Ton âme soeur (ou presque)

Au fil des années, elle avait rassemblé assez de connaissances sur ce syndrome pour obtenir un doctorat. Elle avait discuté avec des douzaines de conseillers d'orientation, de thérapeutes, de psychologues, de pédiatres, de neurologues,. Elle avait même un jour réussi à assister à une conférence sur le sujet. (…)
Au bout du compte, personne ne lui avait rien dit de très utile, mais elle était devenue la spécialiste mondiale de son frère.

Elle lui adressa un petit sourire et à l’intérieur d’elle quelque chose changea soudain, comme un rideau qu’on soulève et qui laisse entrer à flots la lumière.

Mais hors de question qu'il passe les dix prochaines années comme il avait passé les précédentes, à attendre que Jessica veuille bien lui faire quitter le banc de touche pour entrer sur le terrain.

À certains moments, ce qu’elle ressentait pour lui était tellement… énorme que ça la terrifiait. Parfois, quand ils étaient au lit ensemble, qu’il posait les mains sur elle, qu’il lui souriait, alors elle éprouvait ce sentiment jusque dans ses veines, dans ses poumons, dans son ventre et dans ses os. Lorsqu’il prononçait doucement son prénom, lorsqu’il surgissait devant sa porte à 1 heure du matin, qu’il la regardait le mercredi soir au restaurant et qu’entre eux circulait cette énergie intense, perceptible pour eux seuls.

A brailler comme ça tout le temps, Marcy lui faisait l'effet d'un troupeau d'oies. Et encore, la comparaison était cruelle. Pour les oies.

La voir manger était un spectacle merveilleux. Ses gestes étaient précis et adroits et elle savourait la nourriture, la goûtait vraiment, pas comme d’autres : Colleen, par exemple, qui se ruait sur son assiette comme un coyote affamé, ou sa mère qui alternait régulièrement phases de régime et phases de boulimie.

Parmi tous ceux-là, comme de mauvaises herbes dans un jardin, vivaient des familles pauvres, aux prises avec la loi, l’alcoolisme ou la drogue et avec de perpétuels problèmes d’argent. Des familles dont la mère profitait du système en réclamant une allocation d’invalidité à vie pour une vague blessure au genou qu’elle s’était faite quatre jours après avoir été embauchée comme dame de la cantine au lycée.

Elle poussa des hurlements sur les montagnes russes et il passa son bras autour d’elle, en riant comme un fou. Il adorait quand elle avait peur et que c’était à lui de la protéger.

N’importe qui aurait eu besoin d’une loupe pour parvenir à lire les réactions de Jessica Dunn, mais Connor était spécialiste en la matière, et à cet instant il vit ses lèvres se serrer imperceptiblement, ce qui était le signe d’un ébranlement intérieur.

On est ensemble quand on est ensemble, et on est toujours contents de se voir.
Elle n’était certainement pas le genre à monter dans les tours. Dommage. Une bonne engueulade et un splendide câlin derrière pour se réconcilier n’auraient pas été pour déplaire à Connor.