AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
4,18

sur 5380 notes
Nell et Eva, deux soeurs de dix-sept et dix-huit ans, vivent seules dans la maison familiale depuis la mort de leurs parents, au coeur de la forêt, quelque part en Amérique du Nord. La ville (jamais nommée) la plus proche se situe à plus de cinquante kilomètres. La cadette devait entrer à Harvard et l'aînée intégrer le prestigieux ballet de San Francisco à la rentrée. Mais rien ne s'est passé comme prévu.

Nell tient un journal dans lequel elle relate à la fois les événements passés (la vie avec ses parents avant la catastrophe, avant les pannes d'électricité, l'absence d'essence, la fermeture des banques, des écoles, des magasins, les épidémies qui ont décimé la population, la mort de son père) mais aussi les événements présents. C'est ce journal que le lecteur tient entre ses mains. Un parti pris narratif qui se heurte parfois à ses propres limites et peut sembler en contradiction avec la décision finale prise par les deux soeurs.

Inutile d'évoquer La Route de Cormac McCarthy à propos de ce survival. Ce n'est pas la description d'un monde post-apocalyptique qui intéresse Jean Hegland. L'auteure américaine se concentre, dans ce premier roman paru aux États-Unis en 1996, sur la relation entre les deux soeurs qui sont progressivement confrontée à la disparition du monde rassurant dans lequel elles ont grandi, à commencer par la demeure familiale, la chute de cette maison qui va littéralement s'effondrer au cours du récit à mesure que les illusions de Nell tombent.

« Ici au moins nous étions protégés des obsessions, de la cupidité et des microbes des autres. Ici au moins un aspect reconnaissable de nos vies interrompues demeurait – et demeure encore même aujourd'hui. » (page 30)

Mais cette maison familiale est aussi celle dans laquelle leurs parents sont morts.

« Aujourd'hui est une journée pire que Noël. Aujourd'hui est une journée qui mérite de laisser tomber le calendrier pour y échapper. C'est une journée qui ne pourra jamais rien signifier d'autre que le regret et la perte et un chagrin comme l'acier – si dur, si vif, si froid que l'air même paraît brutal. Respirer fait mal. […] Parce qu'aujourd'hui, c'est l'anniversaire de mon père, et toutes les pensées qu'il m'inspire sont ternies par le souvenir de sa mort. » (p. 113)

La mort du père est d'ailleurs l'une des plus émouvantes scènes du roman.

« – Ca va aller, a-t-il balbutié une fois, longtemps après qu'il se fut senti capable de parler. Ça va aller.

Puis il a rassemblé tout son être qui s'évanouissait, a porté son regard sur moi et a dit :

– Ne t'inquiète pas. Pumpkin.

Et longtemps après que son regard se fut tourné vers l'intérieur, longtemps après qu'eut cessé même son tremblement et que sa respiration irrégulière nous eut prise de court, nous lui avons parlé.

– Pardon, ai-je dit d'une voix étranglée, tandis que les premières étoiles paisibles apparaissaient dans le ciel clair.

Mais quand j'ai été capable de prononcer ces mots, je m'adressais à un cadavre. » (p. 122)

Livrées à elles-mêmes, Nell et Eva vont devoir faire face aux dangers de ce nouveau monde violent.

« Nous sommes cernées par la violence, par la colère et le danger, aussi sûrement que nous sommes entourées par la forêt. La forêt a tué notre père, et de cette forêt viendra l'homme – ou les hommes – qui nous tueront. » (p. 186)

Pour Nell la forêt n'est pas un rempart contre le mal, bien au contraire, le mal y rôde.

« Je suis sortie, j'ai fermé la porte, suis allée en tremblant dans la cour. La carabine était froide et lourde. J'ai contourné la clairière, foulant le cercle de tulipes, leurs pétales telles des flammes sombres, des tasses de velours. Mais au-delà des tulipes, la forêt paraissait solide, impénétrable. Je ne voyais aucun passage pour y entrer. Je suis restée dans la clairière sous le ciel blafard, j'ai regardé jusqu'à ce que les premières étoiles muettes apparaissent. » (p. 190)

Nell renonce à quitter la maison familiale et sa soeur pour suivre son ami qui fait route vers l'est, où il croit que la vie continue comme auparavant, parce que la maison représente pour elle et sa soeur tout ce qui leur reste du passé, de leurs parents.

À leurs yeux le danger vient de cette forêt qui les entoure, jusqu'à ce qu'un événement pousse Nell à voir la forêt avec un autre regard.

« Avant j'étais Nell, et la forêt n'était qu'arbre et fleurs et buissons. Maintenant, la forêt, ce sont des toyons, des manzanitas, des arbres à suif, des érables à grandes feuilles, des paviers de Californie, des baies, des groseilles à maquereau, des groseilliers en fleurs, des rhododendrons, des asarets, des roses à fruits nus, des chardons rouges, et je suis juste un être humain, une autre créature au milieu d'elle. » (p. 222)

Nell comprend qu'elle fait partie de cette forêt au même titre que tous les autres êtres vivants qui la peuplent. La séquence du meurtre de la laie est significative à cet égard. Alors que les réserves de vivres sont presque épuisées, ce n'est pourtant qu'à la fin du roman que Nell envisage pour la première fois de chasser. Mais la mise à mort d'un animal est terriblement mal vécue par Nell qui raconte par la suite avoir « l'impression de porter sa vieille âme sauvage en même temps que la [sienne] » (p. 260), comme si le fait d'avoir consommé la chair de la laie avait magiquement opéré un transfert de son âme en elle.

C'est finalement une véritable métamorphose qui s'opère dans l'âme de de la jeune femme.

« Je suis juste un noyau, un grain, un bout de charbon de bois enfoncé dans un morceau de chair qui respire, qui écoute la pluie. Ma vie emplit cet endroit, elle n'est plus pauvre, ni perdue, ni volée, ni n'attend de commencer. » (p. 287)

Dans la forêt est un roman émouvant, une oeuvre forte, empreinte d'une obscure clarté, qui renferme des passages poignants. Il faudra toutefois d'autres coeurs que le mien pour vibrer à l'unisson de cette mélopée introspective.

Mais ne vous arrêtez pas au laconisme de mes propos. Enfoncez-vous jusqu'au coeur de cette forêt. Perdez-vous pour mieux vous y retrouver.
Lien : https://lesmotordusdanneju.c..
Commenter  J’apprécie          30
Retenez bien ce titre car Dans la forêt est LE livre de cette rentrée d'hiver, celui qui vous fera vibrer, celui qui restera longtemps dans votre esprit et votre coeur pour cette année 2017...

Lorsqu'une plume de roman contemporain rencontre un univers futuriste post-apocalyptique, cela donne un roman où les émotions sont omniprésentes. Ce livre s'adresse ainsi à tous : à l'amoureux de littérature américaine, à l'adepte d'anticipation, au fan de roman Young Adult ou tout simplement à celui qui souhaite lire une prose magnifique portée par l'excellente traduction de Josette Chicheportiche.

Deux soeurs piégées ou protégées au coeur des bois, sans pouvoir savoir si le monde évolue, si la fin des temps est réellement venue ou si l'espoir est présent. Deux orphelines, deux êtres qui sont portés par leur passion et leur espérance de voir leurs rêves se réaliser : l'une vit pour danser, l'autre pour apprendre. Ce roman n'est pas que l'histoire de ces deux jeunes femmes, car le lecteur est embarqué lui-même à l'intérieur, ce journal est un message et nous en sommes le destinataire.

Vous avez peut-être lu déjà de nombreux romans post-apocalyptiques mais je peux vous dire que vous n'avez jamais lu un tel livre, il est unique, c'est de l'originalité à l'état pur, c'est innovant, profond et fascinant : cela s'appelle un coup de coeur, un chef d'oeuvre. Un roman qui mélange des leçons de vie, des mises en perspective existentielles, des descriptions sublimes de la nature, des moments terriblement sincères et touchants.

En définitive, bienvenue dans la forêt mes amis, vous ne pouvez pas passer à côté d'un tel roman !
Lien : http://leatouchbook.blogspot..
Commenter  J’apprécie          260
Eva et Nell, deux adolescentes, ont été élevées par des parents un peu fantasques, des originaux partis vivre dans une maison dans la forêt, à une cinquantaine de kilomètres de la ville la plus proche. Alors, quand les premières coupures d'électricité ont commencé, personne n'y a vraiment pris attention. Il faut dire que leur mère venait de mourir d'un cancer et que la douleur personnelle leur laissait peu de temps pour songer aux malheurs du monde. Chacun a pensé que ça s'arrangerait bientôt. Nell a continué à préparer son entrée à Harvard en se plongeant dans les livres, Eva à danser pendant de longues heures dans son studio. Quand il n'y a plus eu d'électricité du tout, ni de téléphone ou d'internet, que la radio s'est arrêtée elle aussi, on s'est dit qu'il suffisait d'être patient, que dans quelques mois au plus tout reviendrait à la normale, malgré les épidémies, les rumeurs de guerre, d'émeutes, de chute du gouvernement. Bientôt, il a fallu même se passer d'essence. Au cours d'une dernière virée en ville, la pompe vide depuis plusieurs semaines, le supermarché lui aussi déserté n'annonçaient rien de bon. Puis, il a fallu affronter l'accident du père. Pendant combien de temps, Eva et Nell, isolées dans leur maison des bois au fond d'une clairière pourraient-elles continuer à vivre selon les rêves autarciques qui avant elles avaient été ceux de leurs parents? Oui, comment être sûre, quand on vit seules au milieu d'un forêt, que rien ne viendra jamais frapper à la porte?
...
Lien : http://www.danslabibliothequ..
Commenter  J’apprécie          71
C'est sans doute l'une des révélations les plus marquantes de ce début d'année. On s'étonne que ce livre aussi incroyable que bouleversant n'ait pas été traduit plus tôt. Pourtant, Into the Forest, le premier roman de cet auteur américain, a rencontré un immense succès lors de sa parution en 1996. A travers le journal qu'écrit Nell, on découvre un monde dévasté, où l'électricité, l'essence et le réseau de communication ne sont que de vagues souvenirs, où règnent le manque, la maladie, l'insécurité. Isolées en lisière de forêt au nord de la Californie, dans leur maison familiale, Nell et sa soeur Eva, âgées de 17 et 18 ans, se battent pour survivre. L'une rêve encore d'Harvard en apprenant l'encyclopédie par coeur tandis que l'autre s'exerce sans relâche pour une future carrière de danseuse. Pourtant, lorsque leur père décède accidentellement, cet équilibre fragile semble menacé, les provisions s'épuisent et la solitude est encore plus présente. Sans nouvelle du reste du monde, elles organisent leur quotidien : elles cultivent un potager et apprennent à connaître et exploiter les richesses de la forêt, jusqu'à vivre en autarcie et en osmose avec les éléments naturels. On se laisse facilement emporter par ce récit naturaliste, sensuel, puissant et vraiment bien écrit, un véritable hymne à la vie et à la quête du bonheur dont on ne ressort pas totalement indemne.
Commenter  J’apprécie          21
Autant vous le dire de suite si vous ne l'avez pas encore remarqué en lisant ce blog : je ne suis pas adepte des romans d'anticipation voir post-apocalyptiques .

Partant de ce postulat, j'ai été tout de même tentée de dire oui à Léa MAINGUET, gentille et efficace organisatrice du Challenge GALLMEISTER, quand il s'est agi de lire en avant-première la dernière parution de la très belle maison d'édition : DANS LA FORET de Jean HEGLAND.

Et comme je ne suis pas à une contradiction prêt, j'ai été plus qu'étonnée suite à ma lecture d'adorer l'histoire de ces deux soeurs privées de tout suite à des évènements dont on ne connaît pas l'origine mais qui vont les contraindre à puiser au fond d'elles-mêmes et surtout dans la nature les resssources qui vont leur permettre de survivre à cette apocalypse .

Nell et Eva vivent dans la forêt avec leurs parents quelque peu originaux et elle bénéficient d'une éducation très libre et permissive. Eva veut suivre les pas ou plutôt les lancés de sa mère autrefois danseuse classique tandis que Nell, la tête toujours penchée sur un livre, rêve de rentrer à HARVARD. Mais leurs ambitions sont réduites à néant car la société dans laquelle elles vivent bascule... peu à peu l'électricité disparaît, l'essence manque et bientôt la ville la plus proche est pillée et déserte. Les plus folles rumeurs circulent; leur mère étant décédée d'un cancer, elles tentent non sans mal de s'adapter à cette nouvelle situation avec leur père. Mais lorsque celui-ci,victime d'un accident, meurt, les deux jeunes filles doivent faire face seules à ce grand inconnu qui se présente à elles et essayer de survivre au coeur de la forêt.

DANS LA FORET est un livre qui fait réfléchir sur nos besoins vitaux et ceux beaucoup plus superflus. L'auteur nous invite à travers cette histoire à nous pencher sur la société, le monde et la nature qui nous entourent. Rien que pour cette thématique déjà Jean HEGLAND avait gagné mon adhésion au message que son roman véhicule... mais en plus, elle a une plume fluide et percutante qui fait que son propos est d'autant plus efficace.

Mettre en scène deux soeurs indissociables quoique très différentes rend le livre encore plus riche de ces deux personnalités si attachantes, mais avec un ressenti bien personnel de la situation. A travers le récit narré via le journal de Nell, le lecteur est au sein de cette sororité, de ses dissensions, de ses conflits et de ses joies.

Enfin, la nature elle-même est une héroïne à part entière, ce qu'elle offre à Nell et Eva pour survivre mais aussi les menaces qu'elle peut représenter. L'auteur met bien en évidence le rôle primordial qu'elle joue et le réconfort qu'elle procure aux jeunes filles.

Mais au final, même privé de toutes relations humaines en dehors de leur fraternité, c'est bien de l'homme que viendra la plus grande menace pour les deux soeurs.

Quelle bonne idée j'ai eu d'accepter de recevoir ce très beau récit : DANS LA FORET.

Cette lecture s'est avérée addictive et constructive. Les éditions GALLMEISTER avec ce livre m'ont obligée à sortir de ma zone de confort de lecture et j'ai adoré ça...

Je les remercie chaleureusement de m'avoir enchantée avec ce très beau roman que je vous invite à lire sans attendre... Vraiment une très belle découverte !



MYMY

Lien : http://cousineslectures.cana..
Commenter  J’apprécie          10
Quand on sait, en ouvrant un roman, qu'il va nous porter loin, nous bouleverser, se révéler être un coup de coeur....

Une lecture absolument incroyable sur un postulat romanesque post-apocalyptique avec une narration sensible, travaillée, à la fois douce et âpre.

Par le biais du journal de Nell, qui aspire à être écrivain, on apprend comment les deux soeurs se sont retrouvées seules dans cette maison qui menace ruine et où l'on sent les dangers proches : la forêt qui était auparavant leur terrain de jeu, les voisins, les inconnus de passage.. Impossible pour autant de dater lé décor ; tout parait pourtant vraisemblable, sans doute parce que sans extrapolation futuriste. Il n'y a plus d'électricité, plus grand chose nulle part, mais il reste la maison familiale comme cocon et quelques conserves.

Un huis-clos loin d'être étouffant, une histoire de sororité forte, le tout baigné de nature writing, d'espoir...On n'est d'ailleurs jamais très loin du conte naturaliste, à la manière parfois d'un Robinson Crusoë ! Même quand la violence pourrait s'inviter, il reste de la douceur et une invitation au bonheur.

Un roman que je recommande tant sa force est inouïe, tant le verbe y est fluide : un bijou de littérature américaine ! Je ne sais pas si d'autres livres en 2017 tiendront ce genre de promesse, mais j'aurais bien volontiers lu 500 pages supplémentaires !

Un grand MERCI à Léa et aux Editions Gallmeister qui m'ont permis cette lecture en avant-première, ce coup de coeur !
Commenter  J’apprécie          70
Elles sont deux, elles sont soeurs, Nell et Eva dix-sept et dix-huit ans. Elles ne sont pas tout à fait comme les autres, elles ne sont jamais allées à l'école, éduquées par un père un brin iconoclaste et une mère artiste. Elles vivent loin de tout, au bout du bout de la route dans les forêts au nord de la Californie.
Pas d'école mais des livres pour l'une et la danse pour l'autre. Aujourd'hui elles sont prêtes à entrer à Harvard et à intégrer le corps de ballet de San Francisco.

Oui mais voilà rêves et ambition vont en prendre un sacré coup. Autour d'elles le monde se délite : terrorisme, crise économique sans précédent, effondrement des infrastructures, des guerres lointaines mais qui ont un retentissement sur la société entière. d'abord l'électricité est coupée certains jours, puis totalement, plus de téléphone, plus d'approvisionnement, tout s'arrête....

Ces changements les deux soeurs et leur père ne les voient pas arriver car la mère malade vient de mourir. le chagrin prend le pas sur la désolation du pays. Quand le père est victime d'un accident mortel Nell et Eva vont devoir faire face seules. C'est à travers le journal de Nell que nous les découvrons.
Pas d'inquiétude, je n'ai trahi aucun secret tout cela on l'apprend dans les trois premières pages.

Je le dis tout net je n'aime pas les romans apocalyptiques, j'ai détesté La Route, oui oui je sais vous avez tous et toutes adoré ce roman mais moi je n'ai pas marché. J'ai lu sans déplaisir Vongozero mais sans vraie passion. Alors pourquoi ici me suis-je laissée prendre ?

Et bien pour l'écriture (la traduction est parfaite) et la construction du roman. Par touches fines et retours en arrière particulièrement bien menés, on découvre la vie de cette famille, les liens qui les unissaient, la passion de Nell pour le savoir, l'éblouissement d'Eva pour la danse.

Tout l'art de Jean Hegland est d'instiller doucement le doute, les petites ratées, les changements imperceptibles, bref tout ce que la famille ne voit pas et qui va modifier leur vie de façon brutale et sans retour possible.
C'est magnifiquement évoqué. Une vie pleine et belle, un avenir radieux qui s'annoncent et brusquement l'obligation de vivre autrement, de compter l'une sur l'autre et sur la nature pour survivre.

C'est un roman très poétique, lyrique, poignant par moment. J'ai aimé ces deux personnages, leurs rêves, leur volonté à survivre. La forêt qui les entoure est un personnage du roman et Jean Hegland en parle magnifiquement. Une belle rentrée pour moi.

Lien : http://asautsetagambades.hau..
Commenter  J’apprécie          201
Oui, il faut bien l'avouer d'emblée : ce roman est un vrai choc.

Si David Vann restait mon écrivain préféré de cette maison d'édition, il faudra compter à présent sur Jean Hegland. Une très belle écriture qui vous emporte, une puissance narrative et de très beaux personnages.

L'histoire commence par les confessions de Nell, 17 ans qui couche sur le rare papier qui lui reste sa nouvelle vie avec sa soeur Eva, 18 ans dans la maison familiale perdue au coeur de la forêt, dont la ville la plus proche se situe à une cinquantaine de kilomètres. Leur vie a radicalement changé depuis qu'il n'y a plus d'électricité et d'essence. C'est arrivé si vite. Les premiers signes avant coureur de la catastrophe annoncée ne les ont pas inquiétés au départ. Les pannes de courants de plus en plus fréquentes et longues...puis plus grave, lorsque le père a été obligé de revenir chez lui définitivement, à défaut d'être payé par son employeur. Les banques fermées. Des maladies qui déciment la population. Des rumeurs rapportées de la côte est, des nouvelles floues impossibles à vérifier.

Malgré cette situation précaire, les jeunes filles semblent épargnées au milieu de cette forêt avec suffisamment de réserves pour tenir longtemps avant le rétablissement de l'électricité qui devrait revenir dans les prochains mois à ce qu'on dit. Mais aujourd'hui, l'espoir de revenir comme avant n'existe plus. Elles ne peuvent compter que sur elles-mêmes, leurs parents n'étant plus là. le temps et les saisons passent et les réserves s'amenuisent.

Un début d'histoire qui vous immerge rapidement et complètement. Si les romans post apocalyptique sont à la mode dans la littérature d'aujourd'hui, moi qui n'en ai pas lu, j'avoue avoir été subjugué par le réalisme de ce roman. On y croit, on s'y croit. On réalise tout comme les personnages que notre mode de vie peut basculer d'un jour à l'autre, rapidement, sans crier gare. Et qu'il va falloir faire avec. Mais que c'est dur. Incroyablement fatiguant, éprouvant et psychologiquement bouleversant.

Le roman monte en crescendo du point de vue narratif et dans l'évolution du rapport entre ces deux soeurs. Leur mère, de son vivant, leur disait toujours : votre vie vous appartient. Une phrase lourde de sens quant il s'agit de faire ses choix, et qui puis est, à l'entrée de l'âge adulte. Leurs futures carrières de danseuse professionnelle et d'étudiante ne sont plus d'actualité. Pourtant, Eva continue de danser tous les jours, même sans musique pendant que Nell décide, à défaut d'étudier, de lire toute l'encyclopédie de A à Z. Si l'union et l'entraide font leur force; la promiscuité, la solitude, les ruminations vont venir mettre à mal cette entente.

La forêt est bien sûr au coeur de cette histoire. Cette nature qui a toujours été là sous les yeux de ces jeunes filles sans qu'elles y fassent véritablement attention et ce depuis l'enfance. Hier, la forêt était à la fois mystérieuse et un formidable terrain de jeu. Aujourd'hui cette nature se révèle telle qu'elle est, à la fois source de véritables dangers potentiels mais aussi une ressource infinie de survie. Elles vont devoir apprendre seules et sans compter sur les livres qui ne leur apporteront pas la solution. Même si elles anticipent au maximum les mois à venir, le danger viendra bien évidemment de l'homme lui-même.

Ma lecture a été frénétique et j'ai été littéralement captivé tout le long. Jean Hegland est amoureuse de la nature et nous offre de magnifiques descriptions sur la beauté de la végétation et de ses pouvoirs guérisseurs Les passages de la clairière avec la souche sont incroyables tant par le décor que pour ses symboles. Elle nous rappelle avec un talent narratif et littéraire que la nature est puissante, sans pitié, plus forte que l'homme. Que la comprendre, la respecter, l'aimer sont indispensable à notre vie, à votre survie. Une très belle leçon d'humanité qui devrait nous rendre plus humble et plus responsable quant à nos modes de vie, notre engagement à la préservation de notre planète Terre.

Un magnifique roman qui restera dans mon top 10 des romans de cette maison d'édition.
Lien : http://fromtheavenue.blogspo..
Commenter  J’apprécie          160
Attention livre choc et premier coup de coeur de 2017 qui démarre bien !

En quelle année nous projette Jean Hegland ? 2000 ? 2016 ? 2050 ? On ne le saura pas.

Le monde est désormais chaos, l'électricité n'est plus, la vie est – presque – arrêtée, l'insécurité règne et rôde au détour des bois. Les causes de ce cataclysme ne sont pas décrites. Et peu importe. Alors il reste… la survie. Et dans la forêt, la survie est naturelle, instinctive, surtout pour qui y vit depuis toujours.

C'est le cas de Nell et d'Eva, soeurs inséparables depuis leur enfance, toutes deux couvées dans la suffisance de la vie autonome dans la forêt, et pourtant, toutes deux tellement différentes. Elles ont en commun de vouloir s'extraire d'une destinée fade et toute tracée, mais par des voies différentes. L'espoir d'Harvard pour la première ; l'illusion de la danse au plus haut niveau pour la seconde.

Mais le chaos a tout changé : les parents sont morts, la vie aussi, seul l'espoir subsiste encore. Cet espoir, elles vont le vivre à deux, seules dans la forêt, à l'écoute de cette nature, de leurs frayeurs nées d'un bruit, d'une présence. Et dans ce huis-clos hostile, les personnalités se révèlent et la proximité des soeurs devient chaque jour plus compliquée à vivre, avant que les liens du sang ne reprennent le dessus pour les réunir.

Jean Hegland nous livre un roman à mi chemin entre le conte naturo-fantastique et l'ode humaniste à une renaissance par la nature nourricière, le tout saupoudré d'une touche de suspense par moments. Adepte aguerrie du nature writing, elle invite à la réflexion sur la renaissance et les conditions de celle-ci. Renaître oui, mais dans la simplicité de se nourrir de ce qui est simplement à portée de main, de cohabiter avec la faune qui nous entoure, de se perdre et de se lover dans la forêt pour mieux s'y retrouver.

Dans ces conditions, tout ce qui hier était futile, aujourd'hui devient utile : une encyclopédie se révèle un trésor absolu pour qui a soif de connaissances ; les plantes, une source infinie de bienfaits pour qui sait les identifier et les préparer ; le creux d'un arbre, un refuge sécurisant et rédempteur pour qui sait s'y rendre.

L'écriture est douce, belle, fluide et installe rapidement une atmosphère – qui n'est pas sans rappeler certaines pages de David Vann - à la fois magnifiée par les descriptions de cette forêt qui attire, et tendue par l'avenir toujours plus incertain de ces deux soeurs qu'une mort probable semble guetter.

Un grand merci à Gallmeister (et à Léa) pour cette lecture en avant-première, qui confirme le flair de cette fabuleuse maison d'édition pour nous apporter en France des pépites américaines encore inconnues.
Commenter  J’apprécie          334
Ce roman paru en 1996 aux USA est enfin traduit en français. le sujet est d'ailleurs bien à la mode, même si souvent plus abordé en littérature jeunesse et ado ces derniers temps.

Eva et Nell sont soeurs et ont toujours vécu dans une maison dans la forêt, à l'écart de la ville. Leurs parents ne les ont jamais scolarisés, partant du principe qu'elles apprendraient ce que la curiosité leur ferait connaître. Eva s'est passionnée par la danse classique et a décidé d'entrer au ballet. Nell quant à elle beaucoup plus intellectuelle a décidé d'étudier pour entrer à Harvard. Mais l'électricité a disparu peu à peu et lorsque leurs parents meurent tous les deux, les deux filles se retrouvent seules. Avec des caractères et des passions différentes, des moments de complicité et des disputes, elles attendent que revienne l'électricité.

L'histoire est racontée par Nell qui tient un journal. On y apprend la mort de leurs parents, comment tout a commencé, comment elles survivent. Mais les deux filles sont très différentes, ce qui posent souvent des soucis, d'autant plus qu'elles ne voient personne d'autre.

Le background, les causes de la catastrophe, sont assez peu exploitées, on est vraiment en huis-clos avec les deux soeurs, leur maison, leur clairière et la forêt autour. Parfois on a un peu envie de les secouer, parce que si leur père, avant de mourir, se préparait vraiment à une situation qui risquait de durer, les deux filles se laissent vivoter pendant longtemps sans chercher à se battre. Par exemple, elles préfèrent boire de l'eau chaude sans thé, plutôt que de faire quelques recherches et trouver de quoi l'aromatiser, même de la menthe, ce n'est pas difficile à identifier !

Il y a un néanmoins un détail, que je vais évoquer sans spoiler, qui risque de faire tiquer certains lecteurs, m'empêchant de conseiller cette lecture à tout le monde.C'est un peu dommage puisque ça n'était pas nécessaire, d'après moi, et ça va peut-être restreindre le nombre de lecteurs qui auraient pu découvrir cette histoire, par ailleurs assez réaliste dans la peinture des attitudes et choix des deux filles !

Je viens de voir qu'un film avait été tourné cette année, avec Ellen Page (sans doute pour ça qu'ils l'ont traduit en français, je suppose), mais je ne l'ai pas vu. Vous connaissez ?
Lien : https://girlkissedbyfire.wor..
Commenter  J’apprécie          30





Lecteurs (10499) Voir plus



Quiz Voir plus

Les plus grands classiques de la science-fiction

Qui a écrit 1984

George Orwell
Aldous Huxley
H.G. Wells
Pierre Boulle

10 questions
4933 lecteurs ont répondu
Thèmes : science-fictionCréer un quiz sur ce livre

{* *}