Déroutant mais exceptionnel
Mieux vaut avoir une santé psychologique de fer avant d'entamer ce roman de
Ionesco, écrit à la première personne du singulier.
L'homme qui nous livre son histoire est âgé de trente-cinq ans. Sa vie, jusqu'alors cadencée par un quotidien latent (sorte de "métro-boulot-dodo"), est bouleversée par un héritage inattendu (décès d'un vieil oncle américain sans progéniture). du jour au lendemain, ce trentenaire, blasé par la monotonie de son existence, se retrouve à l'abri financièrement. Plus besoin de travailler, plus besoin de compter.
Commence alors une sorte de voyage introspectif ; celui d'un homme qui profitera dans un premier temps des avantages que procure ce nouveau statut de riche, puis, qui plongera de façon pernicieuse dans une conscientisation de l'absurdité de la vie. Une chose est sûre. A la réponse « l'argent fait-il le bonheur ? », la réponse est non. Evidemment, ce constat correspond à un premier niveau de lecture. D'autres réflexions et enjeux se bousculent en sourdine… et construisent la pensée de ce narrateur qui tente de percer les mystères existentiels. A quoi sert la Vie et quel sens lui donner? Qu'est-ce que l'Individu face au monde qui continue d'avancer, de grouiller, de s'agiter?
Finalement, ne serait-ce pas l'aveu d'un auteur qui réalise qu'on est Rien, que la vie défile parfois sans qu'on en saisisse le sens ni l'utilité (si utilité il y a)… Prise de conscience aiguisée ou folie dépressionnaire ? En tout cas,
Ionesco parvient à nous donner le vertige dans cet ouvrage magnifique, quasi philosophique. Comment ne pas être sensible au sort de ce personnage Solitaire, marginalisé, vulnérable et arraché à la réalité ?