Citations sur Les nouvelles solitudes (39)
Le virtuel, c'est une façon de se protéger du réel qui va mal, qui nous fait mal, face auquel on se sent impuissant. Les nouvelles technologies, en facilitant la communication, créent paradoxalement de la solitude. Dans les maisons, les membres de la famille vivent de plus en plus séparément, chacun s'isole dans son espace, face à ses prothèses (téléphone, ordinateur, jeu vidéo...)...
Les forums, les chats, les blogs, les pages personnelles des internautes, tout cela constitue une manière d'éloigner la réalité, de mettre à distance les émotions douloureuses. Les phobiques sociaux par exemple, qui craignent la relation à l'autre, peuvent, avec les chats, avoir l'illusion de communiquer sans être menacés.
La décision de préférer quelqu'un d'autre est plus mutilante qu'un deuil, car c'est un jugement qui écarte volontairement l'autre.
Beaucoup d'hommes confondent amour et possession. Or l'amour n'est pas possession mais échange et partage. Quand un homme dit à une femme : "Je te veux toute à moi !", cela peut signifier le désir, mais ce peut être aussi : "Tu m'appartiens et tu n'existes pas sans moi". Et dans ce cas, si elle s'éloigne, elle risque de le payer par un dérapage de violence.
Le code civil napoléonien avait fait de l'épouse française la subordonnée de l'homme : elle n'avait pas le droit de vendre, de voyager, de travailler ou d'hériter sans l'autorisation de son mari. Sous la pression des féministes, la plupart de ces vieilles entraves ont disparu et les femmes ont acquis, en principe, une égalité avec les hommes, qui ont donc perdu leur supériorité ancestrale.
... dans nos sociétés hypermodernes, les individus cherchent plutôt à se rassembler pour ne pas affronter leurs peurs. Beaucoup cherchent un amour ou une pseudo-amitié qui viendrait combler leur solitude, remplir leur vide intérieur. Ils s'agitent, multiplient les rencontres, les amours et les projets. Ils refusent le vieillissement et la maladie, mais le constat reste là : nul ne peut éviter la mort. L'agitation du monde ne sert qu'à nous masquer que nous naissons seuls et que nous mourrons seuls.
Face à une personne seule, chacun de nous projette sa propre perception de la solitude et, au lieu que ce terme corresponde simplement à la description d'un fait, il devient un jugement.
Dans les pays développés, les années 1990 et 2000 marquent donc un tournant historique du modèle traditionnel de la relation de couple. L'espérance de vie est de 77 ans pour les hommes et de 84 ans pour les femmes, ce qui permet en principe quelque cinquante ans de vie commune. Il est toutefois illusoire de croire que nous pourrions vivre dans le même couple pendant un demi-siècle. Nos sociétés changent, nous changeons aussi avec l'âge ; et il est improbable que nous puissions vivre ces changements avec la même personne, d'autant que nous sommes de plus en plus exigeants. Car nos contemporains veulent tout, le bonheur sous toutes ses formes : une vie sexuelle épanouie, une vie personnelle intense, une vie sociale excitante et une vie professionnelle satisfaisante.
Un couple n'est pas une construction figée, il évolue avec le temps, et bien peu seront capables de suivre cette évolution en restant ensemble. Certains feront tout pour faire durer leur couple et sont prêts à des aménagements, à inventer d'autres façons d'être ensemble. D'autres choisiront de ne pas sauver une relation à tout prix quand "ça ne fonctionne plus". Ils passeront à quelqu'un d'autre. Dès lors, se dessinent différents modèles de couples.
p. 76 & 77
Cette hypothèse d'une "surcompensation des hommes quand leur masculinité est mise en cause" paraît bien expliquer le fait qu'à notre époque, malgré les avancées de l'égalité entre les sexes, les violences dans le couple, loin d'avoir diminué, sont en progression : ayant du mal à s'adapter au changement de leur rôle social, certains hommes réagissent par des comportements d'hypervirilité.
p. 66
Pour les hommes, tout est un problème de distance : trop de proximité les inquiète, car ils le ressentent comme un risque d'engloutissement, mais une trop grande distance réactive leur peur de l'abandon. Le contrôle qu'ils exercent sur leur femme leur permet de préciser à chaque instant la distance à laquelle elle doit se tenir.
p. 64