J’en rêve souvent, de ce moment, puis de tous les autres qui ont suivi. Ce qui est triste, c’est que, peu à peu, j’oublie son visage. J’aurais dû lui demander une photo. Ca m’aurait aidée pour revivre nos baisers.
Si on commence à se faire passer pour ce qu'on n'est pas pour gagner de la liberté, où on va ?
Si vous voulez mon avis on entre dans une ère de grande incompréhension (entre parents et ados)
- Tu sais, on ne peut pas mesurer la douleur. Tu vas peut-être souffrir plus en perdant ton chat qu'un autre en perdant sa grand-mère. On ne sait pas. Il n'y a pas de loi. Toutes les souffrances méritent d'être prises en compte.
- Je sais. Les filles n'arrêtent pas de me le dire. Mais j'y peux rien. Je pense à lui tout le temps, Mehdi. C'est dramatique, je te jure. Rien que le son de sa voix me fait frémir. Sa présence m'électrise. Lorsque par hasard il me frôle, je manque de m'évanouir. Il ne se passe pas une seule seconde sans qu'il soit là, dans ma tête, dans mon cœur, partout... Et j'ai tout le temps envie de parler de lui à tout le monde.
Je suis allé me promener jusqu'aux pierres plates qui bordent la mer. Mes écouteurs crachaient du Nirvana, couvrant le vacarme de la ville. Le ciel me paraissait tâché de feu. L'horizon y flambait.
Ensuite, je suis allé, seul, me promener au parc. J'aime ça, me balader, écouteurs sur les oreilles, à pied ou en skateboard. Ça ne m'empêche pas d'être en osmose avec la ville, chaotique et imprévisible. J'observe, je sens, je ressens. Je me suis arrêté et assis sur un banc. J'ai inspiré fort. Odeurs de kérosène, de froid, d'un peu de verdure. J'ai ôté les écouteurs. On entendait que des minots jouer au ballon en riant non loin.
Je l'avoue, j'ai effectivement suivi mentalement le déshabillage de Justine. Ce n'était pas mal du tout. Et, au moment que j'ai jugé opportun, et où, par bonheur, personne ne venait de pénétrer dans l'espace des douches, je suis sorti du vestiaire comme un diable de sa boîte, muni de mon téléphone portable. Je l'avais mis en position "appareil photo", bien entendu. Je me suis précipité pour monter sur la chaise. J'ai tendu le bras et je m'apprêtais à appuyer sur la touche, lorsque j'ai senti que quelqu'un agrippait à mon maillot de bain.
-Hé, petit voyou! Tu veux bien descendre de là!
Je me suis senti paniquer. C'était une maîtresse-nageuse qui m'avait repéré. Pour m'attraper, elle n'avait rien trouvé de mieux que de tirer sur mon slip de bain, qui descendait, descendait... J'ai lâché mon téléphone qui est allé se démembrer sur le carrelage, pour essayer de rattraper mon maillot des deux mains. C'est à ce moment-là que j'ai vu Bastoche à l'entrée des douches. Il ne s'était pas du tout mis en maillot, comme convenu. Il était habillé. Et surtout, il tenait son téléphone braqué vers moi...
-NON! ai-je hurlé."
Grandir, c'est sans doutes ça: sans cesse espérer atteindre quelque chose, et lorsqu'on l'a atteint, se rendre compte que c'est dérisoire.
La ville c'est mon territoire, écouteurs sur les oreilles. Ses lignes, ses odeurs, j'aime ça. Je souris aux SDF, aux commerçants, aux passants, un sourire sans doute un peu absent, mais quand même. Mon regard porte loin devant, vers où je ne suis pas encore, où je me dirige sans cesse.