva demeurent seules .
Ces deux héroïnes réunies sont bien décidées à survivre par le biais de leurs passions respectives, la danse et la lecture , par la force de leur espoir , au coeur de la forêt, pleine de rires et de douleur, de larmes et de doutes, de silence, de chagrin refoulé, d'expériences toutes nouvelles, de connaissances inédites, de vie nouvelle et de nouveaux savoirs, entre frayeur et joie, énergie et désespoir ....
La romancière montre , avec talent et doigté, comment il va falloir apprendre à survivre, à grandir et s'épanouir autrement, à se battre et à faire confiance à la forêt , qui regorge de richesses inépuisables, telles des" .Robinsons ".

C'est un livre puissant , étonnant qui nous happe, à la fois simple et réaliste, inventif, en mouvement, un "refuge" dévorant où rien n'est plus comme avant.
Une oeuvre saisissante, ambitieuse où l'on ne tombe jamais dans le pathos, sensible et dérangeante, émouvante, inquiétante et oppressante, apocalyptique , qui paradoxalement , redonne espoir , un retour à l'avant, une espèce d'humilité originale de retour à la vie !!

Magnifiquement écrit et pensé, fin et de toute beauté, il nous fait réfléchir à notre condition et nous renvoie à l'essentiel, à l'essence même de la vie!

Pour moi un coup de coeur!
Une fiction sincère et puissante, d'une intelligence rare , authentique , brillante !
Merci à Marylin, mon amie de la médiathèque .


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