Crimes et châtiments.
Pour entrer dans le dernier roman de
Keigo HIGASHINO, il faut accepter de se dépouiller de nos valeurs occidentales. L'Orient n'est pas l'Occident : art de vivre, repères moraux, éthique, relations sociales, hiérarchiques, familiales y sont autres. Donc, s'abstenir de toute comparaison et de tout jugement. L'approche en est déconcertante et fascinante.
Il faut se laisser emporter lentement par l'écriture de l'auteur qui nous plonge peu à peu dans le Japon d'aujourd'hui qui n'a pas renié celui de jadis. A la façon d'une dentellière il tisse minutieusement un univers social qui s'appuie fortement sur un certain code de l'honneur, un respect extrême, une grande pudeur dans l'expression des émotions. Un peu à la façon de CAMILLERI,
HIGASHINO fait aussi une large place à la gastronomie. Tout l'art de vivre nippon nous est offert.
Oui, mais au Japon aussi on assassine.; au Japon aussi, les brigades criminelles ont des meurtres à élucider: en l'occurrence, deux meurtres à plusieurs années d'intervalle et un coupable qui s'autodésigne pour les deux.
L'affaire n'est cependant pas si simple. Trois familles sont concernées mais le fils du meurtrier et la fille de la dernière victime doutent, mènent des enquêtes parallèles qui nous font découvrir Tokyo, unTokyo non touristique, pas forcément trépidant, mais aussi sa périphérie, un japon paisible, presque rural.
L'enquête, surprenante de bout en bout, fait aussi une large place au fonctionnement judicaire japonais et à sa modernisation : l'abandon de la torture, l'espace désormais réservé aux familles des victimes et la nécessité pour la police de corroborer tous les faits énoncés par le mis en cause mais toujours la peine de mort. Fonctionnement singulier pour un occidental mais en rapport avec les valeurs du pays.
Pas d'action. Pas vraiment de héros mais des personnages qui font la part belle à la réflexion, à l'introspection, qui acceptent la lenteur et conservent une obstination à toute épreuve.
L'écriture de l'auteur est simple, fluide, précise. Les situations sont patiemment déroulées, les articulations sont intelligentes et élégantes. J'ai beaucoup apprécié en milieu de roman le « passage de relais » entre la police et Mirei et Kazuma réunis… Il aura suffi d'un regard et l'intrigue prend une nouvelle direction (scène magistrale, sans échange de paroles, très cinématographique).
Toujours autant séduite par le talent de
Keigo HIGASHINO. Même si, me semble-t-il, certaines des dernières pages qui répètent le pourquoi et le comment me semblent superflues.