Le thé, avant que William ne parte à un concert, c'était le moment où ils aimaient échanger des nouvelles, confirmer des projets, partager certaines idées qui leur étaient venues au cours de la journée. Le thé, c'était aussi le moment, surtout lorsque les jours raccourcissaient, où il leur arrivait de s'abandonner à une petite routine du souvenir qui en disait plus long sur leur amour et leurs nombreuses années de mariage que de grandes déclarations.
Il se sentait envahi par la volonté du mal. Il comprenait ce que pouvait ressentir un criminel. N'éprouver aucun remords, exulter à la pensée d'un acte impardonnable. Jamais il ne s'était aventuré jusque-là dans ces sombres replis de l'âme, et envahi par la peur il n'en était pas moins déterminé.
Il essaya de se calmer. Il pensa à des pieds de porc, au naufrage du Titanic, ou à l'abrogation des lois relatives à la culture du maïs.
William embrassa son épouse sur la joue. Quand il avait les mains libres, il aimait lui prendre le menton et poser un un baiser délicat sur ses lèvres, il s' était aperçu qu'elle aimait cela à l'époque où il lui faisait la cour et c'était devenu entre eux une habitude.
Il y avait un téléphone, juste un téléphone sur la table en Formica près du lit de William. Il prit le combiné, avec l'intention d'appeler Grace, puis il le reposa. plus tard serait tout aussi bien. Jusqu'ici, il n'y avait rien à dire. il était épuisé par l'absence de tout évènement.