Bad Girl : Classes de littérature

aucun mystère n'est plus vertigineux que celui-ci : les femmes, et elles seules, mettent au monde les enfants.

peu importe que l'on soit diplômé ou non d'une école prestigieuse ; l'éducation ne s'arrête jamais ; même dans les emplois les plus médiocres, on continue toujours d'apprendre.

Pour Woolf, l'immobilité dénote la catastrophe. Elle décrit la mort de sa mère comme "le plus grand désastre qui pouvait arriver. Ce fut comme si, une journée brillante de printemps, les nuages bousculés par le vent se fussent immobilisés soudain, s'assombrissant et s'entassant les uns sur les autres. Le vent tomba, et toutes les créatures de la terre se mirent, gémissant, à errer en de vaines recherches". Le son, au contraire, c'est l'extase. : " La première fois que ma mère loua un des mes écrits, ce fut comme si j'étais un violon et que l'on me jouait."
Toi, Dorrit, tu adopteras face au trauma l'une et l'autre de ces démarches en alternance : Woolf et Weil, musique et silence, eau et pierre.

Au Japon, les embryons avortés s’appellent mizuko, les enfants de l’eau. Leur protecteur est Jizô, vénéré dès le XIIIè siècle et toujours représenté comme un simple moine bouddhiste. Les mères vont au temple offrir à Jizô des ex-voto en souvenir de leurs enfants morts avant de naître, qui attendent pour pouvoir traverser la rivière des Enfers.
En Occident, alors que des millions de femmes se sont fait avorter au cours des âges, les représentations de cet événement (hormis dans l’iconographie chrétienne, les punitions prévues pour les mères infanticides) sont à peu près inexistantes.
Annie Ernaux : « Je ne crois pas qu’il existe un Atelier de la faiseuse d’anges dans aucun musée du monde. » p. 21

Cela n'arrive jamais qu'une mère quitte son enfant. C'est donc que l'enfant en question doit être nulle. Oui, tu mérites tout le malheur qui t'arrive, bad girl, même si tu ne sais pas pourquoi. (p251)

Tu supporteras des hommes de toutes sortes, y compris la pire : d'épais malotrus qui blablatent, salivent, balivernent et t'envahissent de leurs paroles, tu les supporteras parce que, tout en souriant et en hochant la tête, tu enregistres leur comportement certaine de prendre un jour ta revanche en les transformant comme des marionnettes, toi qui décideras quand ils doivent l'ouvrir et la fermer. (p207)

Hélas, tandis qu'on élevait les filles à la fois comme filles et garçons, on continuait à élever les garçons comme des garçons. (p132)

A partir de la fin du XXème siècle, des millions d'euros seront dépensés chaque année pour mettre au point l'utérus artificiel.
Tu trouveras ces recherches aussi affligeantes que celles qui portent sur la bombe nucléaire, et pour les mêmes raisons : à travers elles, les hommes tripotent ce qu'il ne faut pas tripoter, piétinent un domaine sacré.
Tout comme la fission et la fusion de l'atome, l'utérus artificiel représente le viol de la matière et du mater.

La romancière Virginia Woolf et la philosophe Simone Weil adopteront vis-à-vis d'un trauma d'enfance semblable, des stratégies inverses.

Woolf s'accrochera à la syntaxe et au son, à la musique des mots, pour élaborer une conception du temps très personnelle, moins linéaire plus globale.
"Je suis hantée, écrit-elle, par la vie très profonde et à moitié mystique d'une femme. Cela, je le raconterai un jour. Le temps sera complètement effacé et le futur fleurira en quelque sorte du passé. Un rien, la chute d'une fleur, pourrait le contenir.
Ma théorie étant l'évènement en soi n'existe pour ainsi dire pas, pas plus que le temps".

Weil revendiquera au contraire l'immobilité et la perfection.
En musique : Monteverdi, Bach, Mozart, et surtout les chants grégoriens parce que , " quand on chante les mêmes choses des heures chaque jour et tous les jours, ce qui est même un peu au-dessous de la suprême excellence devient insupportable et s'élimine".

Mais surtout parce qu'en interprétant les morceaux de musique classique, tu apprendras à exprimer tes propres émotions à travers celles des autres.
Défoulement fabuleux ! Marches militaires, roucoulements d'oiseaux, élans lyriques, danses ébouriffantes, sombres miasmes en mineur, douces harmonies, explosions, pleurs, cris ... Les notes des maîtres passent par ton corps et ton âme, et une structure est donnée au chaos.