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Citations sur Les émeutiers (10)

- Vous n'allez pas publier ça, hein, Fournier ? Trois cent ou quatre cent morts... Dans ma ville ! Il est fou. Pas cette phrase... faut pas, mon petit Fournier.
- Je vais me gêner, raille Louis-Albert.
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Même le cimetière a une tête de coupable
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Taissandier est en pleine débandade. Protégé par son chauffeur, il reflue précipitamment vers la gare, s'engouffre dans l'immense salle des pas perdus. Mais la horde déchaînée est déjà sur lui. Il fuit, le puissant patron, regardez comme il décampe ! Transpirant, essoufflé, paniqué. Cette déroute embrase les rancoeurs et les humiliations. Se venger ! Les femmes rattrapent le gros homme, s'agrippent à ses manches, aux pans de son veston. Elles l'injurient, lui crachent au visage, tandis que d'autres se rassemblent, se vengent sur sa belle voiture à l'abandon.
[...]
Un voile rouge submerge Antoinette. Taissandier a perdu son feutre, et elle tente de lui tirer les cheveux, de lui lacérer le visage, repoussée par le chauffeur qui mouline des deux bras. Mais il ne peut rien contre la meute des possédées, contre Antoinette qui bataille au premier rang. Elle s'est échappée d'elle-même, s'enivre d'une rage sanguinaire. Le tuer, l'éventrer, disperses ses entrailles aux quatre vents. Qu'il aille empester ailleurs ! Le châtrer, oui, le châtrer ! Pour que cette race ne puisse plus jamais se reproduire, pour qu'elle n'ait plus à souffrir, à mendier, pour que ses enfants puissent manger, pour que...


Pages 29-30
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"Et avec, elle ne vaut pas lourd non plus, songe Victor toujours d'une humeur massacrante. Tu dors, tu te lèves, tu te couches, tu bosses, tu pointes, tu fais des gosses parce qu'il faut bien renouveler le cheptel, tu touches une paie de misère qui te laisse à poil les quinze derniers jours du mois, fait de toi un mendiant de l'épicier, un suppliant de l'huissier dont tu dois lécher le cul alors que tu voudrais lui mettre la tête au carré. Pas seulement la sienne d'ailleurs. T'as envie de bousiller tout le monde, l'univers entier, même le mec que tu croises par hasard dans la rue, qui n'y est pour rien, parce qu'à ce moment-là, un volcan explose dans ta pauvre caboche... Et le comble, c'est que tu pleures lorsque cette salope d'usine te vire, qu'il n'y a plus de boulot, et que tu n'as qu'à fermer ta gueule..."

Page 17
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[...] Le patronat pleure sur la loi des huit heures de travail (votée en avril 1919) qui le crucifie, gémit sur les bénéfices perdus et les dividendes écornés, ne pense qu'à rogner sur les salaires pour s'en sortir. De l'autre côté de la barrière, l'ouvrier claque du bec, vit la peur au ventre d'être licencié, envoie ses gosses ramasser des miettes de charbon sur les quais pour l'hiver.

Page 165
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La guerre servait ceux qui ne la faisaient pas, qui envoyaient les autres se faire massacrer. Et bien sûr, disait Quesnel, à chaque date anniversaire, "ils déposent des fleurs sur un empilement de cadavres pour nous faire oublier l'odeur de la mort dont ils sont responsables."
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Le Havre, l'avait-on prévenu, est un foyer - sans doute le plus important en France -, où bouillonnent dangereusement idées subversives et pensées révolutionnaires. [...] Dix ans donc, qu'Adriano Ciotta se consacre à la surveillance du mouvement ouvrier havrais. En marge de la police officielle, et avec une équipe de spécialistes. "Surveillance" étant un doux euphémisme. Ciotta traque les militants, infiltre les syndicats, fiche les agitateurs, opère des perquisitions arbitraires, saisit tracts et publications, utilise la panoplie complète de l'intimidation. Et au moindre prétexte, celui de trouble à l'ordre public notamment, Ciotta arrête, Ciotta enferme.
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Le général Denis Auguste Duchêne, commandant le 3e corps d'armée. Louis-Albert l'a déjà vu de près. Souvenir qu'il ne risqua pas d'oublier. C'était dans la boue, la merde, et l'odeur de la mort. Le général remontait le moral des troupes qui avaient besoin, vu la dernière hécatombe. Teint frais,moustache luisante de cire, il avait sorti quelques mots patriotiques, parcouru les boyaux au pas de course en veillant à ne pas tacher son bel uniforme au contact des cloportes de la tranchée et des cadavres figés dans la boue verdâtre.
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Des Forges et Chantiers à la réparation navale du quartier des Neiges, la pampa du prolétaire s’étend jusqu’à l’estuaire. Sombre capharnaüm où s’empilent pêle-mêle familles et machines, tout juste séparées par une ruelle, un grillage ou un terrain vague. Car hors l’usine, la vie ici ne vaut pas un clou. « Et avec, elle ne vaut pas lourd non plus, songe Victor toujours d’une humeur massacrante. Tu dors, tu te lèves, tu te couches, tu bosses, tu pointes, tu fais des gosses parce qu’il faut bien renouveler le cheptel, tu touches une paie de misère qui te laisse à poil les quinze derniers jours du mois, fait de toi un mendiant de l’épicier, un suppliant de l’huissier dont tu dois lécher le cul alors que tu voudrais lui mettre la tête au carré. Pas seulement la sienne d’ailleurs. Tu as envie de bousiller tout le monde, l’univers entier, même le mec que tu croises par hasard dans la rue, qui n’y est pour rien, parce qu’à ce moment-là, un volcan explose dans ta pauvre caboche… Et le comble, c’est que tu pleures lorsque cette salope d’usine te vire, qu’il n’y a plus de boulot, et que tu n’as qu’à fermer ta gueule…
Rengaine du labeur et de l’exploité.
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Victor Bailleul appuie comme un damné sur les pédales, avale la pente du pont Denis-Papin au sprint.
– Oh ! On n’est pas au Véld’Hiv ! gueule l’un de ceux qui peinent dans son sillage.
– T’es pas en balade non plus !
Ce n’est pas le moment de lui chercher des crosses. Ses gosses ! Ils lui ont pris ses gosses. Ou c’est tout comme. Il était obligé, ils l’ont obligé. L’évidence ne lui est apparue que ce matin, quand ils ont quitté la maison. Jusque-là, leur départ ne constituait qu’une péripétie, qu’un épisode de la lutte. Pas marrant, certes, mais rien n’était marrant dans un grève. C’était dur, et il fallait être dur. C’est ce qu’il tentait de démontrer pour convaincre Antoinette. Et puis, il y a eut ce matin… La colère est montée en lui, par bouffées de plus en plus violentes, et maintenant il est en rage. Quand il y pense, et là, il ne pense qu’à ça, il a des envies de tuer. De les tuer. Victor veut bien tout supporter, tout encaisser du moment qu’il est responsable. Prendre des coups, donner des coups, c’est dans la logique des choses. La lutte, c’est la lutte. Les patrons d’un côté, les prolétaires de l’autre. Mais les enfants, qu’est-ce qu’ils ont fait ? S’attaquer aux enfants, c’est s’attaquer à l’innocence. Est-ce juste de vouloir les affamer ? De les arracher à leurs mères ? Au moment d’embrasser Henriette et Marcel, il s’est senti anéanti, vidé de toute énergie, comme assommé par un coup de massue. Prêt à renoncer, à se renier. Ce n’est pourtant pas son tempérament. Mais Dieu que c’était dur. Pas seulement à cause des gosses, mais à cause d’Antoinette aussi, dont on voyait bien à travers ses sourires un peu paumés qu’elle avait une tête à pleurer. Quand il y pense, et il ne pense qu’à ça, la révolte dévore Victor jusqu’aux entrailles. Il brutalise sa bécane, et si les copains l’emmerdent d’un peu trop près, ce sera le même régime.
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