Citations sur Eloge de la vieillesse (60)
Vieillir dignement, avoir l'attitude ou la sagesse qui sied à chaque âge est un art difficile. Le plus souvent notre âme est en retard ou en avance sur notre corps...
La cuisine enfumée de mon amie ne respire pas beaucoup la propreté et encore moins l'hygiène. Le sol est maculé de crachats, sa chaise est toute dépaillée et peu d'entre vous, lecteurs, boiraient volontiers le café contenu dans cette vieille cafetière en fer-blanc, noire de suie, pleine de restes de cendre grise et dont les bord sont recouverts d'une épaisse croûte de café séché. Ici, on vit en dehors du monde d'aujourd'hui. Certes, tout cela est assez misérable, assez délabré et bien peu hygiénique, mais on est proche de la forêt et de la montagne, proche des chèvres et des poules, proche des sorcières et des contes.
Les disparus ainsi que l'essentiel de leur être qui nous a influencé vivent à travers nous, aussi longtemps que dure notre existence. Parfois nos entretiens et nos discussions avec eux sont plus fructueux qu'avec les vivants, et ils nous dispensent de meilleurs conseils.
MORNE JOURNÉE D'HIVER
C'est une morne journée d'hiver
Sans bruit, sans luminosité
Une vieille revêche qui n'aime guère
Qu'on vienne encore lui parler.
Elle écoute s'écouler le fleuve
Plein de flamme, d'élan juvénile,
Cette impatiente force neuve
Lui semble bruyante, inutile.
Moqueuse elle plisse les yeux,
Dispensant toujours moins de clarté
Et se met à neiger peu à peu,
Sa face est désormais voilée.
Son rêve de vieille est interrompu
Par les mouettes aux cris stridents,
Et les merles dans les sorbiers nus
Qui se chamaillent constamment.
Cette fièvre lui insuffle une gaieté neuve
Avec toute son exubérance ;
Ainsi ses flocons de neige pleuvent
Jusqu'à ce que la nuit s'avance.
L’homme de cinquante ans
De la naissance à l’enterrement
L’existence dure cinquante ans.
Puis vient la mort qui fait son œuvre.
Notre esprit faible commence à s’étioler,
On n’est que déchéance et grossièreté.
Nos cheveux tombent rapidement.
Même nos dents s’en vont,
Et au lieu de serrer avec bonheur
De belles jeunes filles sur nos cœurs,
C’est une œuvre de Goethe que nous lisons.
Mais une fois encore avant la fin
Je veux prendre une de ces jeunettes;
Le regard vif, les cheveux décoiffés,
Doucement je la saisis dans mes mains,
J’embrasse sa bouche, ses seins, ses pommettes.
J’ôte sa jupe, sa culotte ajustée.
Après, eh bien soit, j’attendrais sans peine
Que la mort vienne m’emporter. Amen
Les jeunes accordent à leur propre existence, à la quête qu'ils poursuivent et à leurs souffrances une immense importance, justifiée à leurs yeux. L'homme devenu vieux considère cette quête comme un égarement et la vie entière comme un échec si elles ne l'ont pas amené à vénérer quelque chose d'objectif, au-delà de sa propre personne et de ses soucis, quelque chose d'absolu ou de divin au service duquel il se place, dont le seul culte donne sens à son existence...
Toutes les fleurs veulent se changer en fruits,
Toute matinée veut devenir soirée,
Sur terre rien n’est éternité,
Si ce n’est le mouvement, le temps qui fuit.
Même le plus bel été veut voir une fois
La nature qui se fane, l’automne qui vient.
Reste tranquille, feuille, garde ton sang-froid
Lorsque le vent veut t’enlever au loin.
Poursuis tes jeux et ne te défends pas,
Laisse les choses advenir sans heurts,
Laisse enfin le vent qui te détacha
Te conduire jusqu’à ta demeure.
Le sentiment de tristesse qui naît de l’attachement à ce qui est perdu n’est pas bon et ne correspond pas au véritable sens de la vie.
La vieillesse ne devient médiocre que quand elle prend des airs de jeunesse.
Dans ce jardin de la vieillesse s’épanouissent des fleurs que nous aurions à peine songé cultiver autrefois. Ici fleurit la patience, une plante noble. Nous devenons paisibles, tolérants, et plus notre désir d’intervenir, d’agir diminue, plus nous voyons croître notre capacité à observer, à écouter la nature aussi bien que les hommes.