Les autorités avaleraient leur langue plutôt que de parler de danger. Le faire reviendrait à renier le mythe de la sûreté des centrales nucléaires.
Au Japon, on n’a pas l’habitude de réfléchir au nucléaire, et c’est peut-être aussi bien de ne pas essayer de mieux informer la population. Je ferais sans doute pareil si j’étais Premier ministre.
- ...Chaque année des gens meurent en avion. Que pouvez vous faire contre cela, sinon réduire la probabilité que les accidents se produisent ? La ramener à zéro est impossible. Les gens le savent mais ils y montent quand même parce que le risque leur paraît acceptable. Le nucléaire c'est pareil. Réduire la probabilité d'un accident majeur est tout ce que nous pouvons faire. Mais nous ne sommes pas capables de l'éliminer complètement. Les gens doivent évaluer ce risque eux mêmes.
- Je comprends ce que tu veux dire, mais je doute que cette explication convainque beaucoup de monde. Les gens qui ne veulent pas prendre l'avion peuvent ne pas le prendre.
- C'est bien là le problème, ...S'il se produit un accident majeur dans une centrale nucléaire, cela aura des répercussions sur des gens qui n'ont rien à voir avec le nucléaire. On pourrait dire que le Japon tout entier est à bord de l'avion qu'est l'énergie nucléaire. Et personne ne se rappelle avoir acheté un billet pour y monter....
La plupart des activistes antinucléaire s'y opposent simplement parce que cela les inquiète. Ils en craignent les conséquences futures. Par exemple ce qui se passera s'il y a un tremblement de terre comme celui de Kobe *, ou une explosion comme Tchernobyl.
* "La prophétie de l'abeille" a été écrit en 1998
Son sentiment vis à vis du nucléaire tenait de la résignation et de l'habitude, ce qui prouvait son manque de sensibilité dans ce domaine.
Il existe dans la vie des choses dont tout le monde a besoin mais que personne n'aime voir. L'énergie nucléaire en fait partie
Depuis plusieurs années, elle ne voyageait plus. Elle n'aurait su dire pourquoi. Etait-ce pace qu'elle avait compris que son rêve n'était qu'un rêve, ou parce que la pesanteur de son quotidien lui avait fait oublier le plaisir du voyage ? Elle avait la certitude que c'était lié à une perte.
Vous allez certainement recevoir des appels des localités des environs, mais prenez garde à ne pas déclarer qu'il faut évacuer. Cela reviendrait à renier la sûreté du nucléaire
Vous avez contacté les compagnies d'électricité ? demanda-t-il ensuite en s'adressant à Fujita.
- Oui je m'en suis occupé. Elles doivent toutes être au courant à présent.
Elle n'avait jamais réfléchi à l'énergie nucléaire. Ce n'était pas un sujet agréable, et elle ne se sentait pas concernée. Heureusement, il n'y avait pas de centrale nucléaire dans la préfecture de Kanagawa, où se trouve Yokohama. Elle ignorait que le combustible des réacteurs à eau bouillante du pays était produit dans une usine située dans le quartier de Kurihama à Yokosuka, une ville distante d'une vingtaine de kilomètres de Yokohama, qu'il quittait dans des convois bien gardés, dans le secret de la nuit. Elle ne savait pas non plus que le plutonium utilisé par Shinyo transitait par Kawasaki et Yokohama. Elle n'avait jamais entendu parler du risque, évoqué tout bas par certains, qu'un tremblement de terre d'une ampleur similaire à celui de Kobe ait lieu au moment d'un de ces transports et endommage un conteneur. Cela pourrait causer une catastrophe complexe. Elle était loin de s'imaginer que dix collectivités locales de la préfecture avaient préparé un plan pour parer à une telle éventualité.