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Citations sur Le fusil de chasse (127)

[...] ... Lettre de Midori A Son Mari, Misugi Josuke:

La veille de la mort de Saiko-san, je vins pour la dernière fois m'informer de sa santé. Ce jour-là, après plus de dix années, je tressaillis en revoyant le même haori, dont l'image, comme un cauchemar, s'était imprimée sur ma rétine, il y avait si longtemps, en cet éblouissant matin ensoleillé, à Atami ! Ce même haori avec ses chardons mauves, énormes, bien apparents, pesait lourdement sur les frêles épaules de ta chérie, rongée par son mal ! Quand j'entrai dans sa chambre, je m'écriai : "Magnifique !" Puis je m'assis et m'efforçai au calme. Mais, en pensant aux raisons qui lui faisaient porter le harori sous mon nez, je sus que j'allais perdre mon sang-froid. Le crime d'une femme qui avait volé son mari à une autre femme, l'humiliation ressentie par une fille de vingt ans qui venait de se marier, ces deux choses ne pouvaient manquer de demander un jour ou l'autre réparation. Et ce jour, semble-t-il, était arrivé ! Je dévoilai mon secret, auquel je n'avais jamais fait la moindre allusion depuis plus de dix ans et je l'étalai devant le haori orné de chardons :

- "Votre haori vous rappelle des souvenirs, n'est-ce pas ?" dis-je.

Elle eut un cri de surprise, bref, presque inaudible et se tourna vers moi. Je la regardai fixement dans les yeux car c'était à elle de détourner le regard.

- "Vous le portiez le jour où vous vous trouviez avec mon mari à Atami, n'est-ce pas ?" repris-je. "Veuillez m'excuser, mais j'étais là, et j'ai tout vu."

Comme je m'y attendais, elle blêmit et je vis ses muscles autour de la bouche se contracter en un rictus d'écœurement. De fait, j'éprouvais moi-même un sentiment d'écœurement. Puis, incapable de prononcer un mot, elle baissa la tête et fixa ses mains pâles, posées sur ses genoux.

A ce moment, je me sentis envahie par une sorte de jubilation, comme si j'avais vécu toutes ces années pour jouir enfin de cet instant. Mais en une autre partie de moi-même, je ressentais une indicible tristesse à l'idée que l'un des deux dénouements possibles était tout proche. Longtemps je restai assise, immobile, pétrifiée. Comme elle doit avoir souhaité disparaître de ma vue !

Après un moment, elle fut tant bien que mal capable de relever son visage blême ; elle me regarda intensément, et je sentis qu'elle allait mourir ; sans doute est-ce à cette seconde que la Mort s'est insinuée en elle. Sinon, elle n'aurait pas fixé sur moi ce regard tranquille. Dans le jardin, l'ombre et la lumière dansaient sous le feuillage que perçaient les rayons du soleil et, dans la maison voisine, un piano s'arrêta de jouer.

- "Bah ! Cela ne fait rien. Maintenant, je vous le donne sans autre formalité !" dis-je. ... [...]
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[...] ... La cité s'étendait jusque sur le versant opposé de la montagne. Deux routes asphaltées l'escaladant sur toute sa hauteur divisaient en trois le quartier où logeaient quelques centaines de famille, toutes, d'une façon ou d'une autre, en relation avec la mine. En cette fin d'avril, les cerisiers obligeamment plantés par la société lors de la création de cette zone venaient de fleurir pour la treizième année consécutive, deux semaines après ceux de la station thermale située plus bas, dans la vallée. Alors que les arbres commençaient à perdre leurs fleurs, Ri-é et les trois filles furent obligées d'évacuer le logement du dispensaire et de s'installer dans l'une des mauvaises baraques occupant ce versant. On raconta dans la cité que Ri-é venait d'être engagée comme coursière par la pharmacie du dispensaire. Dès la nouvelle du déménagement, la nouvelle se répandit : on avait découvert les deux corps de Kensuké et son amie. Ils avaient ensemble mis fin à leurs jours dans les neiges des montagnes de Shinano. Dans la petite cité, un aussi beau sujet de conversation était une rare aubaine. Cette fois, il ne s'agissait pas d'un "on-dit" mais d'une affaire qui s'étalait à la page "faits divers" des journaux. L'événement avait même sa place dans les éditions nationales.

La nouvelle fut diffusée précisément à la rentrée des classes, après les vacances de printemps. Comme d'habitude, à l'heure de la récréation, Kikué resta blottie dans un coin, à l'écart de ses camarades.

L'après-midi, pour l'exercice de narration, le professeur laissa les élèves libres de choisir leur sujet. Ne sachant quoi raconter, Kikué restait pensive devant sa copie, suçant son crayon.

- "Ecrivez avec franchise ce que vous pensez. Dès que vous en aurez fini, remettez-moi votre copie et vous serez libres de quitter la salle."

Kikué réfléchit encore un peu puis commença d'écrire, lettre après lettre, d'une écriture malhabile pour une enfant de son âge :

- "Moi, j'avais déjà deviné que mon père et la dame s'étaient sauvés et qu'ils étaient crevés. Je le savais déjà mais je ne l'avais jamais dit à personne. La dame avait bon coeur, elle était douce et gentille. Je l'aimais très fort. Je suis sûre que, même morts, mon père et la dame seront heureux, parce qu'ils sont ensemble." ... [...]
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Dans le spectacle du bateau qui avait flambé et que la mer avait englouti, sans que nul s'en aperçut, il me semblait avoir vu le symbole de la fin réservée à notre amour sans espoir.
Même à l'heure où j'écris ces mots, je conserve la vision de ce bateau dont les flammes brillaient dans l'obscurité. Ce que je vis, cette nuit-là, à la surface de la mer, n'était, sans doute, que le supplice aussi bref que pathétique d'une femme consumée par les feux de l'amour.
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Un jour tu m’as dit que tout être abritait un serpent dans son corps.
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Comme chaque élève examinait le questionnaire avec attention et réflexion et suçait la mine de son crayon, l'une d'elles, non sans malice, mit en circulation un bout de papier, et la fille qui se trouvait derrière moi me le fit passer. Quand je l'eus sous les yeux, j'y trouvai la double question suivante : désires-tu aimer ? Désires-tu être aimée ? Et sous les mots « désires-tu êtres aimée » de nombreux cercles avaient été tracés à l'encre, au crayon bleu ou rouge. Au contraire, sous les mots « désires-tu aimer » ne figurait aucun cercle. Je ne fis pas exception, et j'ajoutai un cercle de plus au-dessous de « désires-tu être aimée ». Même à seize ou dix-sept ans, alors que nous ne savons pas tout à fait en quoi consiste « aimer » ou « être aimée », nous autres femmes, nous semblons connaître déjà d'instinct le bonheur d'être aimée.

Maus, au cours de cette composition, l'élève assise à côté de moi prit le bout de papier, y jeta un coup d'œil, puis, sans hésiter, elle traça un grand cercle, d'un coup de crayon appuyé, à l'endroit où ne figurait aucun signe. Elle, elle désirait aimer. Même aujourd'hui, je me rappelle très bien qu'à ce moment, je me sentis déconcertée, comme si l'on m'eût attaquée soudain par traîtrise ; toutefois, au même instant, j'éprouvai un léger sentiment de révolte, à cause de l'attitude intransigeante de ma compagne.
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Je pensais que, si Midori-san venait à apprendre notre amour, je devrais payer mon péché de ma mort. Mais mon bonheur y gagnait encore en profondeur.
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En plus des trente couleurs au moins que contient une boite de peinture, il en existe une, qui est propre à la tristesse et que l'oeil humain peut fort bien percevoir.
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Laisse-moi te dire encore une fois, avant de terminer, que ces treize années sont pour moi aussi nébuleuses qu'un songe. Pourtant j'ai connu le bonheur, grâce à ton immense amour. Plus que personne d'autre au monde.
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Un amour qui ne peut survivre qu'au prix du péché doit être bien triste.
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Laisse-moi te dire encore une fois, avant de terminer, que ces treize années sont pour moi aussi nébuleuses qu'un songe. Pourtant j'ai connu le bonheur, grâce à ton immense amour. Plus que personne d'autre au monde.
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