Avant, je rêvais de devenir un géant, comme mon père. On allait ensemble sur nos échasses à travers le marais, c'était vert, gris, mouvant, un territoire à nousn secret... et on voyait tout de haut, et très loin.
Quand il rentre chez lui, Louis s'assied sur son lit, et pour la première fois depuis qu'il habite ici, les murs ne le gênent pas, ni pour réfléchir ni pour rêver. Ses pensées les traversent facilement. Parce que, de l'autre côté du mur, elles rejoignent cette fille-là, aux yeux trop grands, cette Sofia, et sa silencieuse petite soeur.
Peu à peu, dans la mémoire de Louis, les images de son ancienne vie et des marécages pâlissent, semblables aux rêves qui s'effacent au matin quand on se lève.
Il lui semble qu'un grand couteau tenu par un ogre affreux a coupé sa vie en deux.