Il n'y a pas de passé, il n'y a pas de futur. Dis-le-toi, il y a un présent jusqu'au bout, tout est présent ; sois présent. Sois présent.
Tant qu'on est présent, tout est prétexte à littérature.
Horreur ! Je ne veux pas qu'on m'embaume. Je ne veux pas de ce cadavre. Je ne veux pas qu'on me brûle ! Je ne veux pas qu'on m'enterre, je ne veux pas qu'on me donne aux vautours ni aux fauves. Je veux qu'on me garde dans des bras chauds, dans des bras frais, dans des bras tendres, dans des bras fermes.
Je mourrai dit-il quand je voudrai, je suis le roi, c'est moi qui décide.
LE MÉDECIN : On en fait jusqu'au dernier moment. Tant qu'on est vivant, tout est prétexte à littérature
LE GARDE : [...] Le soleil est en retard. J'ai pourtant entendu le Roi lui donner l'ordre d'apparaître.
MARGUERITE : Tiens ! Le soleil n'écoute déjà plus."
LE ROI Il n’est pas midi. Ah, si, il est midi. Ça ne fait rien. Pour moi, c’est le matin. Je n’ai encore rien mangé. Que l’on m’apporte mon breakfast. À vrai dire, je n’ai pas trop faim. Docteur, il faudra que vous me donniez des pilules pour réveiller mon appétit et dégourdir mon foie. Je dois avoir la langue saburale, n’est-ce pas ? Il montre sa langue au Docteur. LE MÉDECIN En effet. Majesté. LE ROI Mon foie s’encrasse. Je n’ai rien bu hier soir, pourtant j’ai un mauvais goût dans la bouche. LE MÉDECIN Majesté, la reine Marguerite dit la vérité, vous allez mourir
Il arrive que l'on fasse un rêve. On s'y prend, on y croit, on l'aime. Le matin, en ouvrant les yeux, deux mondes s'entremêlent encore. Les visages de la nuit s'estompent dans la clarté. On voudrait se souvenir, on voudrait les retenir. Ils glissent entre vos mains, la réalité brutale du jour les rejette. De quoi ai-je rêvé se dit-on? Que se passait-il? Qui embrassais-je? Qui aimais-je? Qu'est-ce que je disais et que me disait-on? On se retrouve avec le regret imprécis de toutes ces choses qui furent ou qui semblaient avoir été. On ne sait plus ce qu'il y avait eu autour de soi. On ne sait plus.
Je mourrai quand je voudrai, je suis le Roi, c'est moi qui décide.
Des milliards de morts. Ils multiplient mon angoisse. Je suis leurs agonies. Ma mort est innombrable. Tant d'univers s'éteignent en moi.