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« le peuple a faim, le peuple a froid. La misère le pousse au crime ou au vice, selon le sexe. »
Je retrouve dans ce livre audio lu par Jean-Claude
Dauphin - un vrai régal de lecture - la plume et le talent du
Victor Hugo qui prononça son célèbre discours à l'Assemblée Constituante le 15 septembre 1848 : une plaidoirie contre la peine de mort et la détresse des opprimés.
En 1832, le poète achève « Dernier jour d'un condamné » lorsqu'il découvre dans un journal l'histoire de
Claude Gueux.
Ce brave homme, ouvrier, qui en hiver a volé pour pouvoir chauffer et donner à manger à sa compagne et son enfant, se retrouve en prison. Son intelligence et sa dignité le font remarquer par les autres détenus auprès desquels il devient très populaire. Ceux-ci le considèrent comme un chef. Une solide amitié s'installe avec Albin, un jeune prisonnier qui lui offre de partager sa maigre ration avec lui. Très vite ils deviennent inséparables jusqu'à ce que le directeur des ateliers, qui n'aime pas
Claude Gueux, fasse changer Albin de quartier de prisonnier.
Le drame de cette histoire se noue lorsque Claude supplie de nombreuses fois le directeur de lui rendre son ami : « — Pourquoi ne voulez-vous pas me rendre mon camarade ? — Parce que… ». Désespéré, il assassine le directeur et tente de se suicider. Il survit, est jugé et condamné à mort. Six mois plus tard, il monte sur l'échafaud, très calme, bienveillant pour ses juges, aimable pour le bourreau. Avant d'être décapité il donne au prêtre la pièce de 5 francs qu'une soeur lui a remise : « Pour les pauvres… ».
Hugo utilise des phrases courtes, saccadées, des mots durs. Comment ne pas reconnaître dans le personnage de
Claude Gueux le futur Jean Valjean que l'on retrouvera dans «
Les misérables » ; de même que le directeur de la prison qu'incarnera le policier Javert.
Tout le récit est conçu par l'auteur pour capter notre attention sur la vie sociale des prisonniers à cette époque. Il y réussit pleinement.
Selon
Victor Hugo, le peuple est malade mais la société n'utilise pas les bons remèdes :
« La société est mal faite. Qui est coupable ? le peuple souffre. Ayez pitié du peuple. » ; « Toutes les jouissances dans le plateau du riche, toutes les misères dans le plateau du pauvre. Les deux parts ne sont-elles pas inégales ? »
La fin du roman est un violent réquisitoire contre les injustices sociales et la peine de mort :
« Messieurs, il se coupe trop de têtes en France. Démontez-moi cette vieille échelle boiteuse des âmes et des peines. Refaites vos pénalités, refaites vos codes, refaites vos prisons, refaites vos juges, remettez les lois au pas des moeurs. » ; « Comment enseignez-vous qu'il ne faut pas tuer ? En tuant. »
« Songez au gros du peuple. Des écoles pour les enfants, des ateliers pour les hommes. La France ne sait pas lire. C'est une honte. Une bonne éducation au peuple. Développez au mieux ces malheureuses têtes afin que l'intelligence qui est dedans puisse grandir. »
La dernière phrase de ce court roman est magnifique :
« Cette tête de l'homme du peuple, cultivez-la, défrichez-la, arrosez-la, fécondez-la, éclairez-la, moralisez-la, utilisez-la ; vous n'aurez pas besoin de la couper. »
Victor Hugo, visionnaire, ne sera finalement écouté que de nos jours lorsque
Robert Badinter fera voter le 9 octobre 1981 la loi abolissant la peine de mort.
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